Corinne Devilliers, 45 ans, a reconstitué après plus d’un an de recherches le fil rouge des expositions ethnographiques d’amérindiens qui ont eu lieu au jardin d’Acclimatation de Paris à la fin du XIXe siècle. Un comité de pilotage se réunira à partir du 26 avril en Guyane pour finaliser les premières demandes de reconnaissance auprès de l’Etat français.
En 1882 et 1892, des dizaines d’Amérindiens, pour la plupart en provenance de Galibi ont été enfermés dans des cages avant d’être exposés au Jardin de l’Acclimatation à Paris. Sur le modèle des « ethno-show » de Carl Hagenbeck, un commerçant d’Hambourg (Allemagne) à la tête d’un commerce d’animaux sauvages, le jardin d’Acclimatation, au bois de Boulogne, avait été inauguré quelques années plus tôt, en 1860, par Napoléon III. Cet ensemble zoologique était conçu pour accueillir des animaux exotiques. Mais, dès 1877, ce sont des « hôtes humains » qui y ont été exposés. Les Galibis, puis les « 32 Caraïbes », pour autant d’amérindiens dupés par des explorateurs puis emmenés par la force en bateau, ont ainsi été exhibés à 10 années d’intervalle.
Corinne Devilliers, 45 ans, a créé l’association « Moliko » en novembre 2021. Arrière-petite-fille de cette Amérindienne qui figurait parmi les exhibés de 1892, la Sinagote est parvenue en un peu plus d’un an à mettre un nom sur les 45 amérindiens kali’na emmenés à Paris pendant cette triste période de « gloire » pour les shows ethniques.
Un travail de recherche accéléré par la signature, en 2022, d’une convention partenariale culturelle et scientifique entre l’association, basée en Bretagne, et le musée du quai Branly, à Paris. « Les informations que le musée a sur les deux périodes de 1882 et 1892 sont transmises à l’association. En échange, je leur donne les informations que je récolte sur le terrain. » explique Corinne Devilliers.
« Nous demandons aussi le pardon »
À ces fins, en mars 2022, cette Guyanaise installée dans en Bretagne depuis 25 ans s’est déplacée à Terre Rouge, Espérance et Organabo. Plusieurs des exhibés amérindiens y ont été identifiés sur des photographies diffusées sur places. Dès lors, Corinne Devilliers, qui travaille à temps plein pour le compte de son association, est parvenue à convaincre la collectivité territoriale d’installer un comité de pilotage. Ce dernier est composé des jeunesses autochtones, du grand conseil coutumier, de la CTG et depuis peu du député de la 1ère circonscription Jean-Victor Castor.
« Nous avons un certain nombre de revendications. La première est de faire reconnaître à l’Etat la participation de la France au temps des exhibitions. Nous demandons aussi le pardon au nom de tout un peuple descendant en attente de cette reconnaissance. » souligne Corinne Devilliers.
Projet de mémorial
Au 30 janvier 2023, avec le concours du musée de l’homme, l’association est parvenue à retrouver des restes humains, identifiés comme étant ceux de six des huit Amérindiens qui sont décédés pendant l’exposition. « Ils sont morts de pneumonies ou de bronchites suffocantes, selon des extraits de l’hôpital Beaujon qui donnent les informations au directeur des jardins de l’acclimatation. » précise la présidente de l’association.
Aujourd’hui, le dossier de reconstitution de cette période sombre de l’histoire est quasiment bouclé, assure Corinne Devilliers. Deux témoignages primordiaux ont été récemment recueillis à Galibi (Suriname).
Le 26 avril, l’historien Pascal Blanchard, spécialiste du fait colonial et des immigrations, mais aussi réalisateur du documentaire « Sauvages, au cœur des zoos humains », participera à la première partie (à la maison des cultures et des mémoires de Rémire-Montjoly) d’une conférence programmée sur trois journées. « Nous aurons aussi l’intervention exceptionnelle de Carine Pelletier, responsable iconographique au Musée du Quai Branly », annonce Corinne Devilliers.
Après les découvertes historiques, reste désormais à achever l’accomplissement politique.
L’association Moliko, dont le siège est à la sous-préfecture de Pontivy en France, projette de réaliser sur deux sites Guyanais distincts un mémorial en hommage aux amérindiens exhibés.
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