Ce lundi 20 novembre, Unicef France a publié un rapport Grandir dans les Outre-mer : état des lieux des droits des enfants. Une vingtaine de recommandations ont été proposées pour la Guyane.
En Guyane, 6 enfants sur 10 sont pauvres. Dans ce contexte de chômage élevé et de niveau de vie faible, les aides sociales jouent un rôle crucial.
Le rapport du HCFEA*, de l’enfance et de l’âge de 2022 souligne des défis majeurs en Guyane, relate le rapport d’Unicef. En 2017, les étrangers représentaient 36,9 % de la population guyanaise. Beaucoup étaient dépourvus de titre de séjour, privés d’accès aux prestations sociales, et confrontés à une extrême pauvreté.
Des violences intrafamiliales
Unicef déplore des violences physiques et sexuelles particulièrement élevées au sein des familles. En ce qui concerne la sécurité, le taux d’homicides par habitant en Guyane était 14 fois plus élevé qu’en Hexagone en 2022. Le rapport du HCFEA mentionne également l’exposition des enfants aux homicides familiaux, avec 2,9 victimes pour 1 000 habitants. Il est de 1,5 victime outre Atlantique.
De plus, la lettre d’information de l’ARS de Guyane de juin 2022 rapporte des données inquiétantes de l’unité médico-judiciaire de l’hôpital de Cayenne pour les années 2019-2020. 7 femmes victimes pour 1 homme, la moitié des victimes étant âgées de moins de 13 ans.
Les agresseurs étaient à 99,2 % des hommes de l’entourage de la victime, et 60 % des agressions se sont produites au domicile de la victime. Les agressions étaient souvent répétées, incluant des viols et des agressions sexuelles.
Un accès au logement laborieux
Selon l’état des lieux de 2023 de la fondation Abbé Pierre, 4,2 % des logements en Guyane sont des habitations des quartiers informels. La croissance démographique de 1,8 % en moyenne annuelle entre 2013 et 2020 contribue à l’augmentation de ces logements.
Les propriétaires profitent souvent de personnes à faibles revenus ou en séjour illégal, aggravant la surpopulation de logements souvent insalubres.
De plus, les mineurs non accompagnés et les jeunes en errance, dont le nombre exact est inconnu, sont particulièrement vulnérables en raison du manque d’options accessibles pour un logement digne. En conséquences, ils sont exposés aux risques de mal-être, d’addictions, de violences et de prostitution, souligne le rapport.
Éducation, des richesses mal perçues
En Guyane, 30 % de la population représente l’effectif scolaire. Et 70 % des enfants n’ont pas le français comme langue maternelle. À l’âge de 10 ans, 93 % des élèves interrogés déclarent parler au moins 2 langues, 41 % au moins 3 langues et 11 % au moins 4 langues.
Si cette diversité linguistique peut être une richesse, le rapport EDUCINCLU souligne que l’accueil académique dans les établissements resteront défaillants tant que des éléments ne seront pas pris en compte. Le rapport cite la forte mobilité des familles, le plurilinguisme et la proportion importante d’étrangers.
Le rapport nuance : il semble y avoir une volonté affichée par le rectorat de renforcer les dispositifs favorisant le multilinguisme.
Cela explique que plus de 50 % des personnes n’ont pas ou peu de diplômes. À noter que de nombreux bacheliers se rendent en Hexagone, augmentant ainsi la proportion de jeunes peu ou pas diplômés sur le territoire, rappel le rapport d’Unicef.
Ainsi, entre 3 et 10 % des jeunes en âge d’être scolarisés ne le sont pas. Selon une étude de l’Insee (2014), une personne sur trois lit et écrit avec grande difficulté. À tout cela s’ajoute le manque de personnel dans les établissements scolaires et la vétusté de ces derniers.
La nutrition est un enjeu majeur
En 2019, le taux de couverture de la restauration scolaire en Guyane, pour les établissements de la maternelle au collège, était de 34 %. Selon la CNCDH**, en 2017, pour compenser le manque de services de restauration le long des fleuves, les rythmes scolaires des enfants étaient ajustés, les faisant aller à l’école entre 7 heures et 13 heures.
Cependant, certains élèves doivent parcourir de longues distances en pirogue pour se rendre à l’école sans avoir mangé. Cela impacte négativement leur santé, leur développement et leur capacité d’apprentissage.
En Hexagone, le taux de demi-pension scolaire était de 70 % en 2019, alors qu’il n’était que de 26 % en Guyane, avec les régions Est et Ouest particulièrement touchées par le manque d’infrastructures. La pauvreté explique également ce faible taux de demi-pension, écrit le rapport.
Les recommandations de l’Unicef
L’Unicef propose dans son rapport une liste 23 recommandations. Par exemple :
- « · Favoriser l’accès aux droits pour les familles, en particulier celles les plus éloignées des dispositifs d’accès aux droits, en renforçant et valorisant le rôle de médiateur à l’échelle des villages, notamment par le biais des chefs coutumiers.
- · Renforcer la prévention pour éviter le désœuvrement des enfants, la rupture du lien familial, et mieux identifier et prendre en charge les situations de jeunes en errance et les MNA (Mineurs non accompagnés).
- · Améliorer les conditions d’accueil des enfants dans les établissements scolaires et engager des aménagements en profondeur favorisant la scolarisation de tous les enfants sans aucune distinction.
- · Créer une formation certifiante en médiation en santé / santé mentale, afin de renforcer les dispositifs d’« aller vers » permettant aux enfants et aux familles d’avoir recours à des soins.
- · Assurer la restauration scolaire dans l’ensemble des établissements, à des conditions accessibles à l’ensemble des familles. Étudier la faisabilité d’une gratuité. »
Un colloque organisé à l’Assemblée nationale
Le jeudi 23 novembre, l’Unicef France tiendra un colloque à l’Assemblée nationale intitulé « Grandir dans les Outre-mer : état des lieux des droits de l’enfant ». Cette rencontre abordera les défis majeurs liés à l’accès aux services publics pour concrétiser les droits de l’enfant au sein des collectivités territoriales d’Outre-mer.
Le rapport adapté aux plus jeunes ici.
*Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge
**Commission nationale consultative des droits de l’homme
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