L’Association des Moyennes et Petites Industries, une Interprofession qui compte 75 adhérents en Guyane, a plusieurs projets dans les plans. Son nouveau président et le délégué général de l’association présentent à Mo News les leviers qu’ils comptent actionner pour faire naître des vocations et développer le « made in Guyane à l’export ».
Directeur Général de la success story Guyanaise « Délices de Guyane », Laurent Mirabel (à gauche sur la photo) est depuis juin 2022 le nouveau président de l’Association des Moyennes et Petites Industries de Guyane. Il remplace à ce titre le président de la Société des Rhums Saint-Maurice, Ernest Prévot, toujours président d’honneur de l’association. Un changement discret, qui inscrit dans le marbre de nouvelles ambitions pour cette Interprofession, créée il y a une quarantaine d’années par Bernard Boulanger.
L’association compte à ce jour 75 adhérents, des industriels de tous bords implantés sur le territoire. « On ne fonctionne pas comme un syndicat patronal, souligne Lionel Loutoby (à droite sur la photo), délégué général. On est une émanation du terrain qui regroupe ces industriels. Il y a des sujets spécifiques aux industries dont ne sont pas spécialistes les organismes patronaux classiques, notamment en ce qui concerne l’octroi de mer. »
À travers des négociations locales avec la CTG, ou même au national à la table de l’Etat, l’association des MPI s’était notamment mobilisée l’an passé après un rapport de la Fondation pour les études et les recherches sur le développement international (Ferdi) qui envisageait de « reconsidérer » l’octroi de mer ou encore d’identifier des « pistes de réforme ». Reconduite jusqu’en 2027, cette taxe à l’importation est une source de revenus importante pour les collectivités territoriales d’Outre-mer, représentant automatiquement une part d’autonomie fiscale pour les communes du territoire.
30 mesures pour le développement industriel
Représenter les intérêts des industriels du Péyi est un combat au quotidien. Pour le mener à bien, Laurent Mirabel et Lionel Loutoby ont plus d’une idée en tête. « On croit vraiment que le développement de la Guyane passera en grande partie par l’industrialisation. » souligne le directeur général des Délices de Guyane, assurant que l’industrie est une des « seules portes de sortie » pour faire face à la démographie croissante du territoire. On compterait en 2022 près de 4 700 emplois dans ce secteur en Guyane. Des industries pourvoyeuses de travail, viables sur le long terme et vertueuses pour l’environnement ?
Dans un plan de travail qui décline « 30 mesures pour le développement industriel à l’horizon 2030 », l’association des MPI soutient plusieurs plans d’action, dans l’objectif d’atteindre le plein emploi d’ici à huit ans. Un des moyens envisagé est de développer la recherche appliquée pour booster l’innovation dans l’Industrie (mais pas seulement) ou encore mettre en place une stratégie pour conquérir de nouveaux marchés à l’international. Le déploiement d’un mix énergétique comprenant exclusivement des énergies renouvelables constitue aussi un levier pour le développement industriel. Cela passe par la « diversification des sources de production d’énergies vertes » avec l’affirmation d’un « leadership mondial en matière d’hydrogène vert ».
Inquiétée par l’arrêt des travaux de la Centrale du Larivot, « indispensable pour sécuriser la production électrique », l’association pose ici un principe simple. « Il faut rechercher des catalyseurs en mesure de tirer l’Industrie vers l’innovation pour faire de la Guyane un leader dans ce secteur-là [l’hydrogène vert, ndlr]. » estime Lionel Loutoby, rejoint de près par Laurent Mirabel : « on voit très bien, notamment en Europe, que sans énergie, il n’y a plus d’industrie. »
Les travaux de la première centrale électrique à hydrogène vert dans le monde ont commencé à proximité du village amérindien Prospérité. La Centrale électrique de l’Ouest Guyanais, un projet à 170 millions d’euros, est construite par Hydrogène de France (HDF) et devrait permettre d’alimenter près de 10 000 foyers à un coût inférieur à celui des centrales diesel du territoire.
Un observatoire de l’industrie en Guyane
L’année 2022 sera aussi, pour le secteur industriel, qui représente 9 % de la valeur ajoutée en Guyane (IEDOM, 2019), l’occasion de prendre du recul, après deux années marquées au fer rouge par les freins rencontrés principalement au niveau de l’import de matières premières. Le redémarrage de la production mondiale après le Covid-19 a mis en exergue son lot de problématiques en Guyane. « Ça a entraîné deux choses sur notre petit territoire. Nos fournisseurs sont tous surbookés, les flux de conteneurs et de transports sont déréglés, ce qui nous impacte largement. » liste Laurent Mirabel. Face aux multinationales, les négociations sont déséquilibrées : « vu le volume de notre production, on a un levier difficile à mettre en œuvre et donc on est impacté par cette crise post-Covid de rationnement des matières premières et de dérèglements. ».
La relocalisation de la production est désormais sur toutes les lèvres et l’inauguration de la première usine de transformation de wassaï en Guyane (voir notre précédente édition) donne du baume au cœur à cette idée.
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« Il faut qu’on se saisisse de cette idée pour industrialiser la Guyane. C’est dans l’air du temps. Aujourd’hui, il y a des appels à projets nationaux et une prise de conscience générale pour assurer la sécurité alimentaire, la sécurité sanitaire et une sécurité des approvisionnements. En Guyane, on peut faire valoir ces arguments-là pour dire qu’on a besoin de développer un certain nombre d’industries sur le territoire. »
Lionel Loutoby, délégué général de l’association des MPI en Guyane.
Dorénavant, le contenu du message porté par l’association se veut limpide et sera plus tard précisé à travers le premier Observatoire de l’Industrie en Guyane, dont le lancement devrait être acté au début de l’année 2023.
Un véritable « tableau-de-bord » de l’industrie, melting-pot de données jusque-là inexploitées par les instituts statistiques de la place. Les chiffres « existent déjà », rappelle le délégué général des MPI, qui planche déjà avec l’association sur « un certain nombre d’études focalisées sur l’industrie » afin d’établir un premier rapport sur la compétitivité du secteur industriel du territoire à l’échelle nationale.
« L’objectif, c’est d’avoir de la donnée sur l’industrie de manière à ce qu’on puisse en parler de manière plus précise, mais aussi évaluer l’impact des politiques publiques. » poursuit-il. Avant cela, au cours de la Semaine de l’Industrie, du 21 au 25 novembre, des jobs datings sont programmés à Cayenne, Saint-Laurent et Kourou pour mieux faire connaître le secteur et les débouchés multiples qui lui sont propres et qui ne nécessitent pas forcément des qualifications post Bac+2. C’est d’ailleurs une des autres thématiques abordées par l’association dans ses 30 mesures pour le développement industriel de la Guyane : « former des jeunes guyanais pour éviter la fuite des cerveaux et rayonner à l’international en accueillant des talents venus de l’étranger ». Un mantra qui nécessitera aussi, comme rappelé par l’association, de créer des antennes locales des écoles d’ingénieur ou de commerce pour former les cadres supérieurs directement en Guyane.
Pour conclure, Laurent Mirabel souhaite lancer un appel à toutes les petites industries de Guyane de rejoindre l’association des MPI afin de développer toutes les synergies possibles qui peuvent être bénéfique à toute la Guyane.