Notre CDJ est 200, 200 Reais soit environ une trentaine d’euros.
C’est cette somme qui peut paraître dérisoire, au premier abord, qui a valu à Moïse Kabagambe de subir la colère démesurée de 5 personnes qui l’ont battu à mort le 24 janvier sur une plage de Rio de Janeiro. Selon sa famille, il était venu réclamer un arriéré de salaire de 200 Reais au gérant du bar dans lequel il travaillait . Le jeune homme 24 ans a reçu 30 coups de bâtons en un quart d’heure, tandis que les clients, juste à côté, se rafraîchissaient de noix de coco
La mort de Moïse Kabagambe a provoqué une vague d’indignation sur les réseaux sociaux. De nombreux artistes et sportifs ont réclamé justice pour le jeune homme, parmi lesquels le footballeur Gabriel Barbosa ou le chanteur Caetano Veloso.
Sur le plan judiciaire, trois personnes impliquées dans le passage à tabac fatal ont été arrêtées, selon la police brésilienne, mais c’est surtout un tout autre débat que cette affaire a réveillé au Brésil : celui du racisme.
Dans un pays peuplé par un peu plus de 200 millions de personnes, le racisme lié notamment aux vagues migratoires devient problématiques.
Déjà en 2020, la mort d’un homme noir roué de coups en novembre 2020 par des vigiles blancs d’un supermarché à Porto Alegre avait déjà mis le feu aux poudres dans le pays. A l’époque, l’Organisation des Nations Unies avait demandé une enquête indépendante et dénoncé un racisme structurel au Brésil.
Pour caractériser le racisme au Brésil, où plus de la moitié de la population est noire, les sociologues ont recours aux indicateurs sociaux, qui sont tous largement défavorables aux Noirs. Ils s’appuient également sur les statistiques de la violence qui, chaque année, montrent que les Noirs représentent près des trois quarts des victimes fatales de la police.
Sur les 34 918 morts violentes de jeunes signalées à la fin de 2021, 80% étaient des jeunes noirs.
Pour José de Souza Martins, qui est sociologue et auteur d’ouvrages sur le sujet, le meutre de Moïse Kabagambe n’est pas seulement lié au racisme
Il aurait été victime de trois préjugés : sa couleur de peau, son statut d’étranger et sa revendication salariale. Ces trois assassins ont estimé qu’un Noir, étranger de surcroît, n’a pas à exiger un salaire. C’est un héritage de l’esclavagisme que le Brésil n’a jamais affronté .
Pour Douglas Alencar, le coordinateur à Rio de Janeiro de l’Ipad, un institut militant pour la défense de la démocratie, Le Brésil n’accorde de la valeur qu’aux étrangers aux yeux clairs et qui parlent anglais. Si c’est un noir qui est venu d’Afrique pour essayer de grandir ici, il n’a aucune valeur.
Fuyant avec ses deux frères les violences en Ituri, dans l’est de la République démocratique du Congo, Moïse Kabagambe avait été accueilli à son arrivée au Brésil en 2011. Tous trois avaient obtenu le statut de réfugié.
On estime qu’entre 2010 et 2018, 70 000 Africains, principalement issus de l’ouest du continent, ont rejoint le Brésil. Le ministère de la Justice brésilien estime que les réfugiés congolais sont au nombre de 1 798.
Et malheureusement le boom migratoire de ces dernières années, les crises sociales renforcées par la crise sanitaire actuelle et un marché du travail de plus en plus étriqué, ne font que renforcer un racisme qui est fortement ancré au Brésil.
K.H