Le traffiquant de drogue Siegfried ‘Piet’ Wortel (53 ans), a été arrêté à l’aéroport d’Aruba la semaine dernière, et était recherché par la justice néerlandaise depuis des années. Il avait fui les Pays-Bas en 2018 après ne pas être revenu d’une permission accordée pendant qu’il purgeait une peine de sept ans de prison. Depuis lors, il s’était installé au Suriname où, selon les autorités néerlandaises, il poursuit ses activités criminelles, bénéficiant d’une certaine forme de mansuétude ou de laxisme de la justice surinamaise alors que son histoire était connue de tous.
En 2012, une photo est apparue dans les médias dans laquelle Wortel se tenait à côté du prince héritier Willem Alexander et de la princesse Máxima, prise après que les Pays-Bas aient perdu la finale de la Coupe du monde en Afrique du Sud en 2010. Wortel se tenait souriant à côté du couple, qui n’aurait pas deviné qui il était.
Le fait que la photo en question n’ait fait surface qu’en 2012 n’était pas entièrement une coïncidence. Peu de temps auparavant, le 3 avril, lui et quatre coaccusés avaient été arrêtés à Barcelone dans le cadre d’une enquête portant sur un traffic de plus de 1 100 kilos de cocaïne qui avait été interceptée dans le port de Rotterdam et dissimulée dans une cargaison de caisses de whisky. Il a également été associé à une série d’expéditions de cocaïne d’Amérique du Sud vers, entre autres, Hong Kong, les îles du Cap-Vert et les Pays-Bas. En 2014, Siegfried Wortel a été condamné à sept ans de prison aux Pays-Bas.
Le 1er mars 2019, il a été condamné par contumace à huit ans de prison par le tribunal du Mans en France, et avait été désigné lors de ce procès comme étant l’un des acteurs majeurs se cachant derrière le trafic de cocaïne convoyé par plusieurs mules voyageant du Suriname vers la Guyane française.
Wortel n’était pas revenu en 2018 d’une permission accordée pendant sa peine de prison alors qu’il devait encore purger trois ans et qu’il figurait en bonne place sur la liste du système judiciaire néerlandais, il a donc ainsi pu mener une vie luxueuse au Suriname pendant des années sans être dérangé. Il avait de bons contacts dans les cercles les plus élevés, il n’a donc pas été dérangé. Il aurait même été chez lui avec le vice-président Ronnie Brunswijk.
Au Suriname, selon les enquêteurs néerlandais, il a probablement poursuivi ses activités criminelles. Dans le milieu criminel, une histoire a circulé en 2019 selon laquelle deux hommes originaires d’Amsterdam avaient été exécutés en septembre de cette année-là parce qu’ils avaient détourné et volé un envoi de quatre cents kilos de cocaïne à l’organisation de Wortel avec d’autres complices. Il s’agissait de Genciël « Genna » Feller, abattu à Curaçao, et de l’ancien footballeur professionnel Kelvin Maynard, assassiné à Amsterdam.
Usant de ses relations dans les hautes sphères politiques du Surinam, il aurait tenté de se faire naturaliser pour échapper à une extradition, le Suriname n’extradant pas ses ressortissants. Il est par ailleurs été cité comme l’un des expéditeurs d’une cargaison de 4.200 kilos de cocaïne intercepté en avril 2020 dans un hangar du port d’Anvers. Son nom a également été régulièrement mentionné dans le milieu de la drogue au Suriname. Mais, pour autant, la police locale n’a jamais sérieusement lancé d’enquêtes approfondies sur ces faits.
La semaine dernière, il a donc été interpellé à Aruba grâce à une information obtenue par la justice néerlandaise. Il est à noté qu’elle n’avait jamais entrepris auparavant une quelconque action visant à l’interpeller au Suriname avec ou sans la collaboration des autorités locales, où tout le monde savait qu’il y était installé et avait construit une nouvelle vie depuis sa disparition. Pour l’instant, nous ne savons pas si le ministère public des Pays-Bas a demandé aux autorités judiciaires du Suriname de détenir Siegfried Wortel et de l’extrader vers les Pays-Bas.
Ce qui est certain, c’est que la cavale de celui que le procureur néerlandais en charge du dossier a qualifié de « chef incontesté d’une organisation de la drogue dirigée comme une multinationale », et qui s’est cru intouchable notamment en montant à bord d’un avion la semaine dernière avec un faux passeport surinamais à destination d’Aruba, a pris fin. En outre, il sera sérieusement interrogé sur un certain nombre de transports de drogue et de disparitions suspectes qui ont eu lieu ces dernières années, ce que les autorités d’enquête surinamaises ont systématiquement omis de faire.
K.H