Le Chiffre Du Jour est 6, comme les 6 milliards de dollars qui selon David Beasley, le directeur du Programme alimentaire des Nations Unies (PAM), pourrait résoudre le problème de la faim dans le monde . Six milliards de dollars, soit seulement un minuscule 2 % de la fortune d’Elon Musk, patron de Tesla et de Space-X, ou des portions tout aussi anecdotiques des patrimoines des autres super-riches de la planète .
Dans une interview accordée à CNN dans l’émission CONNECT THE WORLD, David Beasley expliquait qu’entre les conflits armés, l’instabilité politique, la pandémie de Covid-19 et le changement climatique qui font des ravages de l’Ethiopie à l’Afghanistan en passant par l’Amérique centrale, « six milliards de dollars pour aider 42 millions de personnes qui vont littéralement mourir si nous ne faisons rien pour elles, ce n’est pas compliqué. »
De son côté Elon Musk s’est déclaré prêt à vendre immédiatement autant d’actions Tesla que nécessaire pour réunir les 6 milliards demandés, mais à condition que le PAM explique comment il compte s’y prendre pour résoudre le problème de la faim dans le monde, ceci dans un esprit de transparence des données « afin que le public puisse voir précisément comment l’argent est dépensé »
Les diverses réactions face aux propos de David Beasley et de Elon Musk ne se sont pas faites attendre puisque pour Pierre Micheletti, le président d’Action Contre la Faim, cette somme quasi promise semble alléchante, mais il s’agit pour lui, surtout d’un habile coup médiatique , car si cette générosité n’est pas factice , elle n’est pas adaptée pour tendre vers une sécurité alimentaire .
Mais, en vrai, est-ce que 6 milliards de dollars ( 5,2 milliards d’euros) sont vraiment suffisants et est-ce que le manque d’argent est uniquement le problème ?
En juillet 2015, l’ONU estimait même qu’au niveau mondial, l’éradication durable de la faim d’ici à 2030 nécessiterait en moyenne 267 milliards de dollars supplémentaires par an afin que les personnes pauvres aient accès à la nourriture en quantités suffisantes et puissent améliorer leurs moyens d’existence.
Pour Thomas Piketty, spécialiste des inégalités économiques, l’idée serait plutôt d’imposer les ultrariches qui gagnent plus de 10 millions de dollars par an, pour avoir cinq fois plus d’aide publique au développement.
Et pour Sylvie Brunel, géographe, économiste mais également ancienne présidente d’Action Contre la Faim, le problème est essentiellement politique et laisse en suspend deux questions qui ont le mérite d’être posées et qui d’une certaine maniére peuvent amener à repenser la question… et ses solutions.
– Le PAM prétend-il pouvoir recréer de la paix et du développement en Syrie, en Afghanistan, en RDC, au Soudan du Sud, au nord du Nigeria, au Yémen ou en Corée du Nord, principaux pays de la faim ?
– Ces 6 milliards de dollars pourront-ils inverser le désintérêt des gouvernements face à la pauvreté rurale ? Les paysans sont des majorités silencieuses et dominées, dont le pouvoir de contestation, limité, est toujours sévèrement réprimé.
Avant d’ ajouter en conclusion que prétendre qu’il faille inonder le PAM d’argent pour résoudre ce problème de fond est une douce illusion, voire une supercherie.