LA GUYANE QUI GAGNE – Les dernières paroles de son interview étaient : « Foncez les filles, Girl Power ! ». On en a ri, et pourtant en 2022, ces mots résonnent comme un mantra, comme une revanche des femmes sur la société patriarcale dans laquelle nous vivons. Portrait de Natoya Bruce, entrepreneure qui défend la cause des femmes.
Cette jeune femme n’aime tout simplement pas s’ennuyer. Alors, elle entreprend, et ça lui réussit. Salariée le jour et entrepreneure le soir, elle a décidé de prendre soin des femmes en général. Car pour elle, toutes les femmes, quelle que soit leur catégorie sociale, méritent un moment de détente bien à elles.
Pourquoi avoir choisi d’entreprendre ?
J’ai vécu en métropole pendant plusieurs années. Alors ici, rentrer chez moi à 17 h et ne rien avoir à faire, c’est comme si ma vie n’avait plus de sens après 17 h. Surtout que tous mes amis sont en métropole, même mes enfants. Et je n’aime pas m’ennuyer. Donc, je me suis dit pourquoi pas faire quelque chose qui me plait, et c’est tombé sur la pose de cils pour débuter.
Comment s’est passée ton aventure entrepreneuriale ?
Avant de rentrer en Guyane, je suis allée me faire ma première pose de cils chez une voisine qui habitait dans le même bâtiment que moi. Elle venait de se faire former. J’ai essayé et je suis quand même restée couchée 4 h, car elle débutait (rires).
Et puis je me suis levée de la table et je lui ai dit : « mais moi, je veux faire ça ! ».
Même si la pose était celle d’une débutante, j’ai trouvé ça très beau. Au lendemain, en rentrant chez moi, j’ai vu que je perdais déjà des cils, donc je suis retournée chez elle. Et à la fin de la séance, je lui ai de nouveau dit que je voulais faire ça. Après, c’était une idée comme ça.
Puis en rentrant en Guyane, pour pallier à mon ennui, j’ai décidé de me lancer dans cette activité. J’ai contacté mon ancienne voisine, on en a largement discuté et elle m’a guidée pour me former.
« Malheureusement, ici, on n’a pas tout à portée de main au niveau du matériel, il fallait attendre les occasions proposées par les magasins, notamment pour les tables de massage. »
Comme il fallait attendre un certain temps, je me suis rendue sur Leboncoin et j’ai trouvé une table de massage neuve à un prix intéressant. C’est comme cela qu’a commencé l’aventure Lash Beauty Bar , chez moi, dans une pièce dédiée à cette activité.
Et cela a pris très vite. D’ailleurs, j’étais étonnée de voir cet engouement aussi rapide. Car mes pauses de début et celles de maintenant n’ont rien à voir. Même s’il y a de l’évolution, en regardant mes premières poses, je me suis dit qu’avec ça, j’avais quand même beaucoup de clientes (rires). Mais voilà, les gens aimaient et cela a fonctionné.
Ainsi, j’ai pratiqué trois ans à la maison. Puis, j’avais un peu marre que les gens viennent chez moi. On pouvait penser que je n’étais pas sérieuse parce que je pratiquais chez moi. Comme si je faisais ça pour le fun. Pendant le confinement, je suis tombée sur mon local actuel et j’ai saisi cette opportunité pour une ouverture le 6 juillet 2020.
As-tu eu peur de te lancer dans l’entrepreneuriat ? Particulièrement dans cette période très particulière de crise sanitaire.
Bien sûr que j’ai eu peur, je ne peux pas le nier. Mais je me suis dit, si ce n’est pas maintenant, ce sera quand ? Car il faut l’exprimer, je prends de l’âge. Et si ce n’est pas maintenant que tu te casses la gueule, ce sera quand ? Il vaut mieux se casser la gueule et savoir ce qu’il faut faire pour rebondir. Mais ça va, je suis toujours là (rires).
Et c’est un domaine apprécié par les femmes ?
On peut dire que les Guyanaises étaient en attente de cette pratique qui existait déjà depuis quelques années en métropole. Et ici, peu de personnes proposaient cette prestation ou alors à des prix élevés. Mais pour moi, la beauté doit être accessible à tous. Tout le monde doit pouvoir prétendre à un moment de détente dans le mois. C’est ce qui me différencie des autres. Je me différencie également par les horaires décalés que je pratique. Lash Beauty Bar ouvre de 15h à 21h. Ça laisse le temps aux mamans actives par exemple, de rentrer chez elles avant de venir un peu plus tard pour se faire chouchouter.
Tu as par ailleurs une autre entreprise. Pe ux-tu no us en dire plus ?
Effectivement, dans un autre domaine qui me tient aussi à cœur et qui concerne toujours les femmes et particulièrement leur hygiène intime. Il s’agit de Yoniderm.
Pour le moment, il y a une page Instagram et un site internet, et bientôt, il y aura un lieu.
Chez Yoniderm , on vend des produits pour l’hygiène intime des femmes, des tisanes pour traiter les différents maux de la femme, et puis on est axé plus particulièrement sur une des pratiques de nos ancêtres qui est le bain vapeur.
Par exemple, elles en faisaient après un accouchement. Et aujourd’hui, ça s’est perdu. Beaucoup de personnes ne connaissent pas cette pratique. Le bain vapeur aide à éliminer ce qui reste après un accouchement. Il peut également aider si on a des ovaires polykystiques, des fibromes et pour soulager l’endométriose.
En termes de soins, on sera axé sur le corps avec le vajacial* car on a beaucoup de complexes par rapport à cette zone foncée dont on ne prend pas forcément soin. On proposera de l’épilation naturelle au sucre bio, soin des aisselles, du dos… toutes ces zones qu’on oublie et sur lesquelles on applique beaucoup de produits.
Qu’est-ce qui te plait dans l’entrepreneuriat et dans les soins apportés aux femmes ?
Que les femmes soient contentes après leur soin et qu’elles se sentent bien.
En fait, c’est aussi mon moment de récréation. C’est une passion, j’aime ce que je fais donc ça me détend.
Et puis, c’est important une femme qui se sent bien et pas que de l’extérieur. En effet, on peut se dire que ce ne sont que des artifices, mais cela fait aussi partie d’un bien-être global. Si physiquement la personne se sent bien, automatiquement, elle se sent bien à l’intérieur. Bien sûr, certaines personnes peuvent cacher leur mal-être, mais cela se sent directement. Les clientes qui le font, je le ressens. Dans mon activité, j’observe, j’écoute beaucoup et je ressens.
Quelles sont tes envies à long terme ?
À long terme, ce serait que la Guyane se développe plus rapidement et que j’ai un salon à Bordeaux, en Guyane et au Guyana. Que mes entreprises soient pérennes et que Yoniderm devienne un petit cocon pour les femmes. On ne fera pas que du bain vapeur. On pourra échanger et parler de nos problèmes afin de s’entraider.
Un conseil pour les femmes qui voudraient se lancer dans l’entrepreneuriat.
Il faut y aller et ne pas trop réfléchir. Parce que quand on commence à réfléchir, on se demande pourquoi, on se dit que personne ne viendra, que personne ne nous connait. Tout le monde commence petit puis grandit. Donc si on a vraiment envie, il faut se lancer. On commettra peut-être des erreurs, mais tout le monde en fait. Et surtout, ne pas hésiter à demander, même si on souhaite faire la même activité. Si la personne interrogée est bienveillante, elle répondra.
Foncez les filles, Girl Power !
Instagram : lash_beauty_bar973 et yoniderm
* Vajacial : contraction des termes « vagin » et « facial », soin complet pour les personnes qui se rasent ou s’épilent
Vanessa Gittens