Dans un rapport sur le Centre National d’Études Spatiales (CNES), la Cour des comptes souligne que la « baisse de cadence » des lancements a un « impact direct » sur l’activité économique en Guyane. La Cour recommande au CNES de « recentrer » les aides en vigueur dans le territoire.
Arrêt des vols Soyouz, retard accusé dans le programme Ariane… Dans un rapport publié ce jeudi 4 mai, la Cour des comptes s’alarme des répercussions de la forte baisse du nombre de tirs depuis la base spatiale de Kourou. Par un effet ciseau, le manque à gagner s’élevait à 3,2 millions d’euros pour le Centre National d’Études Spatiales (CNES) en 2022. La résultante d’une stratégie économique : le CNES facture chaque lancement à Arianespace, mais achète des prestations aux sous-traitants sur la base d’un forfait de 11 lancements par an. En clair, l’agence française de l’espace porte le chapeau lorsqu’il y a moins de lancements (c’était le cas en 2022, année qui a recensé 3 lancements Ariane depuis le CSG) et subit « une perte créée par la baisse de ses recettes sans réduction de ses dépenses » souligne la Cour des comptes.
Estimées à 10,2 millions d’euros à la mi-2022, les pertes sèches du CNES ont été en partie limitées grâce à une renégociation des contrats industriels en vigueur au Centre Spatial Guyanais. « Il s’agit, pour les industriels, de réduire l’activité (y compris avec une diminution des prestations), en compensant par des départs en retraite non remplacés, la baisse du personnel en mobilité, mais aussi la mobilisation du dispositif d’activité partielle de longue durée. » précise la Cour des comptes.
À Kourou, depuis l’unique base de lancement européenne, cela va se traduire par la suppression prochaine de 230 emplois. Dans un entretien, la directrice du CSG Marie-Anne Clair nous assurait que cette baisse des effectifs aurait un « faible impact social », la plupart des salariés concernés étant à même de faire valoir leur droit à la retraite.
Une base à « faible rentabilité »
Malgré la baisse prochaine du nombre de salariés, les « sages » pointent du doigt la faible rentabilité de la base de Kourou, qui concentre plusieurs « interrogations stratégiques ». D’après la Cour des comptes, la transition entre Ariane 5 et Ariane 6 va se traduire par une « réduction pérenne » de l’activité qui ne sera pas de nature à compenser les pertes. Il s’agit d’un enjeu majeur pour l’économie Guyanaise, car la base représente 30 % du chiffre d’affaires des industries et des services du département.
« Un exercice prospectif réalisé pour évaluer l’impact sur la base a estimé que la baisse d’activité pourrait représenter environ 300 emplois à temps plein sur 1600 à l’issue de la période de transition. » détaille le rapport.
Pour relancer l’activité après utilisation des deux derniers lanceurs d’Ariane 5 en 2023, le CNES envisage de facturer les lancements directement aux opérateurs. La rénovation du site Diamant, un pas de tir inutilisé depuis 1976, permettra d’accueillir des micros et des mini-lanceurs. Un projet à 50 millions d’euros porté par l’État français qui n’a pas encore reçu l’aval de l’European Space Agency (ESA). Au final, l’activité générée sera « faible » projette la Cour des comptes.
Conséquence : les aides au territoire doivent être « recentrées »
C’est ici que le bât blesse. Compte tenu de la baisse prochaine d’activité et du manque de solutions viables pour renouer avec l’attractivité et la rentabilité dans cette période complexe, la Cour invite le CNES à « revoir ses modalités de soutien » aux projets structurants en Guyane. Car le CNES apporte des aides au territoire Guyanais, notamment dans le cadre d’une convention tripartie signée avec l’Etat et la CTG. Au total, 26,4 millions d’euros ont été contractualisés pour la période 2014-2020, dont 18 millions au titre des contreparties de programmes opérationnels européens.
En sus, pour les 22 communes de Guyane, 1,8 million d’euros sont distribués annuellement – en fonction du recensement – par le CNES. Au total, après un apport de 10 millions d’euros dans le cadre du plan « Phèdre 2 » annoncé par Emmanuel Macron en 2017, 50 millions d’euros d’aides étaient sur la table entre 2014 et 2020.
Éducation, enseignement supérieur, recherche… Le champ des projets concernés était large. En tout cas trop vaste pour la Cour des comptes, qui invite désormais le CNES à « revoir », en concertation avec l’État, « les modalités de soutien en faveur du développement de la Guyane », et préférer les « projets structurants en lien avec le secteur spatial ».
Dans ses conclusions, la Cour des comptes mesure tout de même les « difficultés liées à la transition actuelle » et invite le CNES « à mettre en œuvre ces recommandations une fois le contexte apaisé ».
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