Les bureaux de vote ont ouvert dimanche au Brésil pour un second tour de l’élection présidentielle sous tension, qui voit s’opposer le président sortant d’extrême droite, Jair Bolsonaro, et le candidat de gauche et ancien président Luiz Inacio Lula da Silva.
Le scrutin s’annonce serré, les deux candidats pouvant prétendre à un nouveau mandat de quatre ans. Quelque 120 millions d’électeurs devraient se rendre aux urnes, sur environ 156 millions d’inscrits.
Jair Bolsonaro, qui a voté dans la matinée sur une base militaire à Rio de Janeiro, a dit « s’attendre à la victoire, pour le bien du Brésil ».
Le président sortant s’est engagé à poursuivre la politique ultra-conservatrice qu’il a mise en oeuvre au cours d’un premier mandat bousculé par la crise sanitaire provoquée par la pandémie de Covid-19.
Lula, qui a voté dans une école de Sao Paulo, promet quant à lui de se montrer plus responsable sur les plans social et environnemental que son adversaire et d’améliorer la situation des Brésiliens les plus pauvres et de la classe moyenne.
Il rappelle les années de prospérité que le pays a connues lors de son double mandat, entre 2003 et 2010, avant que des scandales de corruption n’entachent sa popularité et celle de son Parti des travailleurs.
Les électeurs votent grâce à des machines électroniques, un système introduit en 1996 et généralisé au début des années 2000, sans fraude attestée jusqu’à présent, mais critiqué par Jair Bolsonaro qui met en doute, sans preuve à l’appui, son intégrité.
Ces déclarations font craindre qu’il puisse contester les résultats en cas de défaite, à l’image de Donald Trump face à Joe Biden en novembre 2020 aux Etats-Unis. L’ancien président américain lui a manifesté publiquement son soutien à plusieurs reprises.
POLARISATION
Les propos de Jair Bolsonaro ont contribué à une polarisation sans précédent de la vie politique brésilienne depuis la fin de la dictature militaire en 1985, combattue à l’époque par Lula, âgé de 77 ans, lorsqu’il était dirigeant syndical, et que le président sortant, qui a 67 ans, invoque avec nostalgie.
Arrivé en tête du premier tour avec 48,3% des suffrages exprimés contre 43,2% pour Bolsonaro, sur un total de 11 candidats, Lula conserve un léger avantage dans les sondages mais l’écart s’est resserré dans la dernière semaine de campagne et de nombreux analystes estiment que l’un comme l’autre peut l’emporter, d’autant que les enquêtes d’opinion avaient sous-estimé le score de Jair Bolsonaro le 2 octobre.
En cas de victoire, le retour de Lula au sommet de l’Etat prendrait des airs de revanche pour le dirigeant de gauche, qui a passé dix-neuf mois derrière les barreaux après sa condamnation en appel pour corruption en 2018. La Cour suprême a confirmé l’an dernier l’annulation de ses condamnations, donnant libre champ à sa candidature à un troisième mandat présidentiel.
Lors de la campagne, Lula a promis de rétablir une politique économique et sociale étatiste qui avait permis, lors de sa présidence, de sortir des millions de Brésiliens de la pauvreté dans un contexte d’envolée du prix des matières premières. Il a également juré de lutter contre la déforestation en Amazonie, qui se poursuit à un rythme sans précédent depuis quinze ans.
Jair Bolsonaro, soutenu par une coalition de partis conservateurs et de puissants lobbies agricoles, lesquels ont financé sa campagne, entend poursuivre ses réformes favorables au marché et continuer à abaisser les normes de protection de l’environnement.
INVECTIVES
« J’ai vu ce que Lula et sa bande criminelle ont fait de ce pays », a déclaré une électrice pro-Bolsonaro, Ana Maria Vieira, en votant dans le quartier de Copacabana, à Rio, ajoutant que le bilan économique du président sortant était « fantastique ».
Antonia Cordeiro, une électrice de 49 ans interrogée dans le même bureau de vote, a dit avoir voté pour Lula en déplorant que Jair Bolsonaro n’ait oeuvré selon elle que pour les riches : « On ne peut pas continuer avec Bolsonaro, ça n’a pas marché. »
Jair Bolsonaro n’a de cesse depuis un an de questionner la fiabilité du vote électronique, au point que nombre de ses partisans doutent désormais de la crédibilité du processus électoral.
A l’issue d’une campagne marquée par les invectives, et des confrontations armées impliquant des alliés de premier plan de Jair Bolsonaro ces dernières semaines, le Tribunal supérieur électoral, dirigé par des juges de la Cour suprême, a mis en place des mesures de sécurité pour protéger son personnel et son bâtiment en prévision d’éventuelles manifestations.
Les alliés de Jair Bolsonaro ont prévu d’organiser dimanche une « fête de la victoire » sur l’esplanade centrale de Brasilia, la capitale fédérale, pendant le comptage des voix.
Le chef de l’Etat sortant a également demandé à ses partisans de se poster devant les bureaux de vote jusqu’à leur fermeture à 17h00 (20h00 GMT), une initiative dénoncée par ses détracteurs qui estiment que cela pourrait peser sur le choix des électeurs et conduire à des affrontements.
De son côté, Lula a appelé ses électeurs à défendre la démocratie face au « néofascisme » de Bolsonaro.
(Reuters)