Ce lundi 20 juin, une réunion pour faire le point sur la délinquance était organisée à la préfecture de Guyane. Sans mettre en avant une hausse significative des violences et homicides, les autorités expliquent que plusieurs phénomènes « inquiètent » ces derniers mois.
Première conférence de presse pour le nouveau procureur de la République, arrivé en avril sur le territoire pour succéder à Samuel Finielz. Aux côtés du préfet de Guyane, du général Stéphane Bras de la gendarmerie de Guyane et du directeur territorial de la Police Nationale, Yves le Clair, ancien militaire et ex-procureur de Cherbourg, a rappelé les trois axes de travail prioritaires du parquet : la lutte contre les vols à main armée et atteintes aux biens, celle contre la circulation des armes à feu et, tertio, les violences intra-familiales.
Sur les homicides, le nouveau procureur constate : « le seul fil conducteur que j’ai trouvé en arrivant ici c’est cette présence d’armes à feu. » Saisies d’armes en augmentation, émergences de factions brésiliennes dans le trafic de stupéfiants, hausse remarquée des vols à main armée, activité judiciaire… Revenons sur les chiffres clarifiés devant les deux nouveaux députés de Guyane (Jean-Victor Castor a dû quitter la salle peu après le début de la conférence pour une interview chez nos confrères de Radio Péyi), un parterre d’élus de la CTG et de maires.
Saisies d’armes en augmentation dans le chef-lieu
En Guyane, seule Cayenne est en zone Police Nationale (ZPN), tout le reste du territoire est sous l’égide de la gendarmerie. Toutefois, le champ d’action de la police s’étend aux frontières avec la PAF et jusqu’à l’aéroport Felix-Eboué. Le directeur territorial de la Police Nationale Philippe Jos reconnaît que la principale difficulté des missions de police repose sur la commission imprévisible des vols à main armée. Depuis le début de l’année 26 affaires de vols à main armée dans le chef-lieu ont été élucidées. 63 si on englobe les vols avec violences. « Ce qui varie, ce sont principalement les horaires de commission » confirme le DTPN, arrivé sur le territoire en Juillet dernier pour succéder au controversé Gil Friedman.
Sur les homicides en zone police, la tendance est à la baisse pour l’année 2022 au regard des trois dernières années. « C’est un phénomène très irrégulier » tempère Philippe Jos. 12 homicides ont été constatés en 2019, 5 en 2020, 16 en 2021, et 3 depuis le début de l’année 2022. Deux affaires sur les trois homicides constatés en 2022 en zone police ont déjà été élucidées, fait valoir le numéro 1 de la police.
Autre réalité qui reflète un sentiment d’insécurité prégnant, les saisies d’arme à feu en constante augmentation. Sur la seule année 2022, 81 armes à feu ont été récupérées au cours de contrôles et perquisitions en zone police.
Mules
Le phénomène s’était forcément tari avec les restrictions dues à la crise sanitaire. « On constate depuis ces dernières années, encore plus depuis la fin 2021 et le début 2022, une augmentation des interpellations et des quantités de produits saisies. » annonce Philippe Jos. Seul chiffre confirmé à ce niveau : 226 interpellations de passeurs de drogue depuis le début de l’année, à l’aéroport Felix-Eboué et au cours d’opérations de contrôle de passagers avant embarquement (zone de compétence de la police).
Contrôles aux frontières
La problématique de l’immigration clandestine a été rapidement abordé par le DTPN. En 2022, 3700 personnes ont été interceptées par les agents de la police aux frontières.
Homicides et vols à main armée en zone gendarmerie : une constante augmentation ?
Le général Stéphane Bras de la gendarmerie de Guyane, qui quittera définitivement le territoire en août, rationalise les chiffres fournis sur les homicides. Les deux tiers des 21 affaires constatées en zone gendarmerie sur l’année 2021 ont eu lieu sur le littoral, l’autre partie en zone forêt. Sur le littoral, « on est plutôt sur de la délinquance traditionnelle » quand dans la forêt les personnes tuées font souvent les frais de règlements de compte entre bandes armées d’orpailleurs illégaux, rappelle-t-il. Ces homicides en forêt rentrent de facto dans la « comptabilité ». « Ça peut alimenter le sentiment d’insécurité. » reconnaît Stéphane Bras. Et d’ajouter : « pour autant, encore une fois, hormis les orpailleurs illégaux, les forces de gendarmerie et les forces armées en Guyane, personnes ne va dans ces zones. »
Depuis le début de l’année 2022, 16 homicides sont recensés en zone gendarmerie. 6 ont été constatés en forêt, le reste sur le littoral. Selon les données fournies par Stéphane Bras au cours de la conférence de presse, 4 homicides sur 5 sont de nature « crapuleuse » dans les bassins de vie.
De quoi s’agit-il ? « Tout simplement quand les règlements de compte ont lieu entre des individus défavorablement connus des services de la gendarmerie qui passent à l’acte pour des histoires de dettes dans des trafics de stupéfiants, des trafics d’armes… » relate le général. Les exemples foisonnent ces derniers mois, notamment à Soula, où un jeune de 19 ans a été tué après une tentative de vol de montre… Pour rappel, l’auteur des faits dort en prison dans le cadre d’un placement en détention provisoire.
Triste podium à rappeler : la Guyane siège à la deuxième position des départements d’Outre-mer du nombre de vols à main armée recensés, juste derrière Mayotte où les modus operandi diffèrent. « A Mayotte, ce sont les vols à main armée avec arme blanche qui sont les plus nombreux. En Guyane, ce sont les vols à main armée avec des armes à feu. Ça s’explique par différentes raisons, notamment la situation géographique de la Guyane. » énonce Stéphane Bras. En détails : la Guyane compte 1,98 vols à main armée pour 1000 habitants en moyenne chaque année. Sur l’île aux parfums, les chiffres s’envolent à 2,14 VAMA pour 1000 habitants, mais ces faits sont principalement commis avec des armes blanches, le plus souvent des sabres.
L’inquiétant phénomène des factions armées brésiliennes
« On a un phénomène émergent en Guyane qui est celui des factions armées brésiliennes. Un phénomène qui se développe dans les prisons brésiliennes. L’Etat d’Amapa n’y échappe pas. On constate depuis quelques mois la volonté de ces factions de s’implanter en Guyane notamment dans le trafic de stupéfiants. » fait valoir le Stéphane Bras. Si on rembobine quelques mois en arrière, un gendarme hors service a essuyé un coup de feu à Saint-Georges de l’Oypoack. Les auteurs seraient issus de ces mêmes groupes armés. Plusieurs d’entre-eux ont été interpellés il y a environ un mois à Remire-Montjoly. Nous n’avons pas obtenu plus de précisions quant aux procédures engagées, mais au moins deux personnes ont été placées en détention provisoire dans cette affaire.
90% des dossiers en instruction sont de nature criminelle
Après avoir salué le travail des substituts du parquet, mais aussi des avocats du barreau et des juges, le procureur Yves Le Clair est revenu sur l’activité du tribunal judiciaire. Depuis le début de l’année, 648 décisions ont été rendues, 118 dans le cadre de la procédure accélérée des comparutions immédiates. C’est le double de l’activité d’un tribunal dans d’autres départements de l’hexagone, souligne le parquetier. Sur les 450 dossiers en cours d’instruction, 90% sont de nature criminelle, rappelle-t-il.
L’ancien bâtonnier Georges Bouchet (photo ci-dessus) a juste après remis au goût du jour les problématiques du barreau et de la juridiction, dite de troisième catégorie. « Nous, avocats, intervenons dans la phase répression même s’il nous arrive d’intervenir dans la prévention et la réinsertion. Le barreau n’a eu de cesse de réclamer des moyens structurels et des moyens humains. Nous réclamons depuis de longues années une cité judiciaire. Sur une semaine, 30 avocats sont mobilisés toute permanence confondue ». Un dernier chiffre à souligner, notamment parce que sur la trentaine de robes noires, seules 2 sont actives du côté de Saint-Laurent du Maroni. En sites éclatés, « cette justice rend beaucoup de décisions au prix de sacrifices humains » déplore l’ex-bâtonnier.
Plus d’informations à retrouver dans notre prochaine édition hebdomadaire.