INFO MO NEWS – A l’issue de la procédure de référé-liberté lancée par la section française de l’Observatoire International des Prisons à l’encontre du Centre Pénitentiaire de Guyane, le juge des référés a conclu au rejet des demandes, concédant des retards dans l’application des décisions de justice antérieures par l’administration pénitentiaire.
Audience singulière au tribunal administratif de Guyane. D’un côté, le ministère de la Justice, représenté par Antoine Cuenot, directeur interrégional des services pénitentiaires d’Outre-Mer, Sylvette Antoine, directrice du Centre Pénitentiaire de Guyane et Guillaume Arandel, directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation en Guyane. De l’autre, Me Charlot, avocate de la section française de l’Observatoire International des Prisons. Après la visite inopinée du député Jean-Victor Castor au Centre Pénitentiaire de Guyane le 26 septembre 2022, cette association qui agit pour le respect des droits de l’homme a recueilli un certain nombre de documents et de photographies qui soulignent selon elle des « atteintes graves » et « manifestement illégales » portées aux libertés fondamentales des personnes détenues.
Ouvert en 1998, le centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly comprend un quartier pour mineurs, des quartiers de maison d’arrêt pour hommes et pour femmes, des quartiers de centre de détention pour hommes et pour femmes et un quartier de semi-liberté pour les hommes. Au 31 janvier 2019, le contrôleur général des lieux de privation de liberté publiait un rapport alarmant au sujet des conditions de détention dans l’unique prison en Guyane française. L’observatoire international des prisons avait, à l’époque, obtenu du juge des référés la mise en place de certaines mesures, dont la garantie d’accès aux sanitaires intérieurs, mais aussi le cloisonnement des toilettes dans les cellules.
Jean-Victor Castor visite inopinément le Centre Pénitentiaire de Guyane
Au 4 avril 2019, après appel du ministère de la Justice, le juge des référés du Conseil d’Etat a notamment enjoint l’administration de garantir l’accès des détenus à des sanitaires intérieurs.
« Les détenus sont des usagers du centre pénitentiaire »
La situation du CPG n’est toujours pas « au beau fixe », quatre ans plus tard, pouvait-on conclure après avoir visité la prison dans son ensemble. Cependant, pour le juge des référés, « les injonctions sollicitées, qui portent sur des mesures d’ordre structurel reposant sur des choix de politique publique insusceptibles d’être mis en œuvre, et dès lors de porter effet, à très bref délai, ne sont pas au nombre des mesures d’urgence que la situation permet de prendre utilement ». En somme, un problème sur la forme, d’avantage que sur le fond.
« L’observatoire international des prisons observe depuis un certain nombre de mois la situation des détenus au CPG. Il ne faut pas oublier, et d’ailleurs je reprends les mots d’un ancien directeur du CPG, que les détenus sont des usagers du CPG dans le cadre de leur incarcération. » a souligné Me Charlot après saisine en référé-liberté, une procédure d’urgence, du tribunal administratif.
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Citant le rapport du député de la 1ère circonscription et s’appuyant sur des photographies fournies par les journalistes présents lors de la visite, l’OIP déplorait la prolifération des nuisibles, le manque de variété dans l’alimentation, l’absence de cloisonnement pour les sanitaires intérieurs dans certaines cellules ou encore la présence de matelas au sol dans le quartier des mineurs. À ces fins, l’OIP demandait entre autres au juge des référés d’enjoindre le ministère de la Justice d’allouer du personnel supplémentaire au centre pénitentiaire de Guyane.
Plus de douches pour une cinquantaine de détenus
Comme rappelé à l’audience, une cinquantaine de détenus réclament de prendre leur douche à l’intérieur de l’établissement. Une problématique relative à la sécurité pour certains d’entre eux, qui refusent de se rendre dans la cour où se situent les sanitaires extérieurs. Dans sa décision du 4 avril 2019, le Conseil d’Etat ordonnait -déjà- à l’administration de proposer des douches intérieures aux détenus qui le souhaitent.
« Il y a lieu de constater à nouveau la nécessité de permettre à ces détenus, par des instructions données en ce sens au personnel de surveillance, d’accéder à la demande à des locaux sanitaires intérieurs répondant à des conditions suffisantes d’hygiène et de salubrité », souligne le juge des référés dans ses conclusions. Le 13 décembre, jour de l’audience, une note de service signée par la directrice du Centre Pénitentiaire Sylvette Antoine a été fournie au tribunal. Elle fixait de « nouvelles modalités » d’accès aux douches intérieures. « Toutes les cellules vont être équipées, à terme de douches, d’ici à deux – trois ans. » a rajouté Sylvette Antoine au cours de l’audience.
Concernant la présence de rats et autres nuisibles, déplorée par les prévenus lors de la visite du député, le ministère de la Justice s’inscrit en faux et a produit auprès du tribunal un contrat passé avec une entreprise privée pour des actions de « dératisation préventives et de désinsectisation ». De plus, l’administration assurait au cours de l’audience qu’elle distribuait « régulièrement » des bombes insecticides aux prévenus.
La section française de l’observatoire demandait également « une solution alternative » à l’utilisation de matelas au sol au quartier des mineurs. Ce dernier était surpeuplé à hauteur de 109 % au jour de la visite. « Aucun détenu mineur ne dort à même le sol, c’est le cas depuis plusieurs années. » a contrecarré le directeur interrégional de l’administration pénitentiaire des Outre-mers lors de l’audience. Rejoint de près par le juge des référés dans ses conclusions : « il ne résulte pas de l’instruction et en particulier des éléments rassemblés lors de la visite du député Castor que la règle d’encellulement individuel pour les mineurs ne serait pas respectée ».
L’administration pénitentiaire fait la sourde oreille ?
En clair, pour la vingtaine de points soulignés par l’OIP, le juge des référés conclut qu’il n’est pas nécessaire de prononcer des mesures aux fins d’injonctions et s’en remet aux conclusions du Conseil d’Etat le 4 avril 2019. Pas de quoi démobiliser l’OIP, qui dénonce la « résistance de l’administration » aux mesures ordonnées en 2019 par la plus haute juridiction administrative.
« C’est la troisième fois, au cours des douze derniers mois que la justice constate l’inexécution ou l’exécution tardive par l’administration d’injonctions prononcées en urgence par le juge des référés pour sauvegarder les droits fondamentaux des personnes incarcérées. Le 24 décembre 2021, le Conseil d’État concluait à l’inexécution partielle d’une ordonnance de référé rendue sur recours de l’OIP près de cinq ans plus tôt à propos des conditions de détention au centre pénitentiaire de Fresnes. De même, dans une décision du 11 février 2022, la Haute Juridiction a constaté que plusieurs mesures qui avaient été ordonnées en référé deux ans plus tôt, également sur recours de l’association, pour améliorer les conditions de détention au centre pénitentiaire de Nouméa n’avaient toujours pas été mises en œuvre par l’administration. » conclut l’association dans un communiqué.
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