Le général Jean-Christophe Sintive, 49 ans, a pris le commandement de la gendarmerie de Guyane le 1er août 2022. Ex-conseiller en sécurité intérieure de la ministre des Armées, il succède au général Stéphane Bras. Dans une interview accordée à Mo News, le nouveau numéro 1 de la gendarmerie revient sur le phénomène des vols à main armée et assure qu’il compte « poursuivre les actions engagées » dans la lutte contre l’orpaillage illégal.
Saint-cyrien d’origine, le général Sintive a occupé plusieurs postes opérationnels dans la gendarmerie. Il a notamment été commandant de peloton à l’escadron de gendarmerie mobile de Chatellerault. En tant que jeune lieutenant, il avait eu l’occasion d’être à la tête d’un peloton d’une trentaine de gendarmes détachés à Cayenne et Saint-Elie pendant 4 mois. Jean-Christophe Sintive a également été commandant de la gendarmerie départementale de Béziers ou encore commandant du groupement de gendarmerie départementale de Gironde.
Pouvez-vous chiffrer les effectifs de la gendarmerie en Guyane ?
Les prés de 600 gendarmes départementaux assurent le fonctionnement des brigades territoriales, des brigades de recherches, des pelotons de surveillance et d’intervention. Vient se greffer en plus un apport non négligeable qui est constitué des escadrons de gendarmerie mobile. Il y en a 6 en permanence en Guyane qui appuient l’action des gendarmes départementaux, soit environ 600 gendarmes. C’est un appui vraiment nécessaire à l’action de la gendarmerie en Guyane. On a aussi des réservistes qui font des vacations payées à la gendarmerie. Ils sont pour la plupart recrutés et formés en Guyane et viennent compléter l’action de la gendarmerie.
Quels sont les axes de travail qui vous ont été fournis ?
Je m’inscris dans l’action du général Bras. L’idée est de travailler dans la continuité pour compléter l’action menée et la poursuivre. Je suis en train de faire un état des lieux. Je vais prendre quelques semaines pour faire le tour de toutes les unités. Le but est d’avoir une cartographie des circonscriptions, de la délinquance et des enjeux de sécurité sur certains secteurs. Il est important, aussi, de connaitre la vision des gendarmes mobiles ou encore du centre de conduite des opérations Harpie. Il ne faut jamais être figé, la gendarmerie doit évoluer avec le territoire. Il faut aussi travailler avec les élus, voir leurs attentes et nouer des partenariats avec la police municipale. Il faut aussi travailler avec les FAG [forces armées en Guyane].
Pour un premier état des lieux de la délinquance sur le territoire, quelle analyse faites-vous ?
On voit qu’un certain nombre de choses sont assez marquantes, notamment la circulation des armes qui est quand même importante. Il y aura des actions majeures à mener à ce niveau. Ces armes qui circulent sont souvent utilisées par les délinquants. Le domaine de la lutte contre l’orpaillage illégal a été pleinement investi par mon prédécesseur. Je veux poursuivre les actions qui ont été engagées. Il faut aussi travailler sur le quotidien. On parle du haut du spectre, mais il faut être au plus proche des citoyens et ça, c’est synonyme de présence sur le terrain et de réassurance, de proximité. Ça demande une action engagée.
Les effectifs manquent-ils en Guyane pour la présence sur le terrain ?
C’est une réalité. La Guyane évolue et les effectifs de la gendarmerie doivent évoluer. Mais il n’y a pas que les effectifs. Les modes d’action doivent aussi évoluer. Par certains changements dans le mode d’action, on peut palier à des situations.
Sur les modes d’action, quels sont ceux que la gendarmerie étudie pour enrayer la propagation des armes ?
On a des points de contrôles fixes sur le territoire qui permettent de limiter les entrées et complexifier les accès. On travaille beaucoup sur des contrôles d’initiatives et des opérations anti délinquances. On va multiplier ces opérations d’ouverture des coffres et de contrôles d’identité, avec l’appui du parquet qui nous octroie des réquisitions pour se faire. Il faut aussi travailler sur les filières. On ne peut pas travailler que sur les conséquences. Il faut aussi travailler sur les causes. Je ne peux pas rentrer plus dans le détail, mais il est clair qu’une de mes priorités ça va être de travailler sur le haut du spectre de la délinquance, dont les filières.
On peut voir que dans le cadre de la lutte contre l’orpaillage illégal, les actions menées par la gendarmerie ciblent les réseaux d’approvisionnement, pour certains basés sur le littoral, qui alimentent les bases des orpailleurs. Un mode d’action qui tend à être pérennisé ?
Oui. Il faut lutter contre les chantiers illégaux dans la forêt, et dans toute la mesure du possible assécher les flux logistiques. C’est ce qui limitera les capacités d’action des orpailleurs illégaux. Les enquêtes portant sur les flux logistiques qui concourent à l’orpaillage illégal font partie du plan d’action.
En septembre dernier, l’ex-ministre des Outre-Mer Sébastien Lecornu parlait d’un plan Harpie 3…
Ce qui est sûr, c’est que les opérations n’ont pas vocation à être figées. Nos « adversaires » s’adaptent aux dispositifs et trouvent des parades aux mesures qu’on prend. L’important, c’est véritablement que la gendarmerie et tous les acteurs de la lutte contre l’orpaillage illégal fassent évoluer leurs modes d’action. Chaque jour, plus de 56 gendarmes en forêts sont spécialement dédiés à la lutte contre l’orpaillage illégal. Plus généralement, je tiens à rappeler que tous les gendarmes luttent contre l’orpaillage illégal.
Y a-t-il une recrudescence des vols à main armée en Guyane ?
On a l’impression, quand on voit l’accumulation des faits-divers, qu’il y a un phénomène émergent de vols à main armée. Dans les chiffres non, pas dans les sept premiers mois de l’année. Ça n’évolue pas tant que ça par rapport aux autres années. Il y en a toujours trop, de toute façon, c’est clair. Mon action sera de tout mettre en œuvre pour faire baisser cette délinquance, notamment les vols à main armée.
Les modes opératoires évoluent ?
On sent monter une organisation un peu plus étoffée en matière de vols à main armée avec des équipes constituées qui s’organisent autour de ça. C’est un travail d’enquête de fond qu’il faut mener sur la criminalité organisée. Ceci vient s’ajouter aux vols à main armées dits d’ « opportunité », qui n’ont pas connu d’augmentation particulière en 2022.
Sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes victimes de braquage parlent d’une seule bande qui réitèrerait entre l’Île-de-Cayenne et Montsinéry-Tonnégrande. Est-ce réaliste ?
C’est plus compliqué que ça. Le phénomène des factions armées brésiliennes est très compliqué au Brésil. Il existe aussi en Guyane, maintenant, je pense que ce serait un peu trop rapide de tout résumer aux factions armées brésiliennes. Il faut sortir du stéréotype, l’auteur du vol à main armée en Guyane n’est pas forcément brésilien. La délinquance n’est pas liée à une nationalité.
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