Le député de la deuxième circonscription de Guyane compte « attaquer sur le fond » les arrêtés d’interdiction d’embarquer du préfet mis en place dans le cadre des opérations « 100% contrôles » à l’aéroport Félix-Eboué.
Action, réaction. Contacté par deux passagers refoulés à l’aéroport Félix-Eboué vendredi et samedi dernier, le député de la 2e circonscription de Guyane a annoncé qu’il allait attaquer « sur le fond », au tribunal administratif, les arrêtés « que prend le préfet pour interdire les vols » en cas de suspicion de trafic de stupéfiants.
Mardi 19 septembre, l’avocat Me Lingibé, sollicité par l’élu, a obtenu la suspension de l’exécution de l’article par lequel le préfet a interdit, pendant cinq jours, à Alainso R. et Tamango H. d’embarquer à bord d’un aéronef au départ de l’aéroport Félix-Eboué. Ces derniers ont témoigné de leur mésaventure dans le cadre d’une conférence de presse aux côtés de Davy Rimane, mercredi 20 septembre. Pour l’élu, il y a « un vide ». « Le texte ne repose sur rien de solide, rien de concret. »
« Ce qui m’a attristé et peiné, c’est qu’on ne m’a pas fait passer de tests pour trouver la moindre trace de stupéfiants »
Alainso R. est un étudiant Guyanais en troisième année de licence économie et gestion à l’université Paris 8. Vendredi dernier, il n’a pas pu embarquer à bord du vol qui devait l’emmener à Paris.
« En rentrant dans l’enceinte de l’aéroport, je donne mon passeport à un agent de police. Il décide de me contrôler dans un espace alloué. En tant que citoyen respectueux de l’ordre public, je ne manifeste aucun mépris et je me fais contrôler comme il se doit. En sortant, je récupère mes affaires et je demande à l’agent si je peux récupérer mon passeport. Il m’explique que cela n’est pas possible, qu’un autre contrôle aura lieu à l’extérieur. J’étais étonné, je ne connaissais pas la procédure. On m’appelle, je me rends dans un bureau, et un autre agent me pose des questions. »
« Qu’est-ce que vous allez faire en France métropolitaine ? » , a questionné l’agent.
« Je lui ai clairement indiqué que je rentrais chez moi, que j’étais venu en Guyane pour voir ma famille. Je lui ai même précisé là où j’habitais. Il m’a demandé si j’avais une preuve. Je lui ai montré ma quittance de loyer. Après, il m’a demandé ce que je faisais dans la vie. Je lui ai dit que j’étais étudiant. Il m’a demandé des preuves. Sans réseau, je n’ai pas pu me connecter sur le site de l’Université, mais je lui ai montré le paiement de mes frais de scolarité. Après cela, il a tout simplement dit que ma destination était incomprise. J’ai été transparent avec lui, à aucun moment je n’ai menti. Ce qui m’a attristé et peiné, c’est qu’on ne m’a pas fait passer de tests pour trouver la moindre trace de stupéfiants en moi. Mais l’agent a décidé qu’il fallait que je revienne dans cinq jours. Il a imprimé un arrêté que j’ai refusé de signer. »
L’arrêté d’interdiction temporaire (cinq jours) dressé sur place établi qu’Alainso a déclaré « un itinéraire imprécis », et qu’il présentait, lors du contrôle une « transpiration importante sans raison apparente », « des lèvres craquelées et blanches », « une langue jaune », « des yeux jaunis » ou encore « un regard fuyant.
Pour la préfecture, l’Etat, il existe « une forte probabilité » que M. R. « participe au trafic de stupéfiants » à destination de la métropole et que « les éléments issus des renseignements administratifs » constituent un « risque réel et sérieux de trouble à l’ordre public ».
Dans son ordonnance, le juge des référés souligne qu’il y a une atteinte « manifestement illégale à la liberté d’aller et venir de M. R. ». « A supposer même qu’en dehors de circonstances exceptionnelles, le préfet tiendrait de ce seul texte le pouvoir d’interdire, même à titre temporaire, à un passager d’embarquer à bord d’un aéronef, l’existence de risques avérés de troubles à l’ordre public n’est en tout état de cause pas établie en l’espèce par les éléments relevés par la police aux frontières et le préfet ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs de police, édicter une telle interdiction. »
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Davy Rimane appelle à une réorganisation du dispositif
Un deuxième témoin, Tamango H., Guyanais résidant aux Etats-unis, a essuyé le même refus d’embarquer, dans des conditions similaires. « Je suis arrivé à l’entrée de l’aéroport, ils m’ont pris mon passeport américain. Ils m’ont fouillé et m’ont demandé d’attendre. Ils m’ont emmené dans un espace, m’ont fait attendre, et m’ont finalement donné un papier qui m’autorisait à voyager. » explique-t-il.
Problème : le temps a filé, l’avion aussi. Tamango H. n’a pas pu embarquer à bord de son vol vendredi dernier. « Aucune réponse, personne n’a pu m’aider. »
Le lendemain, l’homme retente sa chance avant d’être de nouveau contrôlé. « Ils ne font pas de tests de quoi que ce soit. » assure-t-il. Un arrêté d’interdiction d’embarquer l’a finalement empêché, lui aussi, de prendre l’avion.
« Depuis quand on doit prouver qu’on va à l’école pour prendre un avion ? Sur la base de quoi le préfet s’arroge le droit de prendre cet arrêté-là ? » questionne Davy Rimane. Et d’asséner : « Ils prennent une décision sur l’apparence de la personne ».
Selon des chiffres communiqués à Mo News lors d’un précédent reportage en juin, plus de 4000 arrêtés d’interdiction d’embarquer ont été prononcés depuis la mise en place du dispositif « 100% contrôles » à l’aéroport Félix-Eboué. Dans une missive tranchante adressée au ministre de l’Intérieur, Davy Rimane appelle à une « réorganisation du dispositif » afin que les voyageurs « puissent se rendre à l’aéroport dans des conditions sereines ».
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