Jean-Philippe G., administrateur d’un groupe WhatsApp par le biais duquel des « mules » étaient « recrutées », a-t-il été influencé ? Les magistrats de la cour d’appel étudient de nouveau ce dossier qui a défrayé la chronique en octobre dernier.
Il a l’air d’un gamin un peu perdu. Déboussolé par son premier passage en prison, balbutiant face aux juges qui lui demande si oui ou non il était bien à la tête d’un réseau de recruteur de « mules ». Le profil de Jean-Philippe G., 20 ans, inconnu de la justice avant d’être condamné à 5 ans de prison le 31 octobre 2022, interroge encore magistrats et avocats. Face aux juges de la Cour d’appel le 23 février, le ministère public rappelle que « les faits sont matérialisés ». Pour autant, Rodolphe Part souligne l’« extrême fragilité psychologique » du jeune homme. Comment ce dernier s’est-il retrouvé derrière les barreaux, en jouant un rôle qui s’apparente à celui d’un intermédiaire ?
Les dessous de l’enquête
L’intention de l’administrateur du groupe WhatsApp « Voyage coco Guyane-Orly » était clairement affichée. Il s’agissait de promouvoir un groupe qui promettait un voyage « rapide » et une rémunération de plus de 15 000 à la clé. L’administrateur se faisait appeler « Starboy-JP ». Informé, le parquet de Cayenne a dès lors ouvert une enquête préliminaire contre X. Les premières investigations ont permis l’identification de la ligne auprès d’Outre-mer Telecom. Cette dernière était attribuée à Jean-Philippe G.. La géolocalisation des appels permettait d’établir que le téléphone bornait régulièrement à la Chaumière, du côté de Matoury. Une communication mettait en évidence que l’utilisateur était à la recherche de jeunes femmes, de préférence.
Le 24 février 2022, une personne souhaitant garder l’anonymat s’est présentée aux enquêteurs, les informant que « Starboy-JP » lui avait proposé de faire « un voyage en qualité de mule » et de « prendre contact avec son boss » sur Snapchat. Elle montrait également des captures d’écran de son téléphone portable, sur lesquels « Starboy-JP » lui indiquait la marche à suivre. La lecture de ces captures d’écran ne laissait guère planer de doutes quant à la volonté de l’administrateur : recruter un maximum de « mules » pour le compte de son « chef », « Samouche 973 » sur le réseau social.
LIRE AUSSI : Jean-Philippe G., 20 ans, recruteur de « mules » sur WhatsApp, écope de 4 ans de prison ferme
Interpellé au RSMA
Quelques jours après la première identification du détenteur de la ligne téléphonique, Jean-Philippe G. était localisé dans les locaux du RSMA à Saint-Jean du Maroni. Pour recruter les mules, il passait par une messagerie cryptée, ce qui a empêché l’interception de certaines preuves pour les enquêteurs. Jusqu’à ce qu’un homme soit interpellé au départ de l’aéroport Félix-Eboué en possession de cocaïne. Il comptait partir en direction d’Orly. Placé en garde à vue puis transféré au Centre hospitalier de Cayenne après un malaise, il n’a pas prononcé un mot. C’est son téléphone qui a parlé. L’analyse des données qui y étaient contenues mettait en évidence une collaboration étroite avec l’administrateur du groupe WhatsApp destiné à recruter des mules. Il apparaissait également qu’il avait effectué deux aller-retours éclairs entre Cayenne et l’hexagone en 2021 et 2022.
Le 29 septembre 2022, la « mule » recherchée était de nouveau interpellée à l’aéroport Félix-Eboué. L’homme avait cette fois ingéré 700 g d’ovules de cocaïne. Il finissait par reconnaître que c’est Jean-Philippe G. qui l’avait mis en relation avec les commanditaires avant d’écoper de 3 ans de prison. Jean-Philippe G. était placé en garde à vue le 10 octobre 2022 après une perquisition au RSMA. L’analyse d’un de ses deux téléphones corroborait les informations des enquêteurs. Jean-Philippe G. avait même créé des comptes WhatsApp destinés à la vente d’or, d’armes ou encore la location de villas. « Samouche 973 » a été identifié, mais pas encore interpellé.
« Harcelé »
« C’est lui qui m’avait harcelé pour créer ce groupe WhatsApp » assure Jean-Philippe à l’audience en appel. Avant la prison, le jeune de 20 ans était peintre en bâtiment au RSMA. Il assure que « son cerveau ne fonctionne pas très bien » et qu’il souhaite juste s’en sortir dans la vie. Jean-Philippe G. a-t-il été (mal) influencé ? « Les réseaux sociaux nous ont apporté des mécanismes très compliqués. Jean-Philippe se retrouve dans une situation qu’il ne maîtrise pas. » plaide Me Tshefu, avocat du jeune prévenu. Pour la robe noire, l’urgence est de le faire sortir de prison. La cour d’appel rendra sa décision le 9 mars.
Cliquez ici pour rejoindre un de nos groupes WhatsApp. Vous recevrez nos infos en temps réel !
Retrouvez l’ensemble des articles de cette rubrique en cliquant ici.
L’actualité en continu sur www.monewsguyane.com.
L’édition hebdomadaire de Mo News Guyane est aussi disponible en version numérique !