Patrice* a fait la mule à quatre reprises, la dernière étant celle où son périple a pris fin, avant la « case prison ». Quelques années plus tard, il accepte de revenir sur ce chapitre de sa vie avec Mo News.
*Le prénom a été modifié
Dans les années 2010, Patrice a la trentaine. Il traîne dans le quartier, en « galère de tune ». Ses parents l’ont jeté dehors. Un jour, quelqu’un lui demande s’il veut gagner de l’argent « rapidement » et « simplement ». Patrice accepte. Une décision qui chamboulera tout son avenir.
« JE N’AI PAS CHERCHÉ À SAVOIR CE QUI ALLAIT M’ARRIVER »
Quand ce « travail » lui est proposé, Patrice n’est pas sûr à 100 % du fond de la mission, mais il s’en doute un peu. La première étape est de se rendre au Suriname : « Ils t’attendent dans un hôtel et là, ils te préparent ». Il ne peut plus retourner en arrière, malgré la peur. « Ils discutent avec toi, leur but n’est pas de te faire peur, ils veulent te mettre à l’aise pour que tu ailles jusqu’au bout », explique Patrice.
Il y a plusieurs options pour transporter la drogue : lui, il choisira d’ingurgiter des gélules. Une vingtaine. « J’ai difficilement avalé ». Une fois cette partie terminée, il reste à l’hôtel une nuit et le lendemain matin, il rentre en Guyane et se rend à l’aéroport Félix Éboué. « On a évité les points de contrôles, les gars savaient où étaient les flics ».
4 000 EUROS
« Je ne devais pas manger, ni boire », se souvient Patrice. Une fois arrivé à Paris, la peur revient car il ne connaît pas la suite des événements : « Un homme m’avait attendu, il savait que c’était moi, il a récupéré ce qu’il avait à récupérer ». Mission numéro 1 réussie. « J’étais soulagé. À l’époque, je ne mesurais pas les risques que je prenais pour ma vie… »
Avec les 4 000 euros qu’il y gagne, Patrice profite de cette nouvelle vie, sans économiser un centime. Il se retrouve rapidement à sec, alors il recommence. « Il y a aussi ce côté adrénaline, on a déjà réussi, pourquoi on ne réussirait pas encore ? » Trois mois plus tard, il fait sa deuxième traversée.
L’adrénaline. Une réaction du corps à laquelle il est facile de devenir accro. Comment résister à cette sensation ? Puis l’argent ? La gloire ? « Quand tu fais la mule et que tu réussis, t’es le roi du quartier, tout le monde te respecte », raconte Patrice.
« C’est comme si tu avais fait un braquage et que tu avais réussi ton coup. Donc tous les gars du quartier te félicitent, ils te voient comme un badboy ».
PRIS LA DROGUE DANS L’ESTOMAC
Alors, il recommence encore trois fois, en avalant toujours plus de gélules. Puis un jour, alors que sa quatrième mission touche à sa fin, les autorités l’interceptent. Patrice vient d’atterrir à Paris.
Les douaniers l’interpellent : « Ils te posent pleins de questions… Ils m’avaient repéré, car ils ont vu que je prenais souvent l’avion. J’ai craqué parce que j’étais dans le stress et le doute. Plus tu fais ça, plus tu réalises que c’est dangereux, que c’est pas bien ».
Direction la Guyane, le centre pénitentiaire. Trois ans de prison. Ce temps-là, il se demande ce qu’il fera dans le futur, ce qui est le mieux pour lui : « Ce n’est pas facile car tu as toujours l’influence des autres », admet-il.
MÛRIR OU MOURIR
Quand il sort de prison, Patrice est motivé pour se reprendre en main sauf qu’au quartier, il est attendu de lui qu’il recommence. « Ils ont commencé à m’insulter, ils m’ont vu comme un lâche. Il y en a un ou deux qui t’encouragent, mais la majorité des gars te voient comme un traitre ». Il décide alors de changer de quartier.
Comme une vieille addiction, lors des moments difficiles, Patrice peut se retrouver tenté de refaire la mule, mais il résiste : « J’essaie de penser à autre chose, de rester positif le plus possible. Je me suis rapproché de l’association SOS Jeunesse car je ne savais pas vers qui me tourner. J’ai été conseillé. Ça fait du bien d’être aidé ».
Aujourd’hui, il entame une formation en tant que médiateur et a pour projet d’ouvrir son entreprise de BTP. Dans le parcours de sa formation, il sera amené à côtoyer un public jeune. Un public qu’il espère sensibiliser avec son histoire.
« À l’époque, il n’y avait rien en prévention. Ces dernières années, ça va. Je pense que si quelqu’un m’avait prévenu, peut-être que j’aurais réfléchi à deux fois, je n’y serais peut-être pas allé », regrette Patrice.
Cliquez ici pour rejoindre un de nos groupes WhatsApp. Vous recevrez nos infos en temps réel !
Retrouvez l’ensemble des articles de cette rubrique en cliquant ici.
L’actualité en continu sur www.monewsguyane.com.
L’édition hebdomadaire de Mo News Guyane est aussi disponible en version numérique !