Après cinq ans et demi à la barre, Antoine Primerose va laisser sa place de président de l’Université de Guyane. L’unique candidat en lice aux élections, qui se tiennent ce mardi, est Laurent Linguet, vice-président de la commission recherche. Une passation de pouvoir qui s’annonce sans accroc et qui laisse l’occasion de dresser un bilan des actions menées depuis 2017. Interview d’Antoine Primerose.
Après ses années lycée à Kourou, Antoine Primerose fait ses études dans le génie électrique et les sciences de l’ingénieur à Toulouse. Un doctorat en poche, il rentre en Guyane en tant qu’ATER (Attaché temporaire d’enseignement et de recherche). Il devient ensuite, en 1996, directeur adjoint de l’IUFM Antilles-Guyane. En 2002, lors de la création de l’IUFM Guyane, Antoine Primerose prend un poste de directeur qu’il gardera pendant 10 ans. En parallèle, il endosse la présidence du groupement d’intérêt public pour l’Université Guyanaise, qui avait pour mission principale le pilotage de la construction du campus de Troubiran. Une mission qu’il accomplit entre 2004 et 2010 en parallèle à la direction de l’IUFM. Par la suite, il devient vice-président de l’Université Antilles-Guyane en 2009. Avant de devenir président de l’Université de Guyane en 2017 et de le rester pendant deux mandats (2017-2023), Antoine Primerose a été directeur de l’École Supérieure du Professorat et de l’Éducation (ex INSPE) en 2014.
La recherche, c’est votre « dada ». Quelles avancées soulignerez-vous lorsque l’heure du bilan sera venue ?
Il y a d’abord eu une meilleure définition des thématiques de recherche pour le site universitaire. Un resserrement des équipes et plus de lien avec les organismes. On peut aussi parler d’un positionnement important sur la recherche grâce à des interactions renforcées avec les organismes et les entreprises. Ce qui est mesuré quantitativement par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, c’est l’augmentation significative du nombre de publications scientifiques de l’Université de Guyane depuis sa création. (En 2015, le Hcéres recensait 90 publications scientifiques en provenance de l’Université de Guyane, contre 121 en 2019. Un pic de publications a été enregistré en 2018, année faste durant laquelle on comptait pas moins de 161 publications scientifiques).
Plus généralement, au sein de l’Université, quelle est la situation concernant l’offre de formation. Est-ce qu’elle s’étoffe ?
On a eu la capacité de proposer une offre de formation beaucoup plus adaptée aux besoins. On ne répond pas à toutes les demandes, mais on a pu mettre en place des dispositifs en réponse à certaines sollicitations très précises, à la fois avec l’apprentissage, mais aussi avec des dispositifs de pré-professionnalisation pour l’Éducation Nationale et le Rectorat. Il faut aussi parler des Masters mis en place en partenariat avec d’autres Universités comme le master MAE (avec l’Université Panthéon-Sorbonne), le master énergies renouvelables et le master droit privé parcours Justice, procès, procédure (avec l’Université de Montpellier). Ce sont des avancées intéressantes puisque ces diplômes n’existaient pas en Guyane avant la création de l’Université. Je pense également à la création de notre école doctorale et ses 70 doctorants. Sur le confort de travail, l’extension de l’IUT de Kourou au campus Bois-Chaudat est une évolution importante pour l’offre de formations. Elle a notamment permis de créer un département génie civil.
Quid de la coopération régionale et internationale ? On pense spontanément à l’Institut Amazonien de la Biodiversité et de l’Innovation Durable qui est un projet majeur. D’autres projets sont dans les cartons ?
On a libéré les énergies et on a essayé de se positionner comme une Université qui a vocation à être un des leaders sur le plateau des Guyanes. Le futur, c’est plusieurs projets intéressants qui impliquent la responsabilité de l’Université comme le CHRU. La dimension « U », c’est la formation complète en premier cycle puis celle du second cycle. Dès la rentrée 2023, l’Université de Guyane proposera une deuxième année d’études de médecine. En 2030, elle formera ses premiers médecins… Le CHRU englobe des enjeux importants tels que la structuration de la recherche en santé et les thématiques d’excellence qu’elle porte.
Deux autres sujets sont non négligeables : la transformation du département « formation et recherche » en unité de formation et recherche, donc en faculté de médecine. Cette dernière sera incarnée par un bâtiment dédié sur le campus de Troubiran. Les appels d’offres ont été faits et on espère qu’en 2024 ou 2025 ce bâtiment verra le jour. Concernant l’AIBSI, c’est un projet conçu par la communauté scientifique de Guyane pour porter les enjeux de formation autour de la biodiversité et des innovations durables, mais aussi de la recherche pluridisciplinaire. On a conçu cela en réponse à un appel d’offre national dont nous sortons lauréat. Un projet au long cours avec un financement de 14 millions d’euros sur 10 ans. J’initierai le lancement de ce projet aux côtés de la gouvernance.
Pour la formation des médecins en Guyane, vous êtes serein vis-à-vis des finances allouées ? Sur le projet de CHRU, l’ARS estime à 500 millions d’euros les besoins, 99 millions sont mis sur la table…
Ma connaissance est à deux niveaux. Il y a dans un premier temps la partie qui concerne le CHR et l’amélioration des offres de soins. Les 99 millions d’euros englobent les travaux, la transformation des CDPS en hôpitaux de proximité, l’amélioration des plateaux techniques, l’installation de nouvelles spécialités… Le projet CHRU est un projet territorial qui doit fédérer tous les acteurs, Cayenne, Kourou, Saint-Laurent et les hôpitaux de proximité. Il faut une amélioration globale de l’offre de soins sur le territoire. Dans un second temps, on reste vigilant et on se fait entendre auprès de notre ministère de tutelle pour que la partie « U » se réalise.
Vous nous parliez de l’extension de l’IUT de Kourou juste avant, mais est-ce qu’il y a des projets dans l’enseignement supérieur à Saint-Laurent du Maroni ? C’est une attente importante.
Avec l’équipe sortante, ça fait partie des choses qu’on continue à promouvoir. Ce qu’on attend, c’est qu’il y ait un positionnement politique clair et précis. Il y a deux possibilités. Si on y va, il faut un projet adapté et complémentaire aux autres sites universitaires. Si on n’y va pas, il faudra expliquer pourquoi et quelles seront les organisations transitoires en attendant que ça arrive un jour. Le devenir de la Guyane passe par l’Ouest. Il y a un besoin important de compétences pour le tissu socioéconomique. Mais on ne peut pas faire tout cela avec les moyens actuels, il faut des moyens dédiés. Le problème ne repose pas forcément sur la construction du campus, ce n’est pas le plus difficile. Ce qui est compliqué, c’est le contenu du projet et la recherche de financements stables pour son fonctionnement.
Quelle est la suite pour vous ?
Je suis enseignant chercheur à l’Université. Je n’ai jamais rompu le contact avec mes étudiants et je travaille encore en laboratoire de recherches même si je n’étais pas très proactif en raison de mon mandat. Je suis dans le laboratoire Espace Développement. On travaille notamment sur l’estimation du rayonnement solaire au niveau du plateau des Guyanes. Des modèles de prévision pour accompagner l’installation de systèmes photovoltaïques…
- Un mandat à la présidence de l’Université dure quatre ans. Ce mardi 17 janvier, les 28 membres du Conseil d’Administration voteront pour leur nouveau président. Laurent Linguet est l’unique candidat. Pour être élu, il devra réunir plus de la moitié des voix.
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