Dans le retro. Plus en forme que jamais. Line Létard n’a pas sa langue dans sa poche. La patronne de Walwari prépare les prochains scrutins électoraux pour l’un des partis historiques de la Guyane. Line Létard revient aussi sur le traumatisme des dernières élections à la CTG et demande à Gabriel Serville d’arrêter de s’en prendre à elle. Par ailleurs, elle formule des propositions concrètes sur plusieurs dossiers comme l’énergie, l’orpaillage et le foncier. Entretien sans concession. Interview intégrale (hebdo du jeudi 25 novembre au mercredi 1er décembre).
Line Létard se veut détendue en cette fin d’année et annonce une primaire pour ouvrir les portes à celles et ceux qui souhaitent « s’engager et défendre des valeurs » (crédit photo : Rudy Cochet Mo News )
Est-ce que Walwari sera présent pour les législatives ?
Bien-sûr. Walwari s’est positionné à toutes les élections. Nous étions en réunion il y a dix jours. La question de notre présence aux législatives s’est posée compte tenu de ce qui s’est passé en juin et qui a été extrêmement traumatisant pour le parti. Walwari ira. La seule question qui se pose, c’est de savoir si nous irons sur une ou sur les deux circonscriptions. Très bientôt, je vais demander à ceux qui veulent se positionner de porter leur candidature, comme tout parti qui se respecte. Ce n’est pas parce que je suis secrétaire générale et que je suis la plus visible, que ce sera automatiquement moi. Moi, les élections je les ai déjà faites. Je connais. Ce n’est pas comme si j’allais ruer dans les brancards pour que ce soit forcément moi. Il y a des gens à Walwari qui sont tout à fait capable de représenter le parti. Et puis ces élections sont très ouvertes. Le poste est laissé vacant sur la première. Il y a des appétits qui s’aiguisent et je trouve ça très sain. Vous ne m’entendrez jamais rouspéter contre une candidature, aussi peu probable et pertinente puisse t’elle paraître aux yeux des observateurs. Je pense qu’il faut se frotter au suffrage universel. Généralement, ça rend beaucoup plus humble.
Ça sera une primaire ouverte ?
Je vais soumettre ça aux membres du parti. Mais je pense que les personnes qui ne sont pas encartées, sont bien souvent, des personnes qui n’ont pas d’idéologie politique. Ce sont des gens qui ont des tendances, qui représentent quelque chose dans la société civile… Je ne soutiens pas ce genre de personne. Ce n’est pas parce qu’untel est chroniqueur radio ou représente je ne sais quoi, que je vais soutenir comme ça. Je ne sais pas ce qu’il vaut sur le plan idéologique. Généralement, ce sont des personnes qui ont tendance à louvoyer. Je pense que c’est une des raisons de la désaffection de la parole politique. Rodolphe Alexandre était un gars artisan de ça, a été de dire « tout le monde est Guyanais. On aime tous la Guyane » … Moi je veux bien ce cri d’amour pour la Guyane mais l’idée est de savoir ce qu’on entend par « j’aime la Guyane » . Etre de droite ou de gauche en Guyane ça veut dire quelque chose. Etre de droite, ça veut dire qu’on est plus lié à la métropole. Etre de gauche, c’est qu’on est plus sur l’autonomie voire une certaine forme d’indépendance. Mais dire juste « j’aime la Guyane » , je trouve ça un peu léger. Donc pour moi, c’est une fin de non-recevoir. Et à Walwari, on en a un tout petit plus qu’assez de soutenir des gens qui ne renvoient pas l’ascenseur. Et là, je reviens sur les élections de juin. Çe fut un moment très difficile pour Walwari. Quel que soit ce que l’on peut penser du deuxième tour, Walwari aurait dû être présent et siéger à la CTG. Nous avons porté notre tribu en termes d’investissement, financier et de soutien, au 1er tour. Et puis, nous étions sur la même longueur d’onde de Gabriel Serville qui était de penser que Rodolphe Alexandre avait fait son temps et qu’il était dans une espèce de posture de momie, et que la Guyane avait besoin de changement.
« J’en ai marre des logorrhées interminables de caliméro de Gabriel Serville »
Que s’est-il passé de si traumatisant ?
Qu’on ne choisisse pas Line Létard parce qu’on est dans l’affect… parce que Gabriel Serville ne m’aime pas… qu’il me trouve trop agressive… C’est ce qu’il dit ! Mais moi les logorrhées interminables de Caliméro de Gabriel Serville me fatiguent. Ça aurait montré sa grandeur si tout en m’écartant, il avait gardé des membres de Walwari… là, il a viré tout Walwari. Nous étions une dizaine de Walwari sur la liste. Là il a éjecté tout le monde. J’ai été choqué par cette absence de bon sens. Au-delà de ma personne, c’est le parti qui aurait dû être représenté. Je l’ai pris très mal, mais ça donne une indication sur la personne qu’est Gabriel Serville et sa capacité à mettre de côté des gens qui l’ont aidé. Gabriel Serville à la mémoire sélective, mais les gens qui se rappellent le savent. En 2010, Gabriel Serville était dehors de la région. C’est Christiane Taubira qui a récupéré Gabriel Serville alors au PSG pour lui permettre de siéger entre 2010 et 2015 à la région. Ça a permis au PSG de siéger aussi. En 2012, lorsque Christiane Taubira devient ministre de la justice, Walwari décide de ne pas envoyer de candidat aux législatives pour laisser le champ libre à Gabriel Serville. Ça été une erreur stratégique. Walwari aurait dû envoyer un candidat puisque le poste était détenu par quelqu’un du parti depuis près de 20 ans. En 2014, nous avions fait alliance avec le PSG à Matoury, et là aussi, on connaît la suite. Les choses se sont très très mal terminées. Donc Gabriel Serville en a après moi. Il en fait une affaire personnelle et c’est bien dommage.
« Je n’accepte pas qu’on me fasse passer pour l’instigatrice »…
Vous avez parfois été un peu agressive à son égard parfois ?
Je veux bien tout entendre. J’ai mal personnalité. Je suis quelqu’un de vif. Certains diront que je suis agressive. On aime ou on n’aime pas. Mais je suis quelqu’un de vrai. Ça ne m’apporte pas toujours que des copains mais ce n’est pas grave. J’assume ce que je suis et je ne demande à personne de vivre avec ce que je suis. Gabriel Serville oublie l’essentiel. C’est qu’au départ, il avait les 6 partis de Guyane qui ne voulaient pas de lui. Il devrait se poser la question pourquoi, plutôt que de focaliser sur moi. Je n’accepterai pas pour qu’on me fasse passer pour l’instigatrice. C’est me donner beaucoup trop d’importance. Quand je suis arrivé aux réunions, c’était assez tard. J’ai été appelé par les uns et les autres qui ne voulaient pas de Gabriel Serville. Interloquée, je leur ai demandé ce qu’ils faisaient là autour de Gabriel s’ils ne voulaient pas de lui. Ils m’ont répondu que la tête de liste n’était pas encore désignée et qu’ils allaient désigner une autre tête de liste en la personne de Jean-Paul Fereira. Je leur ai dit « non mais vous ne jouez pas franc jeu-là » et que « ça allait finir par pêter » . Jean-Paul Fereira, qui est un gars que j’aimais bien, je ne savais pas ce qu’il voulait. Je leur ai demandé s’ils avaient demandé son accord d’abord à Fereira. Michel Dubouillé m’a dit qu’il l’avait déjà contacté mais qu’il se tâtait. Je leur ai redis qu’ils ne jouaient pas franc jeu avec Serville, ce à quoi Michel m’a répondu « ah ouais mais c’est un gars qui a jamais joué franc jeu avec nous » . Je leur ai dit « les gars ça pue ! »
Moi ce que je propose à ce moment-là, c’est qu’on voit Serville et Marie-Laure et qu’on lui dise tous ensemble on choisit Fereira vient avec nous. C’était ça mon idée à ce moment-là. Jean-Etienne Antoinette a alors appelé Gabriel et lui a dit qu’on voulait le voir. On a eu rendez-vous à sa permanence parlementaire. Là, il a été étonné lorsqu’on lui a dit que nous voulons Jean-Paul Fereira comme tête de liste. Jean-Paul était là. Et là, Gabriel s’énerve. Il nous dit qu’on lui manquait de respect, qu’on venait chez lui lui dire qu’on ne voulait pas de lui. Alors là, j’ai pris la parole et j’ai expliqué : « peut-être que ce n’est pas correct et qu’on manque de tact, mais au moins apprécie l’honnêteté, plutôt que de continuer des réunions avec des partis qui ne veulent pas de toi » . Je lui ai également dit « Walwari ne te choisira pas parce que Walwari a un passif avec toi et que ce passif ne passe pas. Tu n’as jamais su renvoyer l’ascenseur. » Et là, il s’est encore plus énervé et nous a demandé de partir. Littéralement, il nous a dégagé. Il nous a foutu à la porte de sa permanence parlementaire. Puis à Montjoyeux les Vagues, il est venu avec sa troupe de chiens hurleurs et il a haussé le ton. Alors moi aussi j’ai haussé le ton, et je lui ai dit « autant j’étais un peu perplexe au départ sur la manière, autant maintenant je suis convaincu que je ne voulais pas de lui » . Alors qu’au départ, je n’étais pas la plus hostile loin de là. Il y en a d’autres, qui pourtant ont été très bien servi à l’arrivée et sont à ses côtés à l’assemblée, étaient pourtant bien plus virulents à son encontre.
« Que Gabriel ne pense pas qu’il va faire à la CTG ce qu’il a fait à Matoury »
Pas de regret sur le positionnement du second tour ?
Là, Gabriel Serville continue. C’est presque personnel son histoire. Il va falloir qu’il se calme parce que moi la chronologie je la connais très bien. A l’arrivée, ce qu’il a fait en mettant Walwari de côté, ça prouve que c’est lui qui manque de hauteur. Au second tour, j’ai dit puisque nous sommes exclus, c’est pourquoi je n’ai pas pris position. J’estime que je suis une femme battue, et je ne vais pas en plus prendre la défense de mon bourreau. A ce moment-là, après avoir pris l’avis du bureau et des militants de Walwari, avant de me positionner. Il faut donc que Gabriel Serville arrête la focale sur Line Létard et qu’il n’oublie pas qu’aucun des autres partis n’était avec lui. Et sans l’alliance de ces partis, il n’aurait pas gagné. Il y a encore une certaine ingratitude et mauvaise fois chez lui. Je vois bien qu’il y a des soubresauts actuellement à la CTG et les uns et les autres commencent à se rendre compte que ce qui s’est passé à Matoury et de ce qui pourrait mal se passer à la CTG. Comme j’aime à le dire avec beaucoup d’humour, il faudra qu’ils apprennent. En revanche, que Gabriel ne pense pas qu’il va faire à la CTG ce qu’il a fait à Matoury. Matoury c’est une commune. La CTG c’est la Guyane. Il faut qu’il fasse attention aux sensibilités des uns et des autres. Le pouvoir ne s’accapare pas. Il se partage. Il faut savoir faire confiance à ceux qui nous entourent.
Les ressources naturelles, l’énergie et les prix du carburants sont des sujets majeurs pour la leader de Walwari (crédit photo : Rudy Cochet Mo News )
« Nous en sommes encore à des élus qui vont réclamer à papa Macron »
Vous vous êtes positionnés sur Auplata…
Au risque de me faire des adversaires, je ne vais pas pleurer pour Auplata. J’ai un profond respect pour nos orpailleurs légaux mais la question de l’orpaillage est une question beaucoup plus large, de maîtrise de nos sous-sols par la CTG. Nous avons fait à Walwari plusieurs propositions, dont une fondamentale pour mettre en place des sociétés d’économie mixtes. Cette SEM viendrait gérer ces affaires. On ne va pas me faire pleurer tout simplement parce qu’il y a des emplois qui sont impactés. Là, on a un téléscope à plus de 12 milliards d’euros qui va être propulsé le 18 décembre. La première question ce sont quelles retombées pour la Guyane ! ce à quoi on me répond c’est 15 % du PIB… D’accord. La Guyane regorge d’or. Il faut mettre Auplata dans la SEM. Je m’émeus plus des tonnes d’or qui sortent chaque année illégalement de la Guyane. Il faut savoir prendre en main nos ressources minières. C’est un sujet qui concerne les parlementaires et le président de la CTG. C’est une question fondamentale au niveau de la Collectivité. Serville il a été au ministère de l’agriculture et a obtenu 2,7 millions d’euros. Youpi ! mais faut arrêter de rire. Le lycée Elie Castor à Kourou c’était 42 millions d’euros. Là, il a fait un voyage pour obtenir même pas trois millions. Montagne d’Or a demandé plus de 4 milliards d’euros pour un site minier et nous en sommes encore à des élus qui vont réclamer à papa Macron 2,7 millions d’euros alors qu’on dort sur des milliards. Quand nous avons des élus qui vont en France pour réclamer des arrêtes plutôt que d’obtenir le poisson. Il faut arrêter de quémander des cacahuètes alors qu’on est assis sur un gisement !
Le prochain combat c’est celui du foncier alors ?
La Safer c’est un outil du ministère de l’agriculture. Quand j’étais candidate en 2017, j’avais rappelé que le foncier de la Guyane appartient, par un édit royal, à l’Etat. C’est un édit qui dit ça depuis trois siècles. Il faut savoir ce que la Safer va faire pour que chaque guyanais est facilement un morceau de terre. C’est bien la Safer mais c’est un outil encore entre les mains de l’Etat alors que l’Etat devrait rendre à la Guyane ces terres. Il faut avoir des élus solides pour ça. Il ne s’agit pas d’être un technicien mais d’avoir une volonté affirmée et ne pas trembler.
Line Létard soutiendra Christiane Taubira avec Walwari (crédit photo : Rudy Cochet Mo News)