Comment est né le collectif Apachi ?
En fait, tout part d’un constat simple. Un constat d’échec parce que, quand on regarde ce qui se passe sur cette partie du territoire guyanais, on a l’impression qu’on est totalement oublié. Au bout d’un moment on se pose la question : quand est-ce qu’on aura un semblant de projet qui prendra en compte l’enclavement que subit cette partie de la Guyane, donc de la France et de l’Europe ? Tout le monde en parle chacun dans son coin ou autour d’un verre. Il est peut-être temps de se structurer autour d’un collectif. Je ne dis pas qu’il n’y pas d’autres manifestations à ce sujet-là, puisqu’il y en a eu beaucoup. Apachi signifie « le chemin » ou « la route ». Nous voulons qu’il y ait un désenclavement terrestre dans cette partie-là de la Guyane.
Structurer des revendications sous forme d’assises, c’est une première à Maripasoula ?
C’est une première à Maripasoula et en Guyane. Disons que l’idée des assises c’est de réunir tous les acteurs politiques et socioprofessionnels (ndlr : différents corps de métiers seront représentés demain, notamment les transporteurs). Tout ce beau monde-là sera ici à Maripasoula pour aborder cet épineux sujet du désenclavement. Quand sera mise en place cette route ? Comment ? Qui finance ? Et pourquoi cela n’a jamais été fait ? Quand on aura mis ça sur la table ce sera déjà une petite victoire, mais ça n’aurait pas de sens si au bout on n’a pas de réponses concrètes.
Faire des assises, c’est un rêve que j’ai toujours eu. On ne peut pas fonctionner autrement, parler d’un sujet aussi important et rester dans notre coin sans mettre autour d’une table les acteurs politiques qui doivent nous aider à trouver des solutions. Ca fait longtemps qu’on réfléchit à comment faire cela.
Le sujet portant sur le désenclavement par les routes sera un aspect central des discussions de demain. Qui est-ce que vous comptez interpeller ?
Tout le monde. On va interpeller tout le monde. On n’est pas des donneurs de leçons. Il y a différents types de manifestations, mais là ce sera une manifestation pacifique où tout le monde sera autour d’une table. Cette zone de vie de la Guyane doit obtenir un rééquilibrage et ce n’est pas un gros mot de parler de continuité territoriale. On va interpeller la CCOG, mais aussi la CTG et les représentants de l’Etat. Des personnalités seront là et on espère vraiment qu’on aura des réponses claires.
Vous êtes élu au conseil municipal de Maripasoula, dans l’opposition. Est-ce que le message que vous comptez porter sera appuyé par la majorité municipale ?
Je pense qu’on doit faire encore beaucoup de travail pour qu’on puisse travailler sur certains points. Je ne trahis pas de secret en disant que, consultation ou pas, nous voyons ce qui se passe. Opposition ou majorité, on est tous dans le même bateau et nous rencontrons les mêmes difficultés. On sait que le maire de Maripasoula voit les mêmes difficultés. A ce sujet-là je pense qu’on n’a pas de leçon à donner à qui que ce soit. C’est la raison qui devrait nous pousser dans la même direction.
La dernière visite en date du désormais ex-ministre des Outre-mer a-t-elle permis d’avancer sur certains points structurants comme le CDPS de Maripasoula ?
On parle de maternité, mais nous on voudrait parler de santé. Le désenclavement est un ensemble. Pour qu’il y ait par exemple une politique sanitaire digne de ce nom sur cette partie-là de la Guyane il faut qu’il y ait une route. Chaque fois que quelqu’un a un souci de santé majeur, on est obligé de rapatrier sur Cayenne. Les femmes qui doivent accoucher doivent aussi partir à Cayenne.
Selon vous, les routes permettront de structurer l’économie ?
Avec le collectif, on est d’accord là-dessus. C’est la pierre angulaire d’un développement à long terme. Je ne dis pas que la route va régler tous les problèmes puisqu’il y aura aussi des effets négatifs. Mais qui dit route dit aussi désenclavement énergétique, numérique, économique. Rendez-vous compte qu’on vit en autarcie. Donc forcément on est obligé de développer le système D ou une économie endogène… C’est compliqué de prévoir ce que va devenir Maripasoula dans 10 ans, 20 ans, 30 ans. Je n’oublie pas Papaïchton, Apatou ou encore Saül… Je pense que l’État sait très bien qu’une partie de sa population est dans cette situation.
Sur le transport, quels sont les points que vous comptez aborder ?
Aujourd’hui c’est le transport fluvial qui permet de recevoir, en tout cas d’amener des produits de première nécessité. Quand vous voulez une voiture, il faut la faire venir en pirogue. Donc tout tourne autour de ça. Sur l’aérien, Air Guyane fait son job, on ne peut pas leur en demander plus, mais ça ne suffit pas et c’est en-deçà du minimum syndical dont on a besoin. Faire du transport fluvial le seul axe de commerce, ce n’est pas possible, d’autant plus que le Maroni est difficile à naviguer ces derniers temps. Il nous faut un désenclavement terrestre. Plusieurs propositions seront discutées demain. On parlera de routes, mais aussi de ferroviaire. Il y d’autres solutions qui pourraient être exploitées. Ce territoire a vocation à être relié.
Les assises sont prévues tout au long de la journée de demain (vendredi 8 juillet). Vous espérez en sortir avec un protocole d’accord ?
Pendant la première partie, des élus seront là. Après il y aura des échanges directs entre les uns et les autres, notamment entre les élus et la population. Surtout, on aura un document qui pourrait ensuite être amendé, ou pas, par les gens qui seront là. A la fin de cette journée, on espère obtenir un document, une feuille de route des uns et des autres pour qu’on puisse avancer.
D’autres personnalités sont présentes au sein du collectif Apachi ?
Il y a des politiques, mais on préfère taire leurs noms. Ce sont des politiques de premier rang qui nous soutiennent, des personnalités qui ont une compréhension claire du sujet du désenclavement. Au total, on est une dizaine de personnes au niveau du comité restreint. On sera 7 ou 8 demain.