Alors qu’Emmanuel Macron s’apprête à réformer le régime des retraites, voici une rétrospective des différentes réformes du régime de base proposées par les gouvernements depuis le début des années 1990, période à laquelle la question de la pérennité financière du régime commence à se poser.
1993 : Première réforme paramétrique
Face aux « grandes difficultés financières » que devaient connaître à terme le régime général et ses trois régimes alignés (salariés agricoles, artisans, industriels et commerçants), le gouvernement d’Edouard Balladur propose trois mesures phares.
La première prévoit un allongement de la durée de cotisation nécessaire à l’obtention de la retraite à taux plein de 37,5 à 40 ans. La deuxième vise à changer la période de référence du salaire annuel moyen servant de base pour le calcul de la pension. Sont ainsi prises en compte dans ce calcul les 25 meilleures années de carrière et non plus les 10 meilleures. La troisième vise à indexer les pensions sur l’inflation et non plus sur les salaires pour en limiter leur progression.
La réforme ne génère que peu de contestation dans la rue au regard de l’importance des changements adoptés. Une des raisons pourrait être qu’elle ne concerne pas la fonction publique, où le syndicalisme est plus ancré.
1995 : Tentative de réforme des régimes spéciaux
Premier ministre sous Jacques Chirac, Alain Juppé propose une réforme des régimes spéciaux dans le cadre d’une refonte de la Sécurité sociale. Il souhaite un alignement de la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein de ces régimes sur celle du secteur privé.
Mais il retire son projet face à la contestation sociale la plus dure depuis Mai-1968, avec plus de trois semaines de grève qui paralysent le pays, à quelques jours du début des vacances de Noël. Le 12 décembre, 2,2 millions de manifestants défilaient dans la rue, selon les organisateurs, un million selon la police.
2003: Réforme du régime de la fonction publique
Face à la menace d’un déficit de 43 milliards d’euros en 2020, le ministre des Affaires sociales de Jacques Chirac, François Fillon, allonge la durée de cotisation requise pour obtenir la retraite à taux plein des fonctionnaires à 40 annuités, soit la même que pour le privé.
Sa réforme prévoit que cette durée soit par la suite allongée à 41 ans pour tous les Français à partir de 2009.
La réforme indexe également les pensions des fonctionnaires sur les prix et non plus sur le point de la fonction publique. Un dispositif de départ anticipé pour carrière longue est créé, ainsi qu’un régime complémentaire obligatoire par points pour les fonctionnaires.
Le 13 mai 2003, deux millions de personnes, selon les syndicats, 1,13 million selon la police, disent « non » à cette retraite qui est néanmoins adoptée.
2008 : Réforme des régimes spéciaux
La réforme de 2008, menée aussi par François Fillon, alors Premier ministre sous la présidence de Nicolas Sarkozy, vise à appliquer aux régimes spéciaux les règles en vigueur dans la fonction publique depuis 2003.
Cette réforme a conduit au passage progressif de la durée de cotisation de 37,5 ans à 40 ans puis à partir de 2017 à 41 ans, à l’instauration d’un mécanisme de décote/surcote et à l’indexation des pensions sur l’évolution des prix et non plus sur celle des traitements des agents publics en activité.
La contestation, d’abord forte, s’est calmée après de longues discussions.
Selon la Cour des Comptes, la mise en œuvre de cette réforme s’est néanmoins accompagnée d’importantes mesures salariales de compensation négociées au sein de chacune des entreprises qui ont limité à court terme l’impact sur le financement.
« Nicolas Sarkozy a préféré payer des augmentations de salaires – du court terme – qui lui permettaient de commencer à réformer sur le long terme les régimes de retraites », explique Raymond Soubie, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy.
2010 : Passage aux 62 ans
Une nouvelle réforme sous Nicolas Sarkozy en 2010 a permis le relèvement progressif de l’âge minimum de départ à la retraite de 60 à 62 ans pour tous les assurés, y compris ceux des régimes spéciaux, mais avec des calendriers différents de mise en œuvre.
L’âge de l’annulation de la décote passe de 65 à 67 ans et la durée de cotisation requise pour l’obtention d’une retraite à taux plein augmente légèrement à 41,5 ans.
En contrepartie, des dispositifs de départ anticipé sont créés pour les personnes ayant travaillé avant leurs 18 ans et pour les salariés en incapacité permanente.
La contestation est vive dans la rue. Quelque 3,5 millions de personnes battent le pavé au plus fort de la mobilisation, selon les syndicats, plus d’un million selon la police. Le projet est néanmoins adopté.
Nicolas Sarkozy avait alors été très ferme sur la méthode. « Il n’y a jamais rien eu à discuter. Nicolas Sarkozy a dit : ‘c’est à prendre ou à laisser’. Il y a eu des contacts informels mais pas de discussion, donc il n’a pas varié d’un pouce sur son projet. En face, les mouvements hostiles ont été un peu décontenancés », a dit Raymond Soubie.
2014 : Allongement de la durée de cotisation
En 2014, la réforme menée par Marisol Touraine, ministre sous la présidence de François Hollande, porte la durée d’assurance nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein à 43 ans à partir de la génération 1973, soit en 2035.
La réforme crée par ailleurs le compte personnel de pénibilité (C3P) qui permet à certains salariés exposés à des facteurs de pénibilité d’avoir accès à une retraite progressive ou anticipée et comporte certaines améliorations comme la prise en compte du congé maternité ou encore des périodes d’apprentissage dans le calcul de la pension des retraites.
La réforme bénéficie du soutien des syndicats réformistes, comme la CFDT. Les manifestations mobilisent entre 370.000 personnes dans la rue, selon les syndicats, et 155.000 personnes, selon la police.
2017 : L’idée du régime universel à points
En 2017, Emmanuel Macron a l’ambition de créer un régime universel des retraites à points pour instaurer un cadre commun à tous les Français, qu’importe leur statut.
La réforme, qui a dans un premier temps l’aval des syndicats réformistes, sera vivement contestée par l’ensemble des organisations syndicales lorsque l’idée d’un « âge pivot », incitant au départ à la retraite à 64 ans, sera évoquée.
Le projet de loi déposé à l’Assemblée nationale en janvier 2020 sera finalement abandonné, officiellement, en raison de l’émergence de la pandémie de coronavirus.
Selon plusieurs artisans de cette réforme, le projet ne disposait plus du soutien politique nécessaire face à la contestation dont il faisait l’objet.
Le 5 décembre, près de 800.000 manifestants, selon la police, 1,5 million selon les syndicats défilaient dans la rue. Le mouvement de grève, très important dans les transports, s’est propagé à d’autres catégories professionnelles, comme les avocats ou encore les danseurs de l’Opéra de Paris, etc.
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