EXCLUSIF – Le 31 mai 2022, au dénouement d’une enquête qui a duré près d’un an, la section de recherches de Cayenne a arrêté 10 personnes mises en cause dans un trafic d’armes sur les réseaux en Guyane. Plusieurs groupes Whatsapp étaient dans le viseur des enquêteurs de longue date. 7 prévenus ont été condamnés le jeudi 7 juillet par le tribunal correctionnel. Selon nos informations, 3 mineurs seront jugés dans les semaines à venir par le tribunal pour enfant pour les mêmes faits (détention d’armes de catégorie B et A, exercice illégal de l’activité d’intermédiaire dans la vente d’armes, achat ou vente d’armes en dehors d’un local autorisé).
Un trafic conséquent d’armes, notamment révélé par plusieurs articles parus dans l’édition hebdomadaire de Mo News (voir ci-dessous l’extrait d’un article daté de l’année passée).
96 heures de garde à vue
Le dossier démarre en juin 2021, quand plusieurs signalements mettent en alerte les enquêteurs spécialisés de la gendarmerie.
Au terme d’un an d’enquête, la Section de recherches en Guyane « cible » une vingtaine de profils particulièrement actifs. Des administrateurs aux petites mains, certains sont inconnus de la justice. Ils revendent différentes armes (armes de poings, fusils), jusqu’à 8000 euros dans le cadre d’un marché sauvage qui prolifère sur les réseaux, particulièrement sur la messagerie WhatsApp.
10 personnes, dont 3 mineurs, sont interpellés le 31 mai 2022 au cours d’une opération judiciaire qui mobilise 140 gendarmes.
Après des gardes à vue allongées jusqu’à 96 heures (durée maximale d’une garde à vue, hors affaires de terrorisme), 7 des prévenus ont été convoqués devant le tribunal correctionnel de Cayenne le 7 juillet.
Cinq des revendeurs étaient inconnus de la justice et 2 d’entre eux en état de récidive légale. Les peines prononcées par le tribunal ce jour-là fluctuent entre 2 ans de prison et 5 ans de prison ferme pour les protagonistes de premier plan du trafic totalement illicite.
L’ensemble des mis en cause ont été reconnus coupables des faits suivants : « détention d’armes », « exercice illégal de l’activité d’intermédiaire dans la vente d’armes », « achat ou vente d’armes en dehors d’un local utilisé ».
9 armes de poings découvertes au cours d’une perquisition chez l’administrateur du groupe WhatsApp
Stheyssy Mateo Tapia était l’un des membres les plus actifs du groupe sur l’application de messagerie et d’appels rapides. Au cours de la période de prévention visée, il a posté plus de 25 annonces. Il utilisait des intermédiaires pendant les opérations de vente pour éviter qu’on remonte jusqu’à lui. Pendant la perquisition à son domicile le 31 mai, les gendarmes ont mis la main sur 9 armes de poing et près de 400 munitions, ainsi que 5000 euros en liquide.
Preuve du caractère multiforme du réseau, Stehyssy Mateo Tapia vendait principalement des armes de poings (Taurus, Beretta, Rossi, Glock…) entre 1200 et 2500 €. Des munitions étaient aussi cédées, pour 10 € l’unité en moyenne.
Le 7 juillet, l’administrateur a écopé de 5 ans de prison ferme avec maintien en détention (il était en détention provisoire depuis le 2 juin 2022). Une interdiction de port d’arme a également été prononcée à son encontre. Elle tient lieu pendant 15 ans.
Le deuxième profil le plus intriguant est probablement celui d’Alan Laguerre. Ce dernier était présenté aux juges du tribunal correctionnel pour des faits sur lesquels il devait s’expliquer en état de récidive légale.
Durant la période de l’enquête, il a posté plus de 40 annonces sur les groupes Whatsapp dédiés à l’activité de revente d’armes. Son activité portait essentiellement sur la vente d’armes modifiées, mais aussi de Glock permettant le tir en rafale. Devant les enquêteurs et face aux juges, il a indiqué qu’il agissait pour le compte de l’administrateur du groupe (Stheyssy Mateo Tapia).
Il a été condamné à 5 ans de prison ferme et la cour a prononcé un mandat d’arrêt à son encontre.
Il revendait des fusils d’assaut
Deux autres administrateurs du groupe WhatsApp, Warren Lama et Dylan Sainte-Luce (une carcasse d’un pistolet d’alarme a été retrouvée à son domicile lors de la perquisition) ont respectivement écopé de 3 ans de prison ferme, dont 1 an avec sursis et maintien en détention pour le premier, 2 ans avec sursis pour le second.
Ils ont tous deux refusé de nommer les personnes qui leur auraient « ordonné » de mettre en place ces groupes.
« Intermédiaire »
Un quatrième homme présenté aux juges ce 7 juillet a posté 5 annonces sur le groupe. Des messages qui mettaient en avant des armes de guerre (notamment des fusils d’assaut AR15). Face aux juges, Tommy Tingo a indiqué avoir servi d’ « intermédiaire » pour le compte d’un tiers, sans jamais avoir finalisé une vente. Précision : ces armes disponibles en quantités réduites sont vendues jusqu’à 8000 euros.
Derniers sur la liste des accusés, Eric Goncalves Assuncao et Lauwen Edwige ont posté plusieurs messages, la majorité visant à acheter des armes. Déjà connu de la justice, le premier a écopé de 3 ans de prison ferme dont 18 mois avec sursis (il a été maintenu en détention). Le second a été relaxé des faits qui lui étaient reprochés.
3 autres mineurs seront jugés par un tribunal pour enfant
Notons que l’ensemble des mis en cause ont été relaxés pour le chef d’accusation d’ « association de malfaiteurs ».
3 autres mineurs, interpellés le 31 mai, seront jugés dans les semaines à venir par le tribunal pour enfant. Des armes, un Holster et un gilet pare-balle ont été retrouvées chez certains.