C’est le patron d’un des plus gros bars de Guyane en terme de débit. Steve Roldan, cogérant du Hitbox, situé zone Galmot à Cayenne, vient d’entamer une grève de la faim ce vendredi matin. Il l’a annoncé ce matin justement en direct au micro de Samir Mathieu, rédacteur en chef de Mo News et Killian, animateur de la matinale de Radio Péyi, dans l’émission Le Supplément Péyi. Le chef d’entreprise, qui a créé son bar en juin 2018 à Cayenne, se retrouve confronté à de nombreuses difficultés, engendrées par la crise sanitaire qui frappe le monde entier depuis 2 ans et des contraintes et diverses règles, appelées « mesures de freinage » qui en découlent, et qui se sont avérées particulièrement sévères en Guyane, avec par exemple un couvre-feu en continu depuis mars 2020, excepté une courte accalmie d’environ une mois en décembre 2021. Là, la 5e vague vient de toucher la Guyane et l’Etat d’urgence sanitaire, qui avait été levé le 31 décembre, a finalement été réinstauré le 3 janvier, avec le retour du couvre-feu. Un couvre-feu qui a certes été légèrement assoupli par rapport à ce que la Guyane a connu une majeure partie de l’année dernière, fixé à 20h30 pour l’ensemble de la population, mais avec une dérogation fixée à 22h30 pour les bars et restaurants et sites de loisirs, culture et sports.
« On est en train de généraliser l’informel en Guyane »
Mais si pour les restaurants, l’horaire de 22h30, leur convient sans trop de dommages, celui de 22h30 pénalise durement les bars. La majorité des bars de Guyane fonctionnent avec une augmentation de la fréquentation de 22h à 1h du matin. C’est dans ce laps de temps qu’ils réalisent le plus gros de leur chiffre d’affaire. Et c’est sur cette période qu’ils se retrouvent contraints de fermer. A cela dénonce Steve Roldan, s’ajoute « la concurrence féroce des bars clandestins et soirées privées et ou clandestines, qui se sont multipliés et qui maintenant fonctionnent au grand jour, sous les yeux mêmes des forces de l’ordre », que ce soit au Village chinois où à Ploermel à Cayenne, pour ne citer que ces quelques exemples, non exhaustifs sur la seule commune de Cayenne. A cela se rajoute aussi « l’incompréhension » des patrons de bars légaux qui se retrouvent contrôlés régulièrement. La semaine dernière rien que sur Cayenne, des contrôles ont été effectués le jeudi, vendredi et samedi. Le Café de la Gare a été contrôlé et averti deux soirs de suite, suite à des vidéos qui ont circulé sur les réseaux où l’on voyait des clients danser. Le Hitbox aussi a été contrôlé dans la dernière demi-heure précédent la fermeture samedi dernier, avec donc toute la gêne que cela occasionne pour les clients, et par ricochet sur le chiffre d’affaire d’une soirée qui était déjà raccourcie en raison du couvre-feu. Le bar 1922 à Cayenne toujours aussi a été contrôlé la semaine dernière, ce qui enrage Steve Roldan, et plusieurs autres gérants de bars : « Quel est le principe de venir s’acharner sur nous, qui sommes à genou alors même que nous respectons les règles, horaires et liées au pass sanitaire, alors qu’on laisse ouvertement prospérer des établissements soient illégaux soient qui ne respectent pas les règles sous prétexte qu’il y a trop de monde et que les effectifs policiers ne seraient pas assez nombreux surtout aux horaires où ils sont ouverts ! On se fou de qui là ? On nous a ressorti le même argument concernant les soirées ‘privées’ qui n’ont de privées que le nom, où l’on a estimé à plus de 800 personnes le nombre de participants à Paramana l’autre week-end, et on nous a dit que de toute façon la gendarmerie avait relevé les plaques d’immatriculation pour envoyer des amendes… Faut arrêter de nous prendre pour ce qu’on est pas ! Nous on ferait ça, nous aurions déjà des fermetures administratives. On fait évacuer nos établissements pour une ou deux personnes qui dansent et on ne dit rien sur un site où tout est fait illégalement avec des organisateurs qui en plus pratiquent des prix exhorbitants. » tonne le quadragénaire.
« Un geste de désespoir »
Le dernier élément qui a poussé le jeune chef d’entreprise a se mettre en grève de la faim, c’est l’issue de la dernière CIC (Cellule interministérielle de crise) qui a eu lieu hier après-midi et où, malgré une baisse conséquente du nombre de cas et du taux d’incidence en Guyane, les mesures sont restées inchangées et où les horaires de fermeture n’ont pas été rehaussés pour les bars et restaurants et de résumer : « La gestion du Covid en Guyane devient insupportable moralement, physiquement et économiquement ». Et de relever que « le taux d’incidence en France est de 3 792 avec une tension hospitalière de 71,7% et un taux de reproduction du virus de 1,1 et qu’il n’y a pas de couvre-feu alors qu’en Guyane nous avons un taux d’incidence de 1 180 avec une tension hospitalière de 42% et un taux de reproduction redevenu très faible de 0,6. » Pour le gérant du Hitbox « des mesures restrictives ne devraient être prises que pour une situation sanitaire grave et non en fonction d’un taux de vaccination ». Et de conclure que sa grève de la faim, un « geste de désespoir » , continuera « tant qu’on nous laissera pas travailler normalement dès lors que la situation sanitaire le permet ».
Voici en replay l’interview qu’a accordé ce vendredi matin Steve Roldan au Supplément Péyi, au micro de Killian et Samir Mathieu sur Radio Péyi et diffusée en Facebook live :
Elus et professions montent au créneau et appelle à un « allègement » voire « levées des restrictions »
L’annonce ce matin sur Radio Péyi de cette grève de la faim, de celui qui, outre son statut de gérant de bar, est aussi conseiller municipal à la ville de Cayenne depuis mars 2020, où il avait été élu sur la liste emmenée par Marie-Laure Phinéra-Horth, secrétaire du syndicat des hôtelliers, restaurateurs, brasseries, bars, cafetiers et discothèques de Guyane, fondateur du collectif des gérants de Licence IV et depuis le mois d’août l’unique représentant de la profession au conseil d’administration du Comité du tourisme de la Guyane, a fait réagir de nombreuses personnalités, et professionnels. Spontanément, plusieurs gérants de bars et de restaurants se sont rendus au sein de son établissement situé zone Galmot pour lui apporter leur soutien. Parmi eux, Jean-Michel Sorbon, patron du Wood à Cayenne et Kourou, Liliane Destambert, présidente du syndicat et propriétaire de l’Auberge du Gallion à Roura ou encore Philippe Alcide dit Clauzel, patron notamment de La Terrasse à Rémire-Montjoly et du dancing Chez Nana.
Plusieurs élus ont eux aussi apporté leur soutien à l’un des principaux représentants de la profession en Guyane, à l’instar de la sénatrice Marie-Laure Phinéra-Horth, qui a rédigé un communiqué de soutien, du président de la CTG Gabriel Serville et de la maire de Cayenne Sandra Trochimara qui vont faire de même. Pour la sénatrice Marie-Laure Phinéra-Horth « ces mesures de freinage compromettent l’avenir des entreprises guyanaises alors qu’elles ont été durement éprouvées depuis ces deux dernières années ». La sénatrice de Guyane « appelle à une levée des restrictions voire un allègement des mesures ».
Du côté des chambres consulaires, la présidente de la CMA (Chambre des métiers et de l’artisanat) Vernita Chérubin a rédigé un communiqué de soutien qui demande si aujourd’hui on doit se mettre en danger de mort « pour entendre la souffrance » d’un homme et « celles de centaines de professionnels de la restauration, du tourisme et de l’événementiel ».
« Une légitime colère »
Le président du comité du tourisme et vice-président de la CTG en charge de l’économie et du tourisme, Jean-Luk Le West, a appelé, depuis Paris où il avait rendez-vous avec le cabinet du ministre des outre-mer pour évoquer notamment les prix du carburant, celui qui est le seul représentant de la profession au sein du conseil d’administration du CTG. Jean-Luk Le West a également envoyé un communiqué de presse de soutien à Steve Roldan et plus largement à l’ensemble des socioprofessionnels concernés en parlant de « légitime colère » et de rappeler, comme il le fait régulièrement depuis un an, les conséquences désastreuses de la crise sanitaire sur le tourisme « lourdement sinistré » et en particulier pour la restauration et les bars, les acteurs touristiques et guides et hôteliers. Jean-Luk Le West annonce qu’il se rendra sur place ce dimanche pour apporter son « total soutien » à Steve Roldan et de réitérer officiellement sa demande auprès des autorités « d’alléger ou supprimer certaines mesures afin de garantir en toute sécurité la survie de la filière touristique et économique de la destination Guyane ».
Le syndicat des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et discothèques de Guyane (SHRCDG) apporte son plein soutien à l’un de leurs adhérents et responsables, et demande « au plus vite » que « les représentants de l’Etat prennent la mesure des sentiments d’injustice, de colère et de désespoir » de leurs professions. Le parti NFG (Nouvelle Force de Guyane) a aussi communiqué par la voie de sa secrétaire générale adjointe Myrtha Cattier, par ailleurs candidate pour le parti aux législatives sur la 1ere circonscription. NFG demande au préfet de « considérer cet acte de détresse comme une alerte sur les conséquences de ces restrictions sur l’économie guyanaise ». La maire de Cayenne s’est rendue ce samedi après-midi au sein de l’établissement situé sur sa commune pour « apporter également son soutien à ce chef d’entreprise et élu de la commune ». Elle a apporté, loin des caméras, « un vif soutien » à celui qui est aussi l’élu délégué à l’urbanisme dans sa majorité municipale. La présidente de la CCIG (Chambre de commerce et d’industrie) Carine Sinaï-Bossou a envoyé un message personnel de soutien au chef d’entreprise. Gabriel Serville a lui appelé vendredi le Cayennais.
Le maire de Macouria Gilles Adelson a également rédigé un communiqué de presse en soutien au chef d’entreprise ainsi que François Ringuet, le maire de Kourou et président des maires de Guyane ou encore Jérôme Harbourg pour le Rassemblement national.