Mo News, espace d’expression -Tribune libre de Jean-Victor Castor, député de la première circonscription.
Ce sommet qui réunit huit pays sud-américains au Brésil doit permettre de trouver des solutions pour la sauvegarde de l’Amazonie, anciennement appelée poumon de l’humanité. Des solutions pour lutter contre la déforestation illégale, pour un meilleur contrôle de l’extractivisme, l’accession à la souveraineté alimentaire et également la protection des peuples autochtones.
Conscients du défi environnemental à relever, le Brésil, le Venezuela, le Suriname, le Guyana, le Pérou, la Bolivie, la Colombie et l’Équateur, n’ont pas attendu la COP 30 de 2025 pour prendre les mesures qui s’imposent et inviter d’autres pays qui partagent la même volonté qu’eux.
Au nom de son impérialisme, la France administre un territoire sud-américain, voisin du géant brésilien et du Suriname : la Guyane. C’est à ce titre que le président français Emmanuel MACRON a été invité. Les réactions sont nombreuses quant à son absence.
Mais quelle crédibilité pourrait avoir la France au regard de la politique qu’elle mène en Guyane ? La Guyane qui connaît des problèmes de déforestation non contrôlée, liée notamment à l’orpaillage illégal. Que décide l’autorité administrante ? Non pas, comme le président brésilien, d’éradiquer l’orpaillage illégal, mais de le contenir. Le contenir à un seuil que les autorités parisiennes, discrétionnairement, trouvent tolérable. Est-ce tolérable que 10 et 7 tonnes d’or disparaissent du sol guyanais en 2021 et 2022, par des procédés illégaux incluant le mercure, qui polluent les eaux et empoisonnent les familles qui se nourrissent des poissons contaminés. Une étude menée en 2019 a conclu à un taux d’imprégnation au mercure pour plus de la moitié de la population du Haut-Maroni. 87 % des femmes enceintes pouvaient accoucher d’enfants présentant des malformations. Des enfants, contaminés à plus de 10μg/l, le seuil à ne pas dépasser selon l’Organisation mondiale de la santé. Certains présentant une contamination égale ou supérieure à 50 μg/litre.
Ça n’émeut pas les autorités françaises, en tout cas pas assez pour que, fortes de leurs pouvoirs régaliens elles ne manifestent de volonté à faire en sorte que ces seuils sanitaires ne soient plus dépassés en terre guyanaise.
Une terre qui ne produit pas et qui importe près de 80% de ce qu’elle consomme. Loin de l’objectif de conquête de souveraineté alimentaire de ses voisins, encore plus loin des objectifs français de reconquête pour 2030. Que décide l’autorité administrante? De se réserver 90 % des terres et de ne distribuer que celles qui ne sont ni cultivables ni aménagées, aux agriculteurs. Comment pourrait-elle justifier de l’application de cette politique de dépendance d’importations provenant de l’Europe. Comment pourrait-elle justifier d’avoir maintenu des procédures aberrantes de transfert des marchandises provenant du Brésil vers des ports français et renvoyées en Guyane à des prix exorbitants, à une population de plus en plus pauvre.
Une population pauvre sur un plateau des Guyanes dont la croissance économique explose au Guyana. Des perspectives économiques qui se sont ouvertes du fait de recherches fructueuses de pétrole et de gaz. Des perspectives qui n’ont pas non plus, échappé aux fleurons industriels français, comme Total Energies. Alors que fait la France ? Elle dit tourner le dos aux énergies fossiles par une loi qui interdit l’attribution de nouveaux permis de recherche d’énergies fossiles, « pour mettre en cohérence le droit français et ses engagements climatiques ».
Et pendant ce temps-là, Total Energies continuent à être l’une des entreprises les plus agressives au monde en matière d’exploration et d’exploitation de projets pétroliers, notamment aux portes de la Guyane.
Enfin, la France ne pourrait prendre part à un événement qui se solderait par un engagement d’appliquer des moyens pour sauver l’Amazonie, ses premiers habitants et leur mode de vie. Elle ne reconnaît ni leur existence sur leurs terres ancestrales au nom de l’indivisibilité du peuple français, ni leurs droits puisqu’elle n’a toujours pas ratifié la convention n°169 de l’OIT.
Le président du pays des droits de l’Homme, de la Charte de l’environnement ne s’est pas déplacé, certes. Mais des guyanais conscients du trésor de biodiversité, de savoirs ancestraux et de richesses innombrables qu’est leur terre, se sont invités à ce sommet et ont participé aux ateliers de discussion en amont.
Ils partagent avec les organisateurs de ce sommet « ce rêve amazonien ». Cette volonté de reprendre et d’étendre la coopération.
La France n’a pas la volonté et de ce fait, ne se donne pas les moyens de préserver les intérêts de la Guyane et des Guyanais.
Et c’est bien pour cela que les guyanais entendent décider de la coopération régionale et des sujets qui les touchent directement. Les décisions n’ont pas 8000 km à faire, elles doivent être prises sur le sol impacté et par les personnes impactées.
Le discours du président français le 26 juillet 2023, sur une future révision constitutionnelle pour la Kanaky, oubliant les autres processus d’autonomie, ne nous fera pas dévier du cap. Des accords parus au journal officiel de la France elle-même, le 2 mai 2017, lui rappellent la démarche prévue et en cours.
Je me répète : « Mais quelle crédibilité pourrait avoir la France au regard de la politique que ses dirigeants mènent en Guyane » ?