Comme chaque année, Octobre rose est l’occasion pour les associations et médecins d’appuyer les actions de prévention de dépistage du cancer du sein. En Guyane, encore trop de femmes sont diagnostiquées tardivement et certains appareils médicaux ne permettent pas un traitement optimal.
Pour ce mois d’Octobre rose, les actions de prévention sont multipliées. Pourtant, malgré cela, seulement 13,60 % des femmes se font dépister en Guyane. Ainsi, le Centre hospitalier de l’Ouest Guyanais accueille 25 nouvelles patientes atteintes du cancer du sein chaque année, en moyenne.
La marraine de l’association de la ligue contre le cancer de Guyane, Béatrice Gomez, comprend les femmes qui passent à côté du dépistage : « Quand on est une femme active, une mère de famille débordée, on ne prend pas le temps de s’inquiéter pour soi, on laisse trainer les choses ».
UNE PRISE EN CHARGE LIMITÉE
Lorsqu’une femme est atteinte d’un cancer, elle doit suivre un traitement adapté. Or, parfois, seule la radiothérapie est envisageable et cela entraine une évacuation sanitaire. Cependant, au Chog, une particularité est à noter : « Le nombre assez important de patientes surinamaises. Si elles ont acquis les droits sociaux minimum surinamais, elles peuvent faire la radiothérapie à Paramaribo », développe Bill Wankpo, Médecin Interniste au Chog au service hôpital de jour d’oncologie.
En Guyane, seule la chirurgie peut être réalisée, ou encore le traitement médical, (chimiothérapie et autres traitements médicaux), au Chog en particulier.
Ainsi, la prise en charge des patientes au Chog, se fait avec l’équipe de gynécologie : diagnostic par biopsie, examens radiologiques pour rechercher l’extension, participation à la réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) en lien avec le Centre Léon Bérard de Lyon pour décider du traitement.
LA PRÉVENTION, ENCORE ET TOUJOURS…
Si seulement une femme sur deux s’est rendue au dépistage en 2022, selon Santé publique France, les associations redoublent d’effort pour inciter ces femmes à réaliser les tests nécessaires.
C’est d’ailleurs ce qu’ont réalisé les équipes du CRCDC qui sont allées dans les communes de l’intérieur afin de pratiquer des dépistages. « Ces dernières années, ces deux associations ont mené différentes activités d’information et sensibilisation pour la prévention du cancer du sein sur le territoire. Mais le dépistage doit être amélioré », développe Bill Wankpo, engagé dans la ligue contre le cancer et le CRCDC. En effet, lors de ces campagnes, des courriers d’invitation au dépistage sont envoyés, mais malheureusement, certaines adresses ne sont pas reconnues et le courrier n’arrive pas à destination.
DES FEMMES EN MEURENT ENCORE
« Malheureusement, il y a encore des femmes qui meurent du cancer du sein, souvent quand le diagnostic est fait tardivement. Tardivement veut dire que la tumeur mesure plus de 3 à 5 centimètres avec souvent des ganglions dans le creux de l’aisselle (stades 2 et 3), même en l’absence de métastases », analyse Bill Wankpo.
Cependant, il y a des avancées importantes dans le domaine de la recherche. « Depuis quelques années, on peut faire des thérapies qui ciblent les cellules cancéreuses, alors que la chimiothérapie, par exemple, n’est pas sélective des cellules cancéreuses et des cellules normales, d’où des toxicités nombreuses », observe le médecin du Chog.
Ainsi, l’un des déficits en Guyane est l’absence de biologie moléculaire pour définir le diagnostic et le pronostic du cancer, et certaines indications de traitement. Depuis une dizaine d’années, certaines techniques d’anatomie pathologique sont devenues indispensables pour pouvoir cibler le traitement.
LE CHRU POUR DONNER DE L’ESPOIR ?
« Le projet médical et la création du CHRU devraient permettre de résoudre ces questions par un enrichissement des moyens médicaux en Guyane », espère Bill Wankpo.
Ainsi, l’implantation de la radiothérapie est prévue dans le projet médical guyanais dans les années à venir. « Les projets actuels au niveau de la Guyane laissent espérer ces progrès », confie le médecin.
Trois questions à la marraine de la Ligue contre le cancer, Béatrice Gomez.
Vous êtes donc la marraine de l’association. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette casquette que vous endossez et comment vous vous êtes retrouvée là ?
Nous sommes à l’aune d’Octobre Rose, et pour moi c’est tout nouveau, je ne sais pas encore quel va être mon rôle. Mais j’espère, par ma présence et par mon témoignage, aider l’association dans sa mission de sensibilisation au dépistage du cancer du sein.
Comment suis-je arrivée là ? J’ai été contactée par l’association qui avait entendu parler de mon parcours : professionnelle de santé, au service radiologie, on m’a diagnostiqué un cancer du sein à l’âge de 30 ans. C’était il y 4 ans. Je me suis battue. J’étais très bien entourée : ça compte.
Je n’avais qu’une obsession : reprendre mon travail et m’appuyer sur cette expérience pour aider ceux qui en auraient besoin. Les informer sur la maladie, le dépistage, les examens médicaux … Je peux aujourd’hui comprendre les peurs face à cette maladie. Mais je me sens forte de pouvoir répondre aux besoins, conseiller, orienter.
Je travaille actuellement dans le département de santé publique du CHOG, qui a aussi pour mission de favoriser les dépistages et d’accompagner les personnes atteintes de cancer dans leurs parcours de soin.
Que diriez-vous à ces femmes qui minimisent le dépistage, ou ne le font pas systématiquement ?
Je leur dirai que malgré tout il faut reconnaitre les signes d’alerte et surtout, même si nous nous pensons en pleine santé, il faut régulièrement passer la porte d’un cabinet médical pour pouvoir se rassurer et continuer sa vie à 100 à l’heure !
Et pour les femmes qui ont peur de la mammographie, je souhaite les rassurer : la technologie a évolué et cela est devenu moins douloureux et plus rapide. Il faut dépasser cette appréhension et garder en tête qu’en dépistant précocement, on réduit les chirurgies et les traitements et on a plus de chance de guérir.
Même si cela reste rare, faut-il aussi sensibiliser plus encore les hommes ?
Les cancers du sein masculin restent rares mais sont encore plus tabous que chez les femmes. Le sein est un organe féminin par excellence. Encore trop de personnes ne s’imaginent pas qu’un homme puisse avoir ce type de cancer.
Mais justement il ne faut pas sous-estimer le risque non plus, devant tout doute il faut penser à consulter un médecin.
Au delà de cela, les hommes sont tous des pères, des maris et des frères. Un jour, ils seront donc peut-être aidants pour une femme de leur famille et doivent être également sensibilisés : on est tous et toutes acteurs du dépistage du cancer du sein : TOUS LIGUEURS, TOUS SOLIDAIRES, FACE AU CANCER, L’AMOUR, LA LIGUE….
telle est la devise des 103 comités départementaux de la ligue nationale contre le cancer.