Le rose est la couleur dominante ce vendredi matin, dans la salle Andrée Surlemont, salle des délibérations de la mairie de Saint Laurent du Maroni. Ce fut la couleur de ce mois d’octobre, dédié à la lutte contre le cancer sur toute la Guyane et le territoire national. Ce matin, de 9 h à 12 h 30, la conférence-débat aborde le sujet.
(Par Claire Gagnaire)
L’association FEDOG (Femmes d’Espérance de l’Ouest Guyanais), présidée Roselyne Tinaut, soutenue par sa secrétaire Roberte Fulgence et Claude Germaine la trésorière, est derrière cette rencontre dans laquelle des membres du CHOG interviennent : deux oncologues (docteurs Wankpo et Bendayan), un gériatre (docteur Angénieu), une psychologue (Chloé Jamin), une infirmière (Claire Guibert) et Thyphaine Legendre, éducatrice en activités physiques adaptées. Mme le Maire, Sophie Charles est représentée par Mme Sobaïmi, 4ᵉ adjointe déléguée à la santé.
L’objectif de l’association est de rassembler toutes les personnes physiques comme morales soucieuses d’aider les patients souffrant d’une pathologie et leur famille. Une chaine humaine nécessaire au soin, présence active, indispensable dans le parcours de soin, félicitée par les membres du Centre hospitalier de Saint-Laurent.
Le docteur Bendayan, présent dans l’Ouest depuis 2021, ouvre la conférence et tient à parler DES cancers du sein, car il existe 5 types de cancers du sein hétérogènes, c’est-à-dire qu’ils évoluent différemment.
Les principaux facteurs de risque de développer un cancer du sein sont multiples
– l’âge (2 cancers sur 3 touchent une femme de plus de 50 ans),
– les antécédents familiaux
– l’hygiène de vie (alcool, tabac, sédentarité et surpoids, alimentation),
– l’activité professionnelle : le travail de nuit, changements réguliers d’horaires désynchronisent l’horloge biologique interne et se répercutent sur le métabolisme, la régulation hormonale et le système immunitaire en bloquant la mélatonine par exemple.
L’anatomie du sein est décrite par l’oncologue qui précise que le cancer du sein existe chez l’homme, ce qui est souvent méconnu (moins de 1 % des cancers du sein).
Le dépistage : clé pour réduire les formes sévères, métastatiques, de la pathologie diagnostiquée
La mammographie, l’échographie et l’IRM sont autant d’examens qui permettent de recueillir des indications. La biopsie est mise en œuvre quand le risque est avéré. Traiter un cancer du sein prend 5 à 6 mois. La dimension psychologique est aussi prise en compte dans la dynamique de soin.
La prise en charge est interdisciplinaire, d’où cette représentation du CHOG aujourd’hui. James Bendayan insiste sur la symbiose remarquable qu’il observe au quotidien avec le service de gynécologie obstétrique du CHOG.
L’éducation à l’autopalpation du sein est une autre clé préventive, comme le suivi des antécédents familiaux, les examens gynécologiques et la connaissance des avancées thérapeutiques.
Définir une stratégie de soin
La nature du cancer doit être identifiée, et ses aspects cliniques et moléculaires caractérisés par la RCPE, réunion de soignants et spécialistes hospitaliers. Oncologie, chimiothérapie, radiothérapie, puis chirurgie simple ou de reconstruction mammaires en cas d’ablation, sont les interventions possibles déterminées par les spécialistes au cas par cas.
L’éducation thérapeutique du patient (ETP) s’inscrit dans une prise en charge globale et constitue un élément essentiel dans le parcours de soin. Claire Guibert, infirmière au CHOG, met en avant ce volet pédagogique qui met le patient au cœur de son parcours de soin. Il vise son autonomie face à certaines actions thérapeutiques, sa prise à bras le corps de son parcours de soin, son accompagnement qui lui transmet des outils de lutte.
« La solitude tue » rappelle le docteur Wankpo, oncologue du CHOG depuis 5 ans.
L’environnement autour du patient favorise sa guérison, tout comme l’action des soignants de son hôpital, qui se déclarent ouvertement à la disposition de la population. Le Projet Personnalisé de Soin intègre cet élément essentiel systématiquement.
Les rôles de la psychologue, de l’éducatrice tout comme chacun des acteurs spécialisés forment ce parcours de soin, soutenus par les associations comme la FEDOG. Ces associations sont des soins de support selon l’oncologue.
En Guyane : une situation disparate
Une lutte collective qui gagne du terrain face à un ennemi qui agit souvent caché. En France, 18 cellules de lutte contre le cancer sont réunies dans l’Unicancer. Les 3 hôpitaux de Guyane travaillent notamment avec le centre de lutte contre le cancer Auvergne-Rhône-Alpes…Travail méticuleux en réseau, toile tissée sur tout le territoire.
La situation en Guyane est faussée par sa situation géographique et des spécificités endogènes. La venue de patientes des deux pays voisins, plus particulièrement du Suriname au CHOG, altère l’analyse qui peut être faite de la situation en Guyane. En effet, ces patientes bénéficient d’une prise en charge tardive par le service d’oncologie de l’hôpital de l’Ouest guyanais et ne rentrent pas correctement dans les critères d’étude et d’analyse.
Les chiffres entre l’Ouest et l’Est de la Guyane mettent en exergue une grande différence de populations, de l’âge des patientes etc. S’ajoute à cela l’isolement d’une partie de la population. Et l’obésité qui, en Guyane, est un véritable problème de santé publique.
James Bendayan insiste sur des examens systématiques qui devraient être prodigués lors des passages aux urgences par exemple, afin de déceler des cancers du sein plus précocement et enclencher la prise en charge rapidement.
Des actions de prévention à développer
L’ARS, la CGSS, la ligue contre le cancer y sont favorables. La FEDOG entend bien participer au développement de cet axe sur le bassin de l’Ouest. Tout reste à faire pour toucher la jeune population guyanaise, très loin de ces circuits sanitaires préventifs.
« L’objectif n’est pas seulement de soigner, mais de guérir. » Le message du docteur Wankpo se veut positif et combatif. « Ce n’est plus comme il y a 2 ans et ne sera pas pareil dans 10 ans. » Beaucoup d’avancées régulières et des nouveautés pour avancer dans le bon sens, vers le bon soin. Les spécialistes se tiennent à jour de chacune d’elles.
Guérir du cancer ne signifie pas que le suivi stoppe net. Les examens cités plus haut permettent de détecter et d’alerter rapidement d’une potentielle récidive. Mais « il faut une vie après le cancer » déclare M. Wankpo. Le suivi médical, les activités sportives, le suivi psychologique visent cet objectif. Le patient doit reprendre une vie normale, tourner la page du cancer.
Une mobilisation de tous les acteurs de la société
La lutte est donc collective, mais aussi individuelle. Selon les chiffres donnés par l’Institut National du Cancer en 2022, le taux de survie nette standardisée à 5 ans (des femmes diagnostiquées entre 2010 et 2015), le taux de survie est de 87 %. On estime que 20 000 cancers du sein pourraient être évités chaque année (soit un tiers des nouveaux cas en 2018), si la population diminuait sa consommation d’alcool, surveillait sa prise de poids, arrêtait de fumer, bougeait et mangeait varié et équilibré. Une question de santé publique qu’il faut traiter chaque mois de l’année pour un jour peut-être, voir la vie en rose.