La bâtonnière de Guyane a entamé un bras-de-fer juridique contre la mairie de Cayenne après trois chutes successives sur le trottoir de la rue du Lieutenant Goinet. Saisi, le tribunal administratif rendra prochainement une décision qui pourrait faire jurisprudence.
Maître Christine Charlot, bâtonnière de Guyane*, ne cache pas son mécontentement. À la barre du tribunal administratif, ce jeudi 7 septembre, elle ressasse la litanie de chutes qui l’a conduit a déposé un recours indemnitaire devant le tribunal administratif, il y a désormais trois ans.
Dans son viseur : la mairie de Cayenne, responsable de l’entretien des trottoirs. Entre 2019 et 2021, l’avocate a chuté trois fois sur le macadam fracassé de la rue du Lieutenant Goinet, dans le centre-ville. À deux reprises, cela lui a valu une entorse, entraînant des complications pour ses déplacements professionnels. Car oui, à Cayenne, depuis la crise de l’amiante, les juridictions sont dispersées, entraînant des déplacements à pied fréquents pour les robes noires.
En guise de réparation et après un constat d’huissier dressé en mars 2021, Me Charlot demande 50 000 euros de dommages-intérêts dans le cadre d’un recours indemnitaire. Une procédure qui donne suite à l’absence de réponse de la mairie à une première demande d’indemnisation. Le tribunal administratif statuera dans trois semaines.
De son côté, le rapporteur public, chargé de donner son avis en toute indépendance sur les questions posées par l’affaire, a invité les juges a rejeté la requête de la bâtonnière, non sans une pointe d’humour. « Les obstacles sont à la rue de Cayenne ce que les raisins sont à la viennoiserie qui en porte fièrement le nom. Visibles, abondants et pernicieux » introduisait-il dans la petite salle au 1er étage de la rue Schoelcher.
« L’affaire de ce jour ne devrait pas vous retenir très longtemps »
Mais, juste avant ses conclusions, Dayann Hegesippe a averti : « L’affaire de ce jour ne devrait pas vous retenir très longtemps et ce, non pas par négligence, mais par évidence. »
Pour quelles raisons ? Principalement à cause de « l’état du droit », a-t-il rapporté. « L’usager répond à un régime de responsabilité déterminé que l’on qualifie de faute présumée ou envisagée. Cette faute réside dans le défaut d’entretien normal de l’ouvrage. Ainsi, dès lors qu’un usager se dit victime d’un accident, dû à un ouvrage ou à des travaux publics, il lui appartient d’établir la matérialité de son préjudice et de justifier du lien de causalité entre l’ouvrage et la survenance du préjudice. »
C’est technique, car c’est du droit. Pour le rapporteur, il manque tout simplement un « lien de causalité » entre le préjudice, les blessures de Me Charlot, et l’état des trottoirs. « Vous ne disposez pas d’éléments sur la configuration des lieux le jour des chutes ni d’éléments permettant d’établir un lien vraisemblable entre le préjudice et l’ouvrage. » a-t-il conclu, en s’adressant à la bâtonnière.
Jurisprudence ?
L’avocat de la mairie de Cayenne, Me Cariou, a argué que Me Charlot n’avait « qu’à faire attention ».« J’aimerais que raison soit gardée de la part de quelqu’un qui n’a certainement pas foulé les trottoirs de Cayenne. » a asséné Me Charlot en réponse. Et de rappeler qu’il est « extrêmement préjudiciable d’avoir des trottoirs dans cet état. »
L’avocate pointe du doigt une forme de politique de l’autruche pratiquée par la mairie de Cayenne à l’endroit des plaintes formulées contre l’état des trottoirs du centre-ville. « Je les ai interpellés à de multiples reprises, y compris au cours de conférences de presse. » explique-t-elle. Elle regrette la longueur d’une procédure lancée après de « multiples tentatives de médiation » et souligne que la mairie a préféré recourir à un cabinet d’avocats plutôt que de simplement colmater le trou béant de la rue du Lieutenant Goinet (en photo à ses côtés).
« Je trouve que c’est intéressant de montrer aux justiciables comment faire valoir leurs droits. » conclut-elle à son tour.
* Elle entrera en fonction à partir du 1er janvier 2024 pour une durée de deux ans.
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