Notre CDJ est 82, comme le nombres d’années depuis que Hattie McDaniel fût la première interprète afro-américaine à recevoir un oscar, le 29 Février 1940 pour son interprétation de Mamma dans « Autant en emporte le vent ».
Je vous en parle parce qu’il y’ a une dizaine de jours, le 06 Janvier précisément, nous apprenions le mort de Sidney Poitier l’un des plus éminents acteurs afro-américains oscarisé en 1964 pour le » Lys des champs » et qu’il est identifié comme le premier acteur noir à avoir reçu un oscar.
Et depuis son décès je vois beaucoup de débats concernant l’attribution de ce premier oscar à Sidney Poitier et qui par la même, fais oublier celui de Hattie Mc Daniel.
Et en préparant ce CDJ, j’ai pu me rendre compte à quel point quand on parle de ces deux acteurs noirs oscarisés on parle de 2 époques différentes dont la constante est le racisme hollywoodien qui en fait le microcosme de la société américaine.
En butte au racisme et à la ségrégation raciale tout au long de sa carrière, Hattie McDaniel n’a pas pu assister à la première de Autant en emporte le vent à Atlanta parce qu’elle se tenait dans un théâtre réservé aux Blancs. Lors de la cérémonie des Oscars à Los Angeles, elle s’est assise à une table séparée sur le côté de la salle ; l’hôtel Ambassador où se tenait la cérémonie était réservé aux Blancs, mais lui a fait la faveur d’y assister. Lorsqu’elle mourut en 1952, son dernier souhait – être enterrée dans le cimetière d’Hollywood – fut refusé parce que le cimetière était réservé aux seuls blancs.
McDaniel a deux étoiles sur le Hollywood Walk of Fame à Hollywood : une au 6933 Hollywood Boulevard pour ses contributions à la radio, et une au 1719 Vine Street pour avoir joué dans des films. Elle a été intronisée au Black Filmmakers Hall of Fame en 1975, et en 2006, elle est devenue la première noire à recevoir un Oscar honoré par un timbre-poste américain.
Comme le montre Jill Watts dans l’ouvrage Hattie McDaniel: Black Ambition, White Hollywood, en tant que femme noire dans une société américaine ayant institutionnalisé la ségrégation raciale, Hattie McDaniel a souffert de nombreuses discriminations. Comme beaucoup d’acteurs noirs de cette période, elle a été cantonnée à des rôles racialement stéréotypés de domestiques, parfois pas même crédités au générique. Elle est récompensée par un Oscar pour son rôle dans Autant en emporte le vent, sans avoir été autorisée à assister à la première du film, tout comme tous les acteurs noirs de l’époque, également exclus de toute la promotion du film dans les États du Sud. Même à Hollywood, lors de la cérémonie des Oscars, elle est contrainte d’emprunter l’entrée réservée au gens de couleur et de s’asseoir au dernier rang loin du reste de l’équipe du film. L’Oscar a d’ailleurs été reçu de manière contrastée par la communauté africaine-américaine. En saluant cette victoire, certains jugent que le film fait l’apologie du système esclavagiste. Obtenir cette récompense montrait alors que seuls ceux qui acceptaient les stéréotypes racistes d’Hollywood pouvaient y avoir du succès. Elle est donc accusée de collaborer au maintien des stéréotypes racistes sur les noirs dans le cinéma hollywoodien.
Sidney Poitier est lui sans conteste la première grande star noire de Hollywood, d’ailleurs 1967 le consacre par ses performances d’acteur avec « Devine qui vient dîner ce soir ? » dans lequel il interprète le fiancé » noir » de Katharine Hepburn et se retrouve confronté pour la première fois à la famille » blanche » de sa bien-aimée et « Dans la chaleur de la nuit »,où il incarne le policier Virgil Tibbs qui est arrêté à cause de sa couleur de peau, 2 films qui mettent la société américaine face à au racisme ordinaire que subissent des millions de noirs américains .
Grâce à ses rôles, le public a pu concevoir que des Afro-Américains pouvaient être médecin (La porte s’ouvre, en 1950) , ingénieur, professeur (Les anges aux poings serrés, en 1967), ou encore policier (Dans la chaleur de la nuit en 1967).
On est loin des lois Jim Crow qui à peine quelques années plus tôt régissaient le « tout-hollywood » et qui n’auraient certainement pas permis à Sidney Poitier de s’engager dans le combat des droits civiques de la communauté noire et contre inégalités raciales de manière aussi forte sans que sa carrière puisse en pâtir . En 2009, il a reçu des mains du président Barack Obama, la plus haute distinction civile américaine : la médaille de la liberté.
2 époques, 2 ambiances mais un héritage et un chemin tracés par Hattie McDaniel et repris par Sidney Poitier quelques années plus tard, qui au final, nous font penser qu’i il serait préférable que nous puissions nous rappeler que si nous laissons les autres écrire notre histoire, nous nous retrouverons très souvent à discuter de la légitimité ou de la primauté d’une récompense. Est-il plus important de se rappeler de qui a été le premier, du contexte dans lequel ils l’ont été ou de se servir de ces modèles pour dupliquer à l’infini, pour que la légitimité de nos talents ne fassent plus aucuns doute.
K.H