Interview – Rencontre avec le nouveau numéro 1 du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de Guyane. Le colonel Jean-Paul Levif, 62 ans, est en fonction depuis le 1er juin. Il revient sur les défis qui l’attendent au sein du plus jeune SDIS national. Egalement diacre, il compte bien œuvrer pour la bonne cause sur le territoire. Nos respects colonel !
Résumez-nous votre parcours.
Ma carrière a commencé par une fonction dans l’enseignement. J’étais professeur de physique chimie à l’Éducation Nationale pendant une dizaine d’années en région parisienne. A l’issue de ce parcours de 10 années je souhaitais changer de voie et j’ai passé le concours de capitaine sur titre, que j’ai réussi. J’ai été recruté dans un premier temps au SDIS de Martinique, d’où je suis originaire. J’ai fait quasiment 25 ans de carrière au SDIS. En 2018, j’ai été nommé directeur adjoint du SDIS de Guadeloupe, où j’ai passé 4 années. Depuis le 1er mai 2022, je suis directeur du SDIS de Guyane. C’est mon premier poste de directeur sachant qu’en Guadeloupe j’ai assuré la direction par intérim pendant plus d’un an.
Vous êtes également diacre, envisagez-vous de vous impliquer dans la vie religieuse du péyi ?
Je suis diacre à l’église catholique. A ce titre-là, l’évêque me confie des missions. Parmi ces missions je me suis engagé à faire des visites dans les prisons. Je l’ai fait en Guadeloupe et en Martinique. En Guyane, ça va commencer sous peu. Je crois que l’évêque de Guyane aimerait que je me charge de la pastorale des hommes, qui vise à permettre aux hommes de retrouver leur place au sein de la société.
Quels sont les axes de travail qui vous ont été confiés pour développer le plus jeune SDIS national ?
Les autorités, le préfet et le président de la collectivité fixent une ligne directrice. Il y a aussi ce que je constate moi-même dans mes tournées, sur le terrain, qui me permet d’orienter la stratégie. L’objectif est de développer le service d’incendie et de secours puisque nous sommes sur un département où il y a une forte croissance à la fois en population, mais aussi en termes de développement. Cette croissance génère des risques supplémentaires auxquels il faut faire face. Mon rôle est d’ajuster et d’adapter le SDIS à la demande de secours qui est en train d’augmenter de plus en plus. Par ailleurs, il y a aussi le problème de la ressource humaine. En Guyane, nous avons besoin d’anticiper des départs à la retraite qui seront assez massifs dans quelques années. On a besoin de recruter, c’est un enjeu important. On a beau avoir des engins perfectionnés et de plus en plus adaptés, il faut des hommes et des femmes derrière pour les manipuler. C’est vraiment la ressource humaine qui fait la force d’un SDIS.
Combien de pompiers au SDIS de Guyane actuellement ?
Nous avons 256 pompiers professionnels et à peu près 900 pompiers volontaires. Nous avons également 76 personnels administratifs et techniques qui sont dans des fonctions de supports de logistique, de mécanique ou encore de secrétariat. Idéalement, il faudrait augmenter le nombre de professionnels, mais également de volontaires. Parce que la sécurité civile française est basée sur un volontariat supérieur en nombre (ndlr : 1/3 de sapeurs-pompiers professionnels, 2/3 de sapeurs-pompiers volontaires en moyenne). Le volontariat est très adapté aux territoires excentrés. Quand on prend le Haut-Maroni par exemple, où on a des communes assez éloignées, placer des professionnels dans ces secteurs est un peu onéreux.
On vous a fait part d’une date de mise en service concernant la caserne de Matoury ?
Le chantier a été visité la semaine dernière [celle du 20 au 26 juin]. On nous annonce aujourd’hui une ouverture pour le premier semestre 2023.
Combien de personnels devraient intégrer cette nouvelle caserne ? Est-il toujours question de délocaliser le centre de traitement d’alertes (CTA) ?
Pour le CTA, c’était le projet initial. Entre-temps, il semblerait que cela ait été modifié. Nous sommes à la veille d’un basculement sur des nouveaux systèmes totalement numériques et plus performants. Ce qui devrait permettre d’avoir une meilleure couverture du territoire. Les moyens actuels, qui sont basés sur des fréquences radio classiques ne permettent pas de couvrir le territoire. Avec les moyens satellites, on arrive à compenser, mais c’est artisanal. Nous nous sommes inscrits dans le dispositif réseau radio du futur (RRF), ça semble pouvoir répondre à nos problématiques. Dans les 3-4 prochaines années, nous aurons des systèmes de remontées d’informations beaucoup plus performants.
Certains guyanais font part de délais d’interventions parfois longs concernant les secours en général. Que répondez-vous ?
La première étape, c’est l’appel au secours. Tout citoyen fasse à une détresse vitale doit composer le 18 ou le 15 qui sont interconnectés. Quand il appelle le 18, un opérateur va lui poser des questions et surtout lui demander son numéro de téléphone pour recevoir des indications concernant l’adresse. Tout cet « interrogatoire » est souvent mal vécu par les appelants parce que ces derniers peuvent voir que le temps passe alors que nous on demande des informations complémentaires. Ils le vivent assez mal, mais c’est obligatoire. Sinon on risque de ne pas envoyer les secours au bon endroit, après ça empire la situation parce qu’il faut envoyer des renforts. Le CTA CODIS est capable de localiser les appels et d’identifier la personne qui appelle. Quand l’opérateur déclenche les secours les plus proches du sinistre, un système informatique nous donne des moyens disponibles. Tout cet ensemble de recherches des moyens les plus appropriés prend du temps mais reste néanmoins dans le cadre de nos obligations puisque nous avons des délais précis d’intervention sur différents secteurs. Notre rôle, c’est de rester dans les délais. Dans l’absolu, nous n’arrivons pas en retard et l’état des victimes n’est pas aggravé. Il faut relativiser.
Un dernier message, votre ressenti sur la Guyane ?
J’étais déjà venu en Guyane, sur le plan professionnel, avec les pompiers pour des échanges sportifs. Je m’étais aussi rendu sur place dans des missions d’évangélisation. Nous sommes face à un territoire qui exige beaucoup d’engagements parce qu’il y a de grands défis à relever. La bonne nouvelle c’est qu’il y a un fort potentiel chez les pompiers pour répondre à ces défis. On ne part pas d’une feuille blanche. Les personnels sont motivées, bien formés et ont une vision claire de ce qu’est le secours à la personne. Il y a du travail, mais je sais que je peux compter sur une ressource. Je peux aussi rajouter que les élus de la CTG sont à nos côtés. Ce sont eux qui financent le SDIS avec les communes. Ils suivent notre activité. C’est une cohésion très importante pour l’avenir.