Toujours pas de collecte du sang en Guyane ! Ce mardi matin, à l’occasion d’une séance de questions orales sans débat au Sénat, la sénatrice de Guyane, Marie-Laure Phinéra-Horth, a questionné le gouvernement sur la reprise de la collecte de sang en Guyane, toujours interdite depuis avril 2005. La raison qui avait été évoquée à l’époque était la présence de la maladie de Chagas sur le territoire. La sénatrice a demandé ce qu’il en était aujourd’hui, alors que le don du sang reste interdit depuis avril 2005 en Guyane, alors que l’EFS (Etablissement français de don du sang) fait état de stock particulièrement bas. La sénatrice a reconnu que la maladie de Chagas était un véritable problème sanitaire en Amérique latine avec 13 à 20 millions de personnes infectées, mais elle a aussi rappelé les chiffres en Guyane : « Entre janvier 1990 et mars 2005, 15 cas ont été diagnostiqués en Guyane dont 6 aigüs » . Et Marie-Laure Phinéra-Horth de dénoncer : « Cependant, c’est sur cette base que la préfecture a décidé de stopper la collecte de sang en Guyane » . Et la sénatrice de rajouter : « Une étude du haut conseil de la santé publique, en date de mars 2021, indiquait que la maladie de Chagas, a été très rarement notifié chez des cas humains en Guyane et que ce parasitose ne constitue pas un cas de santé publique en Guyane. Plus de 15 ans après l’arrêt de la collecte de sang en Guyane, d’importants progrès ont été réalisés en matière de détection de la maladie. La transmission par transfusion sanguine peut désormais être détectée par un dépistage systématique des dons de sang. La Guyane dispose depuis 2016, par le biais du laboratoire P3 + de l’institut Pasteur, capable d’identifier les virus à l’origine des syndromes graves comme la maladie de Chagas. Ce dépistage est pratiqué aujourd’hui dans de nombreux pays, notamment les Etats-Unis, le Japon et le Brésil où 100 % des donneurs de sang sont ainsi dépistés depuis 1995 ! » C’est pour toutes ces raisons que Marie-Laure Phinéra-Horth a demandé « l’égalité de traitement sur l’ensemble du territoire national » et de demander concrètement quels sont les « leviers que compte utiliser le gouvernement pour rétablir une véritable politique de collecte de don du sang en Guyane » .
« La Guyane particulièrement vulnérable aux risques infectieux » selon Brigitte Bourguignon
La ministre déléguée auprès du ministre de la santé, en charge de l’autonomie, Brigitte Bourguignon a répondu à la sénatrice en expliquant que le don du sang resterait interdit en Guyane car le territoire est « particulièrement vulnérable aux risques infectieux » et de prendre pour exemple l’apparition d’arboviroses ou encore une étude de Santé Publique France commandé par la DGS, sur la situation épidémiologique en Guyane ainsi que sur la maladie de Chagas. Et de conclure en expliquant « privilégier la sécurité sanitaire » .
Voici la retranscription de la réponse de Brigitte Bourguignon à Marie-Laure Phinéra-Horth : « La reprise de collecte de sang en Guyane présenterait l’avantage de proposer un pool disponible localement tout en renforçant au niveau national un vivier de donneurs d’un phénotype sous-représenté dans la population courante des donneurs de sang. Cela permettrait aussi de mieux répondre aux besoins transfusionnels, notamment dans les Antilles. Pour envisager cette reprise, la DGS (Direction générale de la santé) a demandé à Santé Publique France de réaliser une enquête sur la situation épidémiologique dans ce territoire.L’enquête réalisée en août 2021 montre que la Guyane reste particulièrement exposée à des risques infectieux pouvant affecter la sécurité transfusionnelle, notamment au VIH, au HTLV, à la dengue et au virus de l’hépatite B. Pour ce seul dernier virus, on peut craindre une perte de 5 % des poches de sang, ce qui n’est pas anecdotique. De plus, conformément aux critères de sélection de donneurs de sang, les donneurs ayant séjourné en Amérique latine, ou de retour de zone endémique de la maladie de Chagas, pourraient également faire l’objet de contre-indication pour des raisons de santé publique. Par ailleurs, la Guyane est particulièrement touchée par l’apparition d’arbovirose en raison de la présence de vecteur d’un climat tropical et d’une proximité géographique avec des zones endémiques. La Guyane comptait 294 146 habitants au 1er janvier. Sur ces chiffres, et compte tenu de la structuration de la population par tranches d’âges, il pourrait être attendue d’une collecte de 7 000 par an, sans préjuger de la perte de dons liés à la présence d’agents infectieux. Ce n’est donc pas négligeable loin sans faut, mais nous privilégions la sécurité sanitaire pour l’instant. En conclusion, ce territoire reste particulièrement vulnérable aux risques infectieux pouvant affecter cette sécurité transfusionnelle. Il est également menacé par les épidémies d’arbovirus, qui nécessiteraient la mise en oeuvre d’une adaptation agile de mesures de prévention comme le dépistage viral, voir l’arrêt de la collecte. Aux vues de ces éléments, la reprise de la collecte en Guyane apparaît risquée et n’est pas à l’ordre du jour. »
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