Après une septième table ronde en Martinique pour discuter de la vie chère, un accord a été signé ce mercredi soir, mais sans la participation du Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens (RPPRAC). Aude Goussard, secrétaire du RPPRAC, nous en explique les raisons. Entretien.
Mercredi soir, vous avez quitté la septième table ronde sur la vie chère sans signer le protocole d’accord. Pourquoi ?
Nous avons quitté la table sans signer le protocole d’accord car ce n’en est pas un. C’est un protocole d’objectifs et de moyens, qui n’engage à rien les parties. De plus, d’un point de vue juridique, il n’a pas la même portée, surtout sans la signature de la partie qui est à l’origine de la dénonciation du problème et qui exige des résultats. Ces derniers n’était pas satisfaisants, c’est pourquoi nous nous sommes levés de cette table ronde.
Quels sont les résultats qui, selon vous, ne sont pas satisfaisants ?
Il y a 69 familles de produits, dont 54 ont été décidées et votées en plénière par la Collectivité territoriale de Martinique, avec une contribution de l’État. Cependant, lorsque nous nous sommes mobilisés dès le 1er septembre, trois conditions avaient été posées.
La première condition concernait l’alignement des prix sur ceux de l’Hexagone ; la seconde, que cet alignement soit durable et non pas limité à une expérimentation de trois ans ; enfin, que cela concerne la grande, la moyenne et la petite distribution.
Suite à des réunions de concertation entre tous les acteurs, nous avons proposé un plafonnement des prix à 15 %, ce qui a été refusé. Nous avons donc dû appliquer ce qu’on appelle le différentiel de prix : de 5 à 15 % lorsque le distributeur n’a pas besoin de passer par un grossiste, et de 5 à 25 % de différentiel entre les prix de l’Hexagone et ceux de la Martinique lorsque l’intervention d’un grossiste est nécessaire. Cette proposition n’a pas été acceptée, et ils se sont limités aux 69 familles de produits, représentant environ 6 500 articles.
Lorsque nous avons analysé la liste des produits concernés, nous nous sommes aperçus qu’ils se sont basés sur les sorties de caisse, c’est-à-dire la consommation des Martiniquais entre 2022 et 2024. Cependant, compte tenu de la crise que nous traversons et de l’inflation qui touche les prix en Martinique et dans les Outre-Mer, nous avons constaté que ces produits étaient principalement ceux accessibles aux bourses, et non ceux que les gens souhaiteraient consommer pour manger de manière plus saine.
Nous avons trouvé des produits qui sont plutôt de nature à être classés Nutri-Score E, D ou C, et puis ils ne comptaient que des légumes en conserve, pas frais. L’alimentation pour bébés ne figure pas dans la liste des 69 familles ; un produit de base et de première nécessité, c’est au minimum les déodorants. On sait très bien que dans des régions tropicales comme les nôtres, sans déodorant, on sent rapidement le foin.
Nous avons mis en avant toutes ces incohérences, bien que nous ayons obtenu la continuité territoriale pour l’ensemble des Outre-mer, y compris la Guyane, à hauteur de 11 millions d’euros. Mais, comme je vous l’ai dit, ce document, n’ayant aucune valeur juridique, ne contient que des promesses qui n’engagent que ceux qui y croient Nous pensons que nous allons être rapidement bernés, donc nous avons préféré quitter la table des négociations.
Aujourd’hui, vous avez demandé la venue du ministre des Outre-mer. Avez-vous eu un retour à ce sujet ?
Pour le moment, nous n’avons fait que des déclarations. Nous rappelons cependant que le ministre des Outre-mer a fait des sorties médiatiques plus que catastrophiques, puisqu’il a confondu son rôle avec celui du ministre de la Justice, en osant prétendre que Monsieur notre président Rodrigue Petito était un ancien repris de justice et qu’il allait judiciariser le phénomène de la vie chère.
Il a été remis à sa place par le président de la République et par le président de la CTM, qui lui ont rappelé où étaient ses prérogatives, ses droits et ses obligations. Comme il a été recalé, il boude. Il est allé en Kanaky, ce qui est tout à fait logique compte tenu de la situation, mais à notre niveau, il a dit qu’il ne viendrait pas sous la contrainte. Ce n’était pas une contrainte : c’est le peuple martiniquais, dit français, régi sous l’article 73 de la Constitution française, qui reprend simplement les éléments du dernier rapport de la Cour des Comptes, du rapport Hajjar sur les prix, la vie chère et les rapports sénatoriaux de 2009 à 2024.
Nous avons trouvé que c’était une posture assez coloniale ; on a l’impression que tout est plié dans un mouchoir de poche et qu’on nous a imposé des armes répressives pour nous faire taire. Ce qui n’a pas fonctionné, puisque la CRS 8 a tout de même pris l’autoroute à contresens pour se sauver.
Qu’en est-il de la continuité de la mobilisation ? Allez-vous durcir le mouvement ?
Durcir le mouvement reviendrait à utiliser le champ lexical de la violence. Nous ne voulons pas durcir, nous voulons nous faire entendre de manière pacifique, mais si vous nous opposez la répression, il est clair que cela va mal tourner. Nous ne pouvons pas accepter qu’on nous réponde par des gaz lacrymogènes et autres moyens répressifs. Nous continuerons nos actions pacifiques. Nous avons un grand rassemblement ce samedi à 10h sur le parking du stade Dillon à Fort-de-France, pour, avec le peuple, décortiquer l’ensemble des points de manière plus posée, loin de la CTM, loin du préfet, et ce sera au peuple de nous indiquer la marche à suivre.
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