Jeudi dernier, la cour d’appel de Cayenne a confirmé et alourdi les condamnations des 4 militants poursuivis pour le début d’incendie sur la façade de la préfecture, qui avait eu lieu en marge d’une manifestation du Mayouri Santé en juillet 2020. Le collectif s’était rassemblée le 20 juillet 2020 devant la préfecture de Guyane pour réclamer plus de moyens à l’Etat dans le cadre de la crise sanitaire. Stéphane Palmot, Richard Cimonard, Marchener Alexander et Gilles Beaudi ont été reconnu coupables et condamnés, en appel pour « dégradation ou détérioration du bien d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes ». Gilles Beaudi a vu sa peine alourdie et passer de 12 à 18 mois ferme. Jusqu’à présent, Gilles Beaudi avait été reconnu coupable de « complicité », mais désormais, avec ce jugement en appel, le syndicaliste est lui aussi condamné pour « dégradation ou détérioration du bien d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes ». La cour d’appel a également rajouté, à l’encontre des 4 condamnés, des mesures supplémentaires qui sont celles d’exercer une fonction publique pour une durée de 5 ans, l’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique à Cayenne et Matoury pendant 3 ans ainsi que l’interdiction de détenir ou de porter une arme pour une durée de cinq ans.
Gabriel Serville demande des « aménagements de peine »
Le président de la CTG, Gabriel Serville, a réagit par voie de communiqué jeudi soir à ces peines prononcées. Pour le président de la Collectivité, cette décision de justice « pourrait créer les conditions d’une profonde déstabilisation sociale ». Et Gabriel Serville de rajouter dans ce communiqué « Je ne doute pas que les mesures d’aménagement de peine, comme par exemple le bracelet électronique, seront promptement mises en place dans ces dossiers comme elles ont pu l’être dans d’autres cas de diverse gravité. » Des propos, qui si ils ont moins choqué que lors du premier jugement, lorsque Gabriel Serville avait écrit au Premier ministre et où les présidents de juridiction avaient rédigé un communiqué pour s’émouvoir de cette démarche, ont tout de même pu prêter à interprétation. En ce début de semaine, le conseiller spécial de Gabriel Serville en charge, notamment, des questions juridiques, Olivier Taoumi, réagit auprès de Mo News et précise la situation. Tout d’abord, pour Olivier Taoumi, « Gabriel Serville a fait un communiqué d’apaisement qui s’adresse à l’ensemble de la population guyanaise ». Ensuite, le proche du président rappelle surtout le cadre de la loi, qui a évolué, et entraîné des modifications sur les délais pour demander, et obtenir une libération anticipée.
INTERVIEW
Les 4 militants condamnés sont toujours en prison. Peuvent-ils bénéficier d’un aménagement de peine qui permettrait d’envisager leur libération ?
Dans sa décision du 25 novembre, la cour d’appel de Cayenne, a condamné les 4 prévenus a des peines fermes de 18 mois, et elle a écrit que compte tenu du quantum des peines, elles ne sont pas aménageables. C’est écrit noir sur blanc dans l’arrêt. Cela signifie, que dès lors que la peine est supérieure à 12 mois, ils ne peuvent pas demander à sortir immédiatement avec une mesure, par exemple de bracelet électronique. Ce n’est pas possible. La loi ne le permet plus. Ça c’était possible avant la loi du 24 mars 2020. Aujourd’hui, ce n’est plus possible.
Par contre, à partir du moment où ils auront purgé la moitié de leur peine, ils peuvent immédiatement demander à sortir et c’est ce qu’a voulu dire le président de la CTG een disant « dès lors que légalement ils pourront le faire, je demande à ce que les demandes de remises en liberté soient promptement prises et applicables ». Pour cela, il faut que leurs avocats les accompagnent de manière intelligente. Il faut également qu’ils aient un comportement correct pendant la détention. Il faut qu’ils se rapprochent du service d’insertion en s’inscrivant aux formations, pour pouvoir montrer que cette peine de prison leur a servi et qu’ils sont prêts à revenir dans la vie de la société sans difficulté pour la société.
Donc quand le président de la CTG dit « je demande à ce qu’ils puissent sortir promptement avec bracelet électronique », il dit par-là que dès que le seuil légal de la moitié de la peine aura été purgé, il faudra que ces personnes-là puissent sortir. Or le seuil légal est de 9 mois pusqu’ils ont été condamnés à 18 mois. Ils ont déjà fait un mois et demi de prison, donc il leur resterait 7 mois et demi encore à purger.
Quels sont les autres éléments qui posent problème ?
Pour pouvoir bénéficier d’une sortie rapide, il faut faire preuve de volonté de vouloir revenir dans la société, de se réinsérer, de dire « j’ai fait une erreur, vous m’avez condamné… », indépendamment du fait qu’ils sont encore qu’ils n’ont pas épuisé toutes les voies de recours et qu’ils ne sont donc pas définitivement condamnés. Il y a encore un recours à la cour de cassation qui peut les relaxer ou réduire la peine. Elle peut annuler l’arrêt et les renvoyer vers la cour d’appel. Mais les délais en cour d’appel sont très longs et ils seront déjà sortis d’ici là. Donc, et leurs avocats le savent très bien, iI faut véritablement faire preuve de comportement modèle pendant l’incarcération. Il faut qu’ils se servent de ce temps pour s’insérer, se former, s’inscrire à toutes les formations possibles et imaginables, demander à participer à un tas d’actions positives en prison, ce qui permettra au service d’accompagnement, de faire un rapport positif au juge des libertés et de la détention (JLD), lorsque celui-ci sera saisi, dans un délai de 7 mois et demi, et il pourra se prononcer favorablement.
Quelles sont les choses qui ont changé depuis la loi de mars 2020 ?
Avant 2020, on pouvait pendant l’audience ou juste après, saisir immédiatement la juridiction ou le JLD et demander un aménagement de la peine. Parmi les critères, c’est d’avoir des garanties de représentation, de ne pas être dangereux pour la société ou pour soi-même, qui n’a pas de risque d’avoir un problème ou liaison avec un ou des complices… Depuis la loi du 24 mars 2020, si la peine est supérieure à un an, elle n’est plus aménageable, en tout cas on ne peut plus demander immédiatement à sortir. Il faut attendre d’avoir purgé la moitié de sa peine pour pouvoir demander au JLD, après avoir démontré qu’on est un détenu modèle, qu’on peut sortir et bénéficier d’une mesure de libération conditionnelle anticipée.