La secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et du Service National Universel était en déplacement en Guyane du jeudi 29 décembre au 1er janvier pour valoriser l’engagement militaire. Sarah El Haïry a aussi eu l’occasion de faire un état des lieux des dispositifs d’insertion destinés à la jeunesse Guyanaise. Nous l’avons interrogée au cours du dernier temps fort de sa visite, au 3e REI de Kourou.
Quel bilan dressez-vous de cette visite ?
Je suis très heureuse. J’avais fait le choix de venir passer la Saint-Sylvestre avec les forces armées en Guyane, mais aussi de profiter de cette fin d’année pour rencontrer la jeunesse Guyanaise dans la diversité de ses aspirations, de ses défis et de ses opportunités. Et en réalité, c’est une visite qui me marquera à jamais pour plein de raisons. J’ai découvert les particularités et les cultures des régiments actifs en Guyane avec un respect impressionnant face à leur engagement, face à l’appréhension de la forêt et de l’environnement, la forêt primaire, le début de la jungle… En même temps, ce sont des essentiels pour notre souveraineté et la protection de la planète quand on voit les dégâts causés par l’orpaillage illégal. J’ai aussi pris conscience de la jeunesse de cette armée, particulièrement experte, dans un milieu qui peut être considéré comme vraiment challengeant. Il y a beaucoup de solidarité, d’engagement et de fierté au sein de l’armée en Guyane, quelle que soit la spécialité ou le rattachement.
Vous avez pu constater de vous-mêmes les dégâts causés par l’orpaillage illégal ?
Oui, nous avons vu la pollution causée par cet orpaillage illégal.
Sarah El Haïry avec les militaires du poste de contrôle fluvial de Saut Maman Valentin, le 31 décembre.
Concernant le Service national universel, le budget qui vous est octroyé en 2023 monte à 140 millions d’euros. La Guyane était un territoire d’expérimentation en 2019. Quels sont les leviers dont vous disposez pour convaincre ?
Le président de la République a annoncé lors de ses vœux qu’il s’exprimera sur le Service national universel dans les prochaines semaines. En Guyane, le SNU prend tout son sens. D’abord, c’est une réussite. 9 jeunes sur 10 disent qu’ils sont satisfaits ou très satisfaits du Service national universel. Dès 2019, la Guyane a été un département qui s’est engagé très fortement. En même temps, ça prend tout son sens dans les objectifs que le service national universel vise : de la force morale, une capacité à se dépasser, des rencontres, de la mixité sociale. Le goût, aussi, d’une fierté qu’on découvre ou qu’on retrouve en dehors du champ scolaire. Nous avons besoin d’une action à la fois en dehors et complémentaire de celle du monde de l’Éducation nationale. Ce Service national universel mobilise nos trois excellences : l’excellence scolaire, celle du monde associatif que j’ai pu rencontrer sur la première partie de cette visite et puis le monde des corps en uniforme. Tout ça pour créer des communs et la fierté d’être français. Nos diversités sont fondamentalement des richesses et le SNU a vocation à être ce carrefour pour que demain un jeune Amérindien vive cette rencontre avec un jeune de Nantes par exemple.
La secrétaire d’Etat à la mission locale de Cayenne.
C’est un dispositif basé sur le volontariat pour l’heure. 2023 sera-t-elle l’année qui le rendra obligatoire ?
Les conditions de généralisation du SNU seront définies prochainement. Le service national universel est à un momentum. Sa généralisation passe par deux hypothèses. L’hypothèse d’une généralisation par le parcours scolaire, ce qui signifierait qu’il toucherait très largement la jeunesse. Ou alors, on travaillerait à accroître son attractivité par une procédure différente. Dans les prochaines semaines, le président de la République choisira l’objectif et le chemin à prendre. Quand il m’a renommé au sein du gouvernement avec une double tutelle au sein du ministère des Armées et au sein du ministère de l’Éducation Nationale, la mission qu’il m’a donnée, c’est de préparer sa généralisation. Le séjour de cohésion du Service National Universel sera un temps de rencontre et de citoyenneté. Un temps d’enseignement moral et civique appliqué avec l’objectif d’augmenter la résilience et la force morale de tous nos jeunes en provoquant des rencontres et des découvertes pouvant déboucher, dans les années qui suivent sur un engagement volontaire. L’engagement se fait a posteriori et concerne les jeunes de 16 à 25 ans. Il peut être civil avec le service civique, dans les réserves civiles ou à l’étranger avec les volontariats internationaux en entreprise ou en administration, ou encore ERASMUS+ et le corps européen de solidarité, ou militaire avec différentes formules.
Comment séparer l’image du SNU de celle du service militaire ?
Le Service national universel, c’est d’abord et avant tout un temps de citoyenneté. C’est du civisme, mais c’est aussi la culture de la défense. Parce qu’on voit aujourd’hui les défis qui sont les nôtres. Ici, au régiment d’infanterie, on peut voir des hommes et des femmes qui maîtrisent la forêt, la faune, la flore, les questions environnementales… La plus grande chance pour notre pays, c’est de ne pas hiérarchiser les formes d’engagement. Il faut présenter les formes d’engagement militaire avec les réserves militaires, la gendarmerie, les parcours des policiers adjoints qui sont volontaires… Et présenter les chemins d’engagement associatifs et civils via les écoles de la 2e chance, la mission locale, le service civique, la lutte contre la crise climatique. Il y a aussi des dispositifs qui font part d’une pleine réussite. En outre-mer, je pense au RSMA. Tout ça sans jamais poser la question de la hiérarchie. Chaque jeune a évidemment sa place dans notre République, notre pays. Ce n’est pas à l’institution de hiérarchiser. Le SNU sera un accélérateur d’égalité des chances.
« Le RSMA permet d’acquérir un savoir-être nécessaire pour une partie des jeunes, mais aussi des compétences techniques » assure Sarah El Haïry.
En Guyane, certains « chemins d’engagement » associatifs sont restreints. Prenons l’exemple de l’école de la 2e chance, qui promet seulement 120 places par an à Cayenne et bientôt 80 à Saint-Laurent du Maroni. C’est peu…
La facilité voudrait que je réponde « Oui, bien sûr, on augmentera ». La réalité, c’est que l’école de la 2e chance, comme les EPIF, comme le RSMA, comme les lycées professionnels et généraux, doit permettre à chaque jeune de trouver ce dont il a besoin. Aujourd’hui, l’ouverture à Saint-Laurent du Maroni d’une antenne est une opportunité. La particularité pour l’école de la 2e chance, c’est qu’elle est soutenue par la CTG, l’Etat et les partenaires économiques. C’est bien la conjugaison des trois qui rend l’accompagnement possible. De plus, il ne faut pas considérer que l’école de la 2e chance et le RSMA ont vocation à toucher 100 % des jeunes Guyanais. Pas du tout, les aspirations sont bien diverses. Notre mission et notre responsabilité avec le Recteur et la préfecture, c’est que chaque jeune Guyanais puisse avoir une réponse et un chemin. C’est en conjuguant l’ensemble des dispositifs qu’on ne posera pas de jugement sur le jeune et qu’on lui donnera la capacité de bâtir sa propre vie.
Un problème relatif à la communication autour des possibilités d’orientation ? Vous constatez un manque d’informations ?
Tout à fait. C’est pour ça que nous travaillons autour des points d’information jeunesse avec les collectivités dont c’est la compétence. Mais aussi avec le monde scolaire, l’Education nationale et l’Enseignement supérieur pour démultiplier les opportunités. L’orientation est une question majeure comme l’a rappelé le Président de la République. Il faut informer plus tôt nos jeunes, pour qu’ils puissent être en mesure de mieux s’orienter. Pour l’heure, j’invite chaque jeune à aller sur le site 1 jeune 1 solution que nous avons développé avec Elisabeth Borne à l’époque où elle était ministre du Travail. Avec un investissement de plus de 9 milliards d’euros pour ce plan , la jeunesse est la priorité de ce gouvernement. Pour elle, il s’agit d’abord de construire le chemin souhaité. C’est la plus grande confiance.
« La formation professionnelle doit être reconnue comme une formation d’excellence » fait valoir la secrétaire d’Etat.
Au RSMA, les filières qui sont proposées ne sont pas forcément des filières d’avenir. Un système d’orientation par contrainte ?
Je vous le dis comme je le vois et comme je le perçois. Le RSMA permet d’acquérir un savoir-être nécessaire pour une partie des jeunes, mais aussi des compétences techniques avec des CAP. Il y a plus de 20 filières, 40 formations spécifiques, le passage par l’apprentissage du permis de conduire qui est le premier frein dans l’accès à l’emploi. C’est la conjugaison de ces pôles d’apprentissage qui permet un taux d’insertion de 79 % en Guyane. Un dispositif d’excellence, qui n’a pas vocation à toucher l’ensemble de la jeunesse Guyanaise. Quant aux filières proposées, il ne faut pas se fier aux idées reçues : ça va des métiers du BTP aux métiers de l’accueil, du médico-social, c’est extrêmement divers. C’est là qu’il y a une sorte d’évolution majeure qui est nécessaire. La formation professionnelle doit être reconnue comme une formation d’excellence et nous sommes enfin en train de changer de regard à ce niveau-là au travers notamment de la réforme des lycées professionnels. Après un CAP, un jeune doit pouvoir faire un Bac pro, puis un BTS, puis éventuellement un master avec toutes les chances de réussir. Ce sont des chemins qui font aller chercher l’excellence individuelle.
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