Près d’une cinquantaine d’exposants sont attendus du 9 au 11 septembre, au PROGT (Matoury), pour la première édition post Covid-19 du Salon du Tourisme et des Loisirs de Guyane. L’occasion de revenir avec Jean-Luc Le West, président du Comité du Tourisme et 13e vice-président de la CTG (délégué au développement économique et au tourisme), sur les projets dans les plans pour développer un secteur qui connait un frémissement depuis plus d’un an.
INTERVIEW
La Guyane, plus que jamais un produit marketing ?
J’ai toujours dit que s’il n’y a pas de volonté politique, il ne peut pas y avoir de développement touristique. Aujourd’hui, il y a une volonté politique qui semble se dessiner. On a 500 000 euros supplémentaires de budget par rapport à l’an dernier. L’année prochaine ça va encore s’améliorer puisque le CNES et Atout France souhaitent nous apporter du budget dans la promotion.
Vous martelez que le tourisme et l’économie, votre délégation à la CTG, sont intimement liés. Développer le tourisme passe donc par un investissement conséquent ?
Très clairement, on ne peut pas vouloir un développement économique si on n’investit pas. La Guyane est un peu un produit marketing. Si aujourd’hui vous ne mettez pas un budget en place, ça n’avance pas.
À Tahiti, il y a 270 000 touristes chaque année, près d’un million en Guadeloupe et en Martinique. Mais il faut savoir si on veut 270 000 touristes avec un budget de 6 000 ou 7 000 euros, ou 1 million de touristes avec un budget de moins de 1 000 euros. En Guyane, on aura toujours des touristes « sac à dos », mais ici, si vous n’avez pas d’argent, c’est compliqué. On a bien conscience que c’est une destination chère, mais on n’a pas le choix. On est chers, donc on se doit d’avoir un tourisme de qualité.
Il faut véritablement qu’on puisse mettre en avant nos atouts. On est le seul pays d’Amérique du Sud où tu peux boire l’eau du robinet sans devenir malade. Pour nous, la crise sanitaire doit être un tremplin.
Après deux ans sans Salon du Tourisme, la nouvelle édition revient en septembre. Pourquoi pas plus tôt ?
En théorie, le Salon se déroule normalement fin mars / courant avril. C’était bien de faire un Salon avec les grandes vacances. Mais rappelez-vous, en janvier-février, on avait encore un masque sur la figure et les gens se demandaient si on n’allait pas être de nouveau confiné pendant les vacances, ou à la rentrée. Heureusement, ça n’a pas été le cas. Cette problématique a fait qu’on a pris la décision qu’on ne pouvait pas ne pas le faire en début d’année. La commission de promotion du tourisme a décidé que le salon du tourisme aurait exceptionnellement lieu en septembre.
Il y aura toutefois de la nouveauté, on a repensé le format. Quatre conférences sont prévues, dont une sur le monde animalier. L’exposant pourra assister à certaines conférences. Ce qu’on voulait, c’est élever le niveau. Un plateau artistique journalier, sur les trois jours, est aussi prévu. Ce qui montre vraiment la parfaite transversalité entre l’EPCC et nous [le Comité du Tourisme].
Durant les vacances de la Toussaint, il y a beaucoup moins de départs vers l’hexagone. Les gens restent plus sur le territoire, c’est donc le moment de leur proposer des produits touristiques. D’où la phrase d’accroche du salon : « vos vacances commencent ici ».
Le développement du tourisme endogène était un de vos branle-bas de combats lorsque vous êtes devenus président du Comité du Tourisme et Vice-président de la CTG. Quel bilan un an après ?
Être politicien, ce n’était pas ma vocation au départ. Avec le recul, je pense qu’il y a une dynamique tourisme qui naît dans ce pays. Les gens ont compris, peut-être grâce à la Covid, qu’il était bon de profiter de son environnement. Franchement, j’ai de petits lanceurs d’alerte à droite et à gauche qui me permettent parfois de saisir certains maires, notamment, lorsqu’il y a des problèmes. Maintenant, il faut vraiment rappeler que le tourisme est un sujet apolitique. On a simplement bien intégré le fait que l’économie et le tourisme sont liés. C’est une dynamique intéressante. C’est un alignement des planètes qu’il n’y a jamais eu avant. Il y a aussi des choses que les gens ne voient pas. Par exemple, désormais, le guichet unique pour les projets touristiques est le Comité du Tourisme. On reçoit les projets, on les lit, on réclame des pièces, puis ça part à la CTG. En termes de vitesse d’exécution, ça va 4 ou 5 fois plus vite qu’avant. C’est fait pour booster l’investissement, même si cette année très peu de projets ont été bouclés, mais c’est lié à la crise sanitaire.
Depuis la loi NOTRe, la promotion du tourisme est du ressort des communautés d’agglomération, les transferts de compétences ont été finalisés ?
La promotion territoriale. Ils sont là pour faire la promotion des produits touristiques, c’est pour ça que ce sont des offices de tourisme. Au niveau du CTG, je suis là pour vanter une destination, c’est la Guyane. Pour moi, le tourisme est l’affaire de tous. Si je n’ai pas tout le monde avec moi, ce n’est pas la peine que je continue.
Vous sentez-vous entouré politiquement ?
J’ai l’avantage d’avoir deux délégations importantes. Quand je parle d’économie, ce n’est pas forcément très glamour alors que pendant des années je me suis fait toute une popularité en Guyane sur le tourisme. Ce que je me dis, c’est : « si j’arrive à vous interpeller, c’est que je vous donne envie de faire du tourisme. » Mon intérêt, c’est que le Guyanais lui-même soit touriste de son propre territoire. Effectivement, les gens me parlent des prix chers. Mais il faut remettre tout cela dans de justes proportions. L’Ukraine et la Covid commencent à avoir un dos large. Oui, on a morflé pendant deux ans, je suis aussi socioprofessionnel*. Aujourd’hui, on va essayer de rééquilibrer un peu.
Comment faire ?
Lors du salon du tourisme, on va distribuer des bons cadeaux de 30 euros qu’on donnera, notamment à des associations, pour l’achat d’un produit touristique proposé par un opérateur. Le but est que chaque gamin de ce pays puisse aller au moins une fois par an dans un produit touristique. Ce n’est pas parce que quelqu’un a bien parlé pendant six ans qu’on va donner envie de faire du tourisme. On est tous acteurs. On était à 110 000 touristes en 2019. L’objectif est maintenant d’atteindre les 250 000 touristes.
Quelles sont les pistes que vous souhaiteriez développer sur le court terme ?
On a un réseau important d’agences qui vient en Guyane au mois de Mars (2023). Une centaine d’agents de voyages qui travaillent pour les Entreprises du Voyage (EDV). Ils viennent visiter la Guyane pendant quatre jours, durant lesquels il faudra qu’on rayonne. Ces gens ont une puissance de vente énorme et sont en contact avec des opérateurs importants. Le but est de faire venir du monde en Guyane.
Certains opérateurs touristiques ont disparu… Un phénomène conjoncturel ?
Il y a deux problèmes en Guyane. Le premier ce sont les produits touristiques non labellisés, donc non déclarés. Puis il y a aussi une fragilité qui s’installe avec des produits qui ne sont malheureusement pas pérennisés parce qu’il n’y a pas de transmission.
Un nouveau directeur pour le Comité du Tourisme de Guyane
Loïc Buzaré est directeur du Comité du Tourisme de Guyane depuis le 1er août.
Ancien responsable de la direction du développement des filières économiques à la CTG, Loïc Buzaré, 42 ans, est depuis le 1er août 2022 le nouveau directeur du Comité du Tourisme de Guyane. Titulaire d’une maîtrise en économie et aménagement du territoire et d’un master 2 d’urbanisme, il intègre la chambre d’agriculture de Guyane en 2006 avant de rejoindre le service urbanisme de la mairie de Matoury entre 2007 et 2008. Travailleur, il met ensuite ses compétences au profit de l’ancienne région, au sein du service désenclavement. En 2017, Loïc Buzaré rejoint le pôle économique de la CTG. « De par mes actions à la direction de la filière économique, je chapeautais la politique touristique et donc le suivi du Comité du Tourisme. » nous explique-t-il. La suite est désormais connue de tous. En tant que directeur du CTG, Loïc Buzaré devra mettre en œuvre les actions de promotion de la destination Guyane tant sur le marché local (avec les EPCI* et les intercommunalités) que sur le marché extérieur. Le mois de septembre s’annonce déjà chargé : après le Salon du Tourisme et des Loisirs de Guyane, c’est « Top Resa », un des plus grands salons professionnels du tourisme et des voyages, qui attend une délégation Guyanaise du 20 au 22 septembre, Porte de Versailles.
EPCI : Établissement public de coopération intercommunale.
Jean-Luc Le West est aussi le directeur du Grand Hôtel Montabo à Cayenne et de l’Ariatel à Kourou