Au terme du deuxième jour de son déplacement en Guyane, Hervé Berville, secrétaire d’Etat chargé de la Mer, a reconnu qu’il fallait « opérer d’urgence » dans le secteur de la pêche en Guyane. Un « pacte » impliquant la collectivité, le CRPMEM et l’Etat a été mis sur pied.
Hervé Berville, secrétaire d’Etat chargé de la Mer au sein du gouvernement d’Elisabeth Borne, a clôturé son deuxième jour de déplacement en Guyane par la signature d’un « pacte tripartite » pour la « relance de la filière pêche ».
Cette base de travail impliquant le Comité Régional des Pêches et des Elevages Marins et la Collectivité Territoriale de Guyane inscrit dans son premier « axe » la mobilisation d’un fonds de 2 millions d’euros pour le renouvellement de la flotte et une enveloppe budgétaire de 150 000 euros pour « saisir et détruire davantage de navires de pêches étrangers ».
L’État, représenté par son secrétariat chargé de la mer, s’engage par ailleurs à sanctionner les pays dont sont originaires les navires de pêche pratiquant la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN).
Interrogé en novembre dernier par Mo News, le commandant de zone maritime Laurent Martin, chargé de la défense maritime du territoire, évaluait à 11 le nombre de bateaux brésiliens déroutés vers le Brésil dans la partie Est de la zone économique exclusive (ZEE) Guyanaise en 2022. En 2021, 90 procès-verbaux ont été dressés à l’encontre de pêcheurs illégaux côté Brésil, 70 côté Suriname.
Selon Hervé Berville, le nombre de contraventions dressées en mer a triplé depuis. « Une action remarquable dans l’Est du territoire avec les Brésiliens qui reculent . » a constaté le secrétaire d’Etat chargé de la mer. En ce qui concerne l’Ouest, la convention signée ce mercredi officialise la création d’une nouvelle unité maritime à Iracoubo.
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« Les efforts de contrôle sont ciblés sur les pêcheurs légaux »
Une « nouvelle dynamique » qui sera plus tard appuyée par des moyens de surveillance renforcés. Ce jeudi 4 mai, une convention devrait être signée entre l’État et le Centre Nationale d’Études Spatiales (CNES) pour « accroître la surveillance satellitaire de l’espace maritime au large de la Guyane ».
Encensée par le secrétaire d’Etat, l’action des forces armées en mer a toutefois été remise en question lors d’un temps d’échange avec les armateurs et les socioprofessionnels de la pêche à la CCIG, ce mercredi 3 mai. Pour Tony Nalovic, ingénieur halieutique au CRPMEM, il y a un paradoxe régalien. « Depuis un certain temps, les efforts de contrôle sont ciblés sur les pêcheurs légaux » a signalé le scientifique au secrétaire d’Etat.
Joël Pied, premier vice-président du CRPMEM, a quant a lui présenté un mécanisme parallèle aux effets également néfastes pour le secteur : l’absence de pêcheurs sur une grande partie de la ZEE joue un rôle de premier plan dans l’expansion de la pêche INN. Occuper, pour mieux protéger les eaux Guyanaises. A fortiori, une relation de cause à effet imparable pour combattre ce qui est présenté par les pêcheurs [légaux] comme un fléau.
Renouvellement des navires de pêche
Mais c’est aussi le « serpent qui se mord la queue ». Pour renouveler sa flotte maritime, la Guyane attend des fonds européens conditionnés aux résultats d’études sur la ressource halieutique. Problème : les pêcheurs illégaux pillent, et la ressource est donc en deçà des attentes. Conséquence : « a ujourd’hui, sur 130 navires légaux, moins d’une vingtaine pêchent. » déplore Léonard Raghnaught, président du CRPMEM. Vétustes ou bloqués administrativement, la plupart des navires de pêche présents sur le littoral sont ainsi coincés à quai.
Dix ans après la dernière étude en date et suite aux alertes lancées par les pêcheurs et leurs représentants, l’Etat a toutefois annoncé à la fin de l’année 2022 le lancement d’une étude pour évaluer les impacts de la pêche illégale en Guyane. Une convention a été signée le 17 décembre dernier par le CRPMEM, l’IFREMER (l’institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) et le WWF (World Wildlife Fund).
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Léonard Raghnaught, président du Comité Régional des Pêches Maritimes et des Elevages Marins de Guyane.
Désormais, afin de « contourner l’obstacle européen », le gouvernement propose d’engager des fonds privés pour renouveler les navires à Mayotte et en Guyane. 2 millions d’euros ont ainsi été mis sur la table. Un financement de la compagnie maritime CMA-CGM géré par la Banque publique d’investissement. « C’est à nous de trouver les navires d’occasion, en sortie de flotte. On va mettre en œuvre une coopérative d’intérêt maritime. Les professionnels ou encore la collectivité pourront adhérer à ce système qui va permettre d’acquérir des navires . » précise Léonard Ragnaught.
Le 28 février 2022, la Commission européenne avait octroyé un régime spécial aux Outre-mers concernant l’attribution des aides pour le renouvellement de la flotte. Selon le ministère des Outre-mers, la Guyane bénéficie de 17 millions d’euros d’aides valables jusqu’à la fin 2027, mais les conditions d’attribution sont drastiques.
Une cellule de crise pour la pêche
Et l’urgence est aussi économique. Dans son « troisième axe », le « pacte tripartite » acte la création d’une cellule de crise. Cette dernière s’appuie sur le Comité départemental d’examen des problèmes de financement des entreprises (audits, prêts), des spécialistes de l’échelonnement de dettes ou encore des médiateurs du crédit. L’enjeu ? Permettre un recours à l’activité partielle ou encore mobiliser les aides adéquates dans ce secteur en difficulté.
« Les entreprises de transformation qui seront soutenues via ces mécanismes s’engageront à réduire les délais de paiement auprès des entreprises de pêche qui leur livrent du poisson. Elles contribueront à développer une réflexion avec le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de la Guyane en vue de la création d’une coopération d’intérêt maritime d’avitaillement » est-il écrit dans le document.
Formation
Outre l’idée de créer un lycée dédié à la formation aux métiers de la Mer, la CTG envisage de mettre en place un CAP Matelot au lycée agricole de Matiti. Hervé Berville se rend dans l’établissement ce jeudi pour aborder un autre enjeu majeur pour la filière, celui de la formation des marins-pêcheurs.
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