Un homme poursuivi entre autre, pour homicide involontaire et empoisonnement à Kourou. Le 20 janvier, une jeune femme de 21 ans était admise au centre hospitalier de Kourou. Elle souffrait de vomissements et de détresse respiratoire. Elle est morte le lendemain sans que la cause du décès n’ait pu être déterminée. Son fils, qui présentait les mêmes symptômes, avait été hospitalisé au CHU de Fort de France pendant 10 jours.
La compagnie de gendarmerie de Kourou et le détachement de Guyane de l’office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) avaient été co-saisis de l’enquête ouverte par le parquet de Cayenne en « recherches de causes de la mort et des blessures ».
Rapidement, les enquêteurs ont découvert que le domicile des victimes était en contigu à un local destiné à entreposer du riz. Or, il s’avère que l’exploitant de cet entrepôt utilisait de l’aminium de phosphine comme insecticide, et ce afin de préserver ses stocks. Le produit se serait propagé jusqu’à la maison contiguë et aurait contaminé la mère et le fils a révélé l’enquête.
Interrogés sur son utilisation, le centre anti-poison de Paris et la brigade nationale des enquêtes vétérinaires et phytosanitaires (BNEVP) de Rungis ont confirmé « la très haute toxicité de ce produit » . Ils ont précisé que celui-ci pouvait avoir des « conséquences mortelles en cas de non-respect des conditions d’emploi ».
Sur réquisitions, un laboratoire a procédé à l’analyse des prélèvements réalisés sur la défunte. Il a conclu à la « compatibilité d’une intoxication aiguë par la phosphine » . Aucune autre cause de décès n’est identifiée à l’heure actuelle. « Ce serait ainsi la première fois en France que le lien entre un décès et l’utilisation de l’aminium de phosphine serait établi » précise ce jeudi le procureur de la République de Cayenne Samuel Finielz.
Le parquet a requis l’ouverture d’une information judiciaire le 10 mars dernier des chefs :
– d’homicide involontaire (délit, 3 ans d’emprisonnement, 45 000 euros d’amende) et de blessures involontaires ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à trois mois
– utilisation de produits phytopharmaceutiques sans respect des conditions d’utilisation déterminées par l’autorité administrative (délit, 6 mois d’emprisonnement, 150 000 euros d’amende)
– détention de produit phytopharmaceutique ne bénéficiant pas d’une autorisation ou d’un permis de commerce parallèle (délit, 6 mois d’emprisonnement, 150 000 euros d’amende)
– utilisation non appropriée de produits phytopharmaceutiques (délit, 6 mois d’emprisonnement, 150 000 euros d’amende)
L’exploitant a été mis en examen le 22 septembre de ces chefs. Il a reconnu devant les enquêteurs l’utilisation non conforme à la réglementation de la phosphine et a été placé sous contrôle judiciaire avec notamment interdiction de se livrer à toute activité professionnelle en lien avec la vente ou le stockage de denrées alimentaires.
Sans préjudice des suites qui seront données à cette procédure, le parquet de Cayenne tient à « mettre en garde l’ensemble des utilisateurs du produit de l’extrême vigilance dont il faut faire preuve et du strict respect des conditions réglementaires d’utilisation » rajoute Samuel Finielz.
La phosphine est une substance chimique utilisée comme antiparasitaire qui suppose le recours à la technique de fumigation. Ce produit est fréquemment utilisé outre-mer pour le traitement des céréales et fait parfois l’objet d’importations illégales. Selon les recommandations faites par l’institut national de recherche et de sécurité (INRS), la phosphine est un gaz extrêmement inflammable, provoquant de graves brûlures de la peau et lésions des yeux. En cas d’inhalation, le produit est mortel.
Son utilisation suppose un strict respect de la réglementation. Ainsi, il est nécessaire d’être formé et de recevoir un agrément de l’État pour pouvoir l’utiliser. De même, toutes les actions de fumigation doivent faire l’objet d’une déclaration préalable. Le non-respect de ce cadre réglementaire peut constituer des infractions pénales telles que celles visées au réquisitoire introductif du 10 mars 2021.