À quoi joue OHB ? C’est la question que se posent depuis 48 heures tous les observateurs et acteurs du spatial européen.
On a appris en effet que le constructeur de satellites allemand ferait campagne de manière très discrète pour que les prochains satellites Galileo soient lancés par des Falcon 9 de SpaceX, plutôt que par Ariane 6.
L’information qui a été dévoilée par le magazine Challenge, montre qu’il s’agirait d’un lobbying effectué par le groupe industriel allemand pour convaincre la Commission européenne, qui est propriétaire de la constellation Galileo, de porter sa préférence sur l’américain SpaceX et son lanceur Falcon 9 appartenant au milliardaire sud-africain Elon Musk plutôt que sur la nouvelle fusée européenne Ariane 6, en vue de lancer les prochains satellites Galileo (le GPS européen).
Marco Fuchs, le PDG de OHB souhaiterait que la Commission européenne achète trois lancements de Falcon 9 et s’engage par la suite à effectuer d’autres tirs sur RFA One, le mini lanceur de Rocket Factory Augsburg qui est une filiale de OHB.
Il semblerait que OHB bénéficierait de la conjoncture politique actuelle du conflit entre la Russie et l’Ukraine, pour rappel l’agence spatiale Roscosmos a retiré toutes ses équipes russes de Kourou il y’a quelques semaines, en effet c’est le lanceur russe Soyouz qui devait effectuer les deux prochains lancements de satellites Galileo et donc pousserait en coulisses pour que la solution de repli de la Commission européenne soit le lanceur américain au détriment de la future Ariane 6. Par ailleurs, Ariane 6 avait déjà été sélectionné pour trois futurs lancements de satellites Galileo, la logique étant d’y ajouter les deux autres laissés libres par Souyouz.
Ce qui parait encore plus étonnant et déroutant dans cette histoire, c’est que OHB conçoit 10% du lanceur européen, notamment les éléments du deuxième étage, et est le deuxième industriel en termes de charge de travail sur Ariane, derrière le franco-allemand ArianeGroup.
Deux facteurs rendent néanmoins la proposition d’OHB difficilement envisageable. La première étant qu’il n’y a pas d’urgence en la matière puisque la constellation européenne forte de ses 2,3 milliards d’utilisateurs dans le monde est déjà très fonctionnelle et que les satellites à lancer, seraient juste destinés à pallier d’éventuels indisponibilités. L’autre facteur porterait sur une question de réglementation, en effet la réglementation européenne prévoit une clause dite de sécurité imposant de lancer les satellites Galileo depuis le territoire d’un état européen. Réglementation qu’il faudrait modifier pour lancer depuis les États-Unis avec SpaceX, au moment même où l’Europe secouée par le conflit russo-ukrainien cherche à reconquérir sa souveraineté sur des secteurs stratégiques.