Un procès peu commun a eu lieu vendredi 18 novembre au tribunal judiciaire du Larivot. Celui d’un « encadrant » de « mules » basé à Kourou et de son complice. Le premier a été condamné à une lourde peine de prison. Compte rendu.
Vendredi 18 novembre, 19 heures. Deux parcours que tout oppose se rejoignent à la barre du tribunal judiciaire du Larivot, dans la salle d’audience consacrée aux jugements en comparutions immédiates. À gauche, un jeune majeur en tong et en short, à peine quelques poils sous le menton, originaire de Kourou et âgé de 19 ans. À ses côtés, un autre homme, plus bourru, de neuf années son aîné, en provenance de Castres dans l’hexagone et installé en Guyane depuis un an tout juste.
En somme, un énième procès, unique par sa longueur, aux allures de présentation succincte de la microsociété du trafic de stupéfiants en Guyane. Deux prévenus, qui se connaissent depuis peu, y jouent différents rôles par leurs implications respectives.
D’emblée, la présidente de l’audience des comparutions immédiates énumère l’inventaire à la Prévert des faits qui leur sont reprochés. Entre octobre 2022 et le 1er novembre, les deux sont poursuivis pour avoir transporté, détenu et acquis 553 g de cocaïne destinés à être remis à « une personne chargée d’acheminer la drogue jusque dans l’hexagone ».
Le parquet leur reproche aussi le transport de 106 ovules pour un total de 1022 g de cocaïne. Au fil du rappel des faits, l’implication de l’homme originaire de Castres est rappelée comme de premier plan, quand celle du jeune majeur serait du ressort de la complicité. Les peines encourues sont supérieures à 7 ans.
Il rate l’avion
Reprenant ses notes, la juge narre l’enquête. Première ramification de l’affaire : fin octobre, les gendarmes sont appelés à la demande d’un homme qui indique que des personnes veulent l’éventrer. L’homme en détresse est un Toulousain, arrivé en Guyane le 7 octobre, qui devait repartir dans la ville rose le ventre plein d’ovules de cocaïne. Mais rien ne s’est passé comme prévu.
Le 30 octobre, l’homme, déposé à Felix-Eboué par une fille qui connaissait les deux prévenus, rate l’avion. Avertis, Lucas G. et le jeune majeur rappliquent au domicile de la covoitureuse, dans l’île-de-Cayenne. Lucas G. souhaite que la « mule » encore chargée expulse le produit avant qu’un autre vol ne soit programmé. S’ensuit une dispute : froissé par ce premier échec, l’homme a décidé d’acheter un billet lui-même et de repartir. Lucas G. et le jeune majeur le maintiennent au sol et tentent de l’immobiliser dans le domicile. Mais le transporteur de drogues parvient à s’enfuir et alerte les voisins.
Surveillant de « mules »
Après cette première alerte et l’audition du toulousain, Lucas G. est interpellé le 13 novembre dans la voiture d’une autre femme à Kourou. Dans l’habitacle, les gendarmes découvrent 106 ovules, pour 1022 g de cocaïne. Pour dédouaner son amie, Lucas G, 28 ans, indique qu’il est le propriétaire du véhicule.
Auditionné à son tour, il reconnaît qu’il « surveillait » la « mule » et avoue les violences et le vol d’une sacoche appartenant au toulousain. Il dit avoir voulu « tout faire disparaître » pour « ne pas laisser de traces ». Quant au kilo de cocaïne conditionné sous forme d’ovules, Lucas G. rapporte que c’était pour rattraper le « coup manqué » du toulousain. « C’était soit ça, soit on s’en prenait à ma vie » rajoutait-il à la barre vendredi dernier.
Le second, son complice de 19 ans, lâche une petite anecdote aux gendarmes pendant son audition : il a déjà fait la « mule » en mai 2022 contre rétribution de 5 000 euros. « Ni de loin, ni de près, il n’est mêlé à ce trafic avec moi. » assure inlassablement Lucas G., à sa droite. Durant l’audience, le parcours de ce dernier, originaire du Sud-Ouest de la France hexagonale, parle pour lui. À 28 ans, il a passé une bonne partie de sa vie d’adulte derrière les barreaux, dont 4 années pour un violent braquage à Montpellier en 2014. En Guyane depuis un an, il souhaitait se « mettre au vert » et repartir à zéro après des années chaotiques marquées par la consommation excessive de stupéfiants… Avant d’être rattrapé par son passif dans la délinquance et les bandes organisées.
Du sursis pour le complice
« On a quand même deux personnes qui viennent d’horizons complètement différents. L’un vient du Sud-Ouest de la France, l’autre de Guyane, l’un à 19 ans et l’autre 28 ans. Ce n’est tout de même pas impossible qu’elles aient été mises en relation pour un trafic de stupéfiants. Aujourd’hui, ils s’excusent devant vous pour avoir mal géré ce trafic de stupéfiants. » relate le substitut du procureur, en préambule à de lourdes réquisitions (4 ans de prison dont 2 avec sursis pour le complice et 5 ans de prison ferme pour Lucas G.).
Rappelant une enquête à tiroirs de la gendarmerie qui a abouti par une vaste opération à Kourou en mars 2022, le parquetier étrille les profils parfaitement insérés des commanditaires, à l’étage +1 de la hiérarchie dans le trafic de stupéfiants. Des gens « beaucoup plus nuisibles pour la société qui voient le trafic de drogues comme un moyen de faire de l’argent en prenant moins de risques. »
Inconnu de la justice, le complice Kouroucien de 19 ans écope d’une peine intégralement assortie d’un sursis probatoire. Lucas G. se voit quant à lui condamné à quatre années d’emprisonnement ferme.
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