Sylviane Cédia, vous êtes de retour en Guyane depuis mi-juillet… comment vous sentez-vous ?
J’y étais, il y a très peu déjà. J’ai l’impression de ne pas être repartie. Vous savez, je me sens très bien chez moi. Cela signifie pouvoir me ressourcer au sein de ma famille, retrouver mes amis, mes fans. C’est source incontournable de réconfort. Les parfums de mon enfance, la voix affectueuse de Maman, qui vient de fêter ses 90 ans. Mon Père est décédé en 2016 mais j’ai toujours l’impression de l’entendre. Ma Guyane ce sont aussi les saveurs gustatives des plats que j’aime, les chants des oiseaux, les chiens qui aboient, les coups de klaxon familiaux…
Un retour marqué par une actualité culturelle…
Oui j’ai été invitée par l’association Colombes Culture Santé Bien-être à trois grands rendez-vous de la musique avec des jeunes en difficulté venant de Camopi, Trois-Sauts et Kourou. L’évènement visait à contribuer à l’épanouissement de ces jeunes de quartiers prioritaires et isolés par des activités musicales artistiques tels que le chant, l’expression corporelle, les scénettes et la création. Moun Yan Ka Pale a été conçu sous la direction artistique de Mylène François. Quant à moi, j’ai eu le privilège de diriger trois Master Class pour favoriser l’échange avec ces jeunes et qu’ils aient une meilleure approche du chant, et se découvrent pourquoi pas une vocation !
Donner accès à la culture au plus grand nombre. C’est aussi ça le sens de votre engagement ?
Bien sûr ! La culture c’est pour moi la cheville de l’humanité chez les tout-petits comme chez les grands. Elle revêt une certaine importance. C’est l’épanouissement de l’être, son ouverture à la beauté de la création, son respect envers la nature, son écoute attentive aux sons, son admiration pour les formes. Partir à la découverte de sa culture c’est authentifier son existence. Les repères natifs sont importants.
C’est aussi l’ouverture vers la connaissance d’autres cultures, et là le lien se tisse puis naissent les échanges et le partage de valeurs. La culture rend heureux. La culture inspire, elle nous parle
beaucoup, même dans les moments de tristesse, vous n’errez plus car tous ces états d’âme se traduisent en image que vous avez bien sûr envie de partager (sons, écrits, dessin, sculpture, etc)
Pouvons-nous dire que vous êtes une artiste engagée ?
Oui, une artiste engagée pour la paix, l’amour, le respect d’autrui. Je suis un artisan de la paix, une femme passionnée par la musique. Oui, je suis une artiste engagée car quand je fais quelque chose j’y vais jusqu’au bout. J’ai 57 ans de chanson derrière moi, sans jamais avoir abandonné ma passion. Quand quelque chose me tient à cœur j’y vais ! J’aime mon péyi, la Guyane. Quand elle a mal, d’où que je sois de l’autre côté de l’hexagone, je porte le soutien ! Je me suis et j’y tiens, engagée dans des causes nobles, sensible à la douleur. J’amène ma pierre à l’édifice. J’admire les gens, quelque soit le domaine, qui connaissent les valeurs de l’engagement, et cela irait encore mieux si les moyens leur étaient donnés !
Est-ce qu’en tant que Guyanaise vous êtes satisfaite de ce qui s’est passé, de cette demande de changement ?
En tant que Guyanaise je serais satisfaite quand les moyens seront donnés pour que nos élus en charge de notre territoire puissent avoir de meilleures marges de manœuvre dans l’exercice de leur fonction, quand les projets entamés verront le jour… Et je n’évoque même pas la lenteur administrative et tous ces débats… Le changement c’est inéluctable, c’est le vœu de tous, en général ! A chaque élection naissent d’innombrables espoirs. Mon vœu est qu’il y ait plus d’acteurs et moins de spectateurs ! J’en profite pour saluer l’engagement, le courage, de nos présidents de la CTG.
Sylviane Cédia, à quand un nouvel album ?
Ce nouvel album qui sera mon 17ème en solo est en pleine préparation. Nourrie de beaucoup plus de musicalité et surtout grandie d’une belle expérience, j’y travaille, mais il me faut du temps. Deux étapes sont importantes après la composition. C’est d’abord l’écoute attentive des chansons que j’accompagne à la guitare ou au piano ou que je chante en a capella pour bien savoir comment je veux orienter le genre rythmique, relire et corriger les paroles. Et en deuxième lieu je prendrai la direction du studio. Pour l’instant, le start pour sa sortie n’est pas programmé pour 2021. Cela ne m’empêche pas de présenter au public de nouvelles compositions comme « Roun Jou », en soutien à la lutte contre la drépanocytose ou encore la chanson lauréate du concours de création musicale du Bicentenaire de Mana 1828-2028 « 1828 – MANA, une Femme » dont l’enregistrement vient de s’achever au Studio Azur de Guyane, et qui sortira très prochainement.
Et votre retour sur scène ?
C’est pour très bientôt je l’espère ! Si la situation sanitaire continue à s’améliorer, les projets prévus
verront le jour pour moi, comme pour la communauté artistique. J’ai eu la chance quand même d’évoluer sur quelques scènes au chant guitare acoustique ou avec des effectifs réduits. Cette nouvelle expérience a conforté la proximité et donné plus de convivialité aux concerts.…
En attendant l’opportunité m’est donnée de continuer à exister en partageant sur les réseaux sociaux et ça me permet de disposer de plus de temps pour créer de nouvelles chansons.
Comment partagez vous votre temps entre l’hexagone et la Guyane, où vous revenez autant que vous pouvez ?
C’est bien dit, je ne reste pas trop longtemps à l’extérieur sans revenir à la maison. J’ai ma maman qui a eu 90 ans, ma famille, mes amis, mon public… et mon péyi m’est cher. Quand ce n’est pas pour des raisons professionnelles, je m’organise quand c’est possible pour revenir, leur accorder plus de temps et me ressourcer.
Dans l’hexagone j’ai mon fils, mes petit-fils qui me sont aussi chers et d’autres membres de ma famille. Les distances géographiques m’obligent à planifier mes déplacements en dehors de mon planning musical dans l’hexagone ou à l’extérieur. Ce n’est pas évident. Heureusement qu’il y a le téléphone… Je donne aussi quelques cours de chants aux jeunes et moins jeunes, en dehors d’autres activités qui font partie de mon privé comme ma passion pour l’architecture ou encore donner un peu de mon temps pour la solidarité et l’entraide… Rassurez vous j’arrive à m’endormir et aussitôt la tête posée sur l’oreiller, ne me cherchez plus ! (Rires)
Comment avez-vous vécu cette crise covid ?
Difficilement tout au début car nous ne l’avions pas vu venir du tout ou l’imaginer si coriace ! Voir autant de mesures d’urgence prises pour éviter sa propagation, ce n’était pas évident, mais nous n’avons pas d’autres choix que de respecter les mesures les plus strictes de prévention. Puis il a fallu s’adapter espérant que des solutions rapides seraient trouvées pour rassurer les peuples et remettre tout en fonction dans tous les domaines de la vie. Pour nous les artistes ce n’étaient pas le top de voir les concerts annulés et les projets repoussés sans espoir de date de report. Pour les familles c’était le désarroi. De voir tant de gens s’en aller à cause de cette pandémie !
Mais le fait d’être à la maison m’a motivé à maintenir l’espoir autour de moi en partageant des live chant/guitare sur la toile et de soutenir les isolés…
Vous n’êtes pas vaccinée ? Vous n’avez pas peur ?
Non, pourquoi aurai-je peur ! Pour le vaccin, c’est personnel. Le vaccin n’empêche pas d’être contaminé et j’ai besoin de mieux comprendre. Je ne suis pas contre mais je reste prudente et je respecte les gestes barrières. Si je sens venir le danger, je préviens sinon je m’éclipse.
Allez un mot pour terminer sur le regard que vous portez sur la scène musicale guyanaise ?
C’est un regard positif vers un horizon tout plein d’espoir pour notre musique. La scène guyanaise a beaucoup évolué avec l’émergence d’artistes et de genres de musique divers comme la musique urbaine et la musique du fleuve… La musique traditionnelle se maintient et j’en suis heureuse.
Avec les réseaux sociaux beaucoup d’artistes se sont fait connaître par cet outil et traversent les frontières. S’il y a de moins en moins de producteurs, les confirmés, comme les nouveaux venus, ont bien compris que l’avenir est sur le net. La Guyane est un berceau et vivier d’une musicalité débordante. Il faut y aller, et poursuivre la création. Avec le covid c’est l’inattendu qui a pris le dessus, comme partout, mais j’émets le vœu de la reprise très prochaine d’événements pour retrouver tous nos artistes et notre public en nombre illimité.
Quels artistes vous séduit aujourd’hui ?
Je suis assez variée dans les genres de musique guyanaise. Un artiste me séduit par sa voix, son écriture, son message, sa sensibilité et la façon dont il maîtrise son instrument, s’il en joue, de sa régularité, sa ténacité, Ils sont plusieurs et dans plusieurs genres. Un petit clin d’œil à Fanny J, à Warren, à Jahyanaï King, à Lova Jah, à K-reen, à Nadège Chauvet et à Saïna Manotte, et à Valérie et Marie-Paule Tribord. Et puis il y a bien sûr tous nos artistes comme Dany Play, Victor Clet, Clara Nugent, Chris Combette, Viviane Wan-Ky que je côtoie depuis des années !