Le président du tribunal judiciaire de Cayenne et le procureur de la République annoncent une semaine « justice morte » du 3 au 7 octobre. Les audiences civiles et pénales qui ne concernent pas des personnes détenues seront renvoyées dès ce vendredi.
Un signal d’agonie, comme un dernier soupir qui sonne le glas de longs mois de fonctionnement avec « les moyens du bord ». Ce jeudi 29 septembre, pendant l’audience d’installation du nouveau procureur de la République de Cayenne Yves le Clair, le président du tribunal judiciaire Mahrez Abassi a dressé un constat cinglant : « nous sommes arrivés au bout de ce que nous pouvions faire, certains services sont dans l’incapacité d’avoir suffisamment de fonctionnaires pour composer une audience ».
Du 3 au 7 octobre, les magistrats ne traiteront « que les urgences », dans le cadre d’une semaine « justice morte ». Sur le moyen terme, à partir de ce vendredi et jusqu’au 31 décembre, les audiences des personnes qui devaient comparaître libres, sur ordonnance de renvoi d’un juge d’instruction, seront renvoyées à une date ultérieure. Autrement dit, seules les personnes détenues ou sous contrôle judiciaire seront jugées.
Les moyens humains de la justice en Guyane seront dès lors concentrés sur le « cœur du réacteur », entendons ici les comparutions immédiates (procédure qui permet au procureur de faire juger une personne après la garde à vue), les CRPC-défèrement (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité), les audiences de personnes mineures ou encore les audiences devant le Juge des Libertés et de la Détention (JLD).
Ce que la justice en Guyane réclame pour son bon fonctionnement
Le ton est donné, à quelques heures de l’arrivée du Garde-des-Sceaux Eric Dupond-Moretti en Guyane. Des annonces fortes du ministre de la Justice sont attendues au cours de cette visite, nous a-t-on précisé ce jour. « Les options et possibilités ont déjà été étudiées avec le ministre » a expliqué Yves Le Clair ce jeudi.
Il faut dire que le champ d’action est large. Les doléances de l’organisation judiciaire en Guyane sont déjà chiffrées. 32 fonctionnaires supplémentaires (85 actuellement en poste), 3 parquetiers (12 sont en fonction) et 13 magistrats (17 en fonction à ce jour) sont réclamés. À ce jour, un appel à candidatures pour 10 postes de magistrats est déjà paru à l’échelle nationale.
6 000 jugements en attente d’exécution
« La couronne apparente ne tient que par la bonne volonté », a souligné Mahrez Abassi, au cours de l’audience qui installait officiellement les nouveaux substituts du procureur, JLD, juge des enfants, juges d’application des peines ou encore greffiers.
Enregistrant une moyenne de 300 à 350 gardes à vue par mois, l’activité pénale a augmenté de 60 % entre septembre et août, selon le parquet, qui projette au 1er novembre un manque d’un tiers des effectifs nécessaires pour son fonctionnement. « 6 000 jugements sont en attente d’exécution alors que ce service fait preuve d’un engagement exemplaire » a rappelé Yves Le Clair. D’après le magistrat, la question de l’attractivité des postes est « centrale » et doit être prise « à bras-le-corps ».
« Par l’effet du mécanisme de regroupement, Cayenne est devenu un narco hub dont nous avons pu mesurer l’ampleur au cours des mois précédents » a-t-il poursuivi.