Depuis janvier 2016, il sillonne les tribunaux de Guyane et assure une mission essentielle pour l’engrenage judiciaire. Arnaud Kuczina est traducteur expert-judiciaire auprès de la Cour d’appel de Guyane. Portrait.
Il a le contact facile. La capacité à mettre son interlocuteur à l’aise en quelques secondes seulement. Et de rentrer dans le vif du sujet avec précision. Arnaud Kuczina, 46 ans, est de ceux à qui on peut poser des questions sans a priori quelconque. L’homme y répond avec tact et précision. Un état d’esprit propre au métier qu’il exerce depuis six ans, à quasi-temps complet. Arnaud est traducteur expert-judiciaire. Il fait partie de la liste d’une centaine de noms habilités à traduire les propos des magistrats et des avocats auprès d’un justiciable. Le champ d’action est plus large, Arnaud peut aussi traduire, en tant qu’interprète assermenté, des documents comme les actes de naissance, conférant à ces derniers une conformité demandée dans la loi.
À l’écouter, ce qui marque le plus, ce sont les audiences dans les tribunaux de Guyane. « Des moments privilégiés » comme il aime à le rappeler. « On est les spectateurs de ce qui pourrait être le cinéma de la vie d’une personne à un moment donné. Ça peut être parce que les personnes auprès desquels on traduit sont victimes de quelques chose, accusées de quelque chose, ou tout simplement parce qu’elles se sont retrouvées dans une procédure administrative compliquée après avoir vécu quelque chose de difficile dans leur pays et demandent l’asile ici. » explique-t-il.
Éventail de missions
S’il a désormais un certain recul sur son activité d’interprète de langue espagnole, le quadra’ n’y était pourtant pas vraiment destiné. Après 12 années passées en Amérique du Sud, dont huit dans le milieu universitaire au Pérou et deux sur des plateformes pétrolières en Colombie, il revenait au Péyi après s’y être installé une première fois à la fin des années ’90.
Sur conseil d’un contact dans le milieu judiciaire, Arnaud intégrait en janvier 2016 le petit milieu des interprètes en Guyane. Presque une suite logique, pour celui qui avoue apprécier le changement, les déplacements. Le terrain le connaît et il connaît le terrain. Il faut dire qu’à la vue de l’éclatement des cours des tribunaux dans le chef-lieu depuis la crise de l’amiante, il est bienvenu d’apprécier la mobilité. Même si, pendant de longues semaines, les interprètes peuvent être amenés à se « sédentariser » quelque temps pour les procès haletants de la Cour d’Assises de Guyane, par exemple.
« Ce sont des dossiers qui sont denses, tout le monde ne peut pas le faire parce que les enjeux sont importants, il ne faut pas se planter, tout va vite. Il y a vraiment une vigilance à avoir, en même temps, je trouve que ce sont des histoires particulièrement intéressantes. » souligne Arnaud, expliquant qu’il s’agit de sa « matière » favorite. D’autres préfèrent le volet plus « pratique » et « contenu » des auditions sur le terrain avec les douaniers, la section de recherches de la gendarmerie ou encore la police.
Un procès l’a marqué personnellement : « Il y en a un auquel j’ai porté une affection particulière parce qu’il a démarré en 2016, quelques mois après mon retour sur le territoire. C’est un dossier qui a duré pendant des années, avec pas mal de rebondissements. C’était intéressant de voir le dénouement, comme pour une série télévisée, en général, on regarde jusqu’à la dernière saison. Si vous voulez, les assises, c’est la dernière saison de la série. Comme j’avais été aux premières loges durant tout le reste, c’était important pour moi de voir la finalisation du dossier. »
Anticipation
L’ « incertitude » propre aux missions exercées entraîne aussi sa petite part d’adrénaline : « on ne sait pas quand est-ce qu’on va être appelé, ce n’est que du cas par cas, si on n’est pas serein par rapport à cela et qu’on est toujours en attente que le téléphone sonne, ça peut être très compliqué. » Celle relative au paiement des salaires, assurée par une plateforme du ministère de la Justice, est un peu moins galvanisante.
Si la situation s’est « améliorée au fil des années » selon Arnaud, la prospective est toujours de mise. « Fin novembre, début décembre, on sait qu’il n’y a plus de budget et on peut attendre deux mois, voire trois ou quatre sans salaire. » assure-t-il. Dans les textes, il est écrit que l’interprète n’est pas une profession en soi, mais un ensemble de missions dont s’acquitte un expert, comme un contrat passé avec le monde de la Justice. Sous-entendu : « vous avez une activité principale, donc vous êtes supposés attendre que les organes gouvernementaux fassent leurs œuvres. » Les conseils et audits dans le privé permettent ainsi à Arnaud de compléter et d’assurer une part de revenus. Un éventail élargi de missions dans un interstice mélangeant finalement inconstance et passion.
Portrait à retrouver dans notre édition hebdomadaire numéro 92.
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