La cheffe du village Cécilia et son frère avaient bien reçu la première dose du vaccin Pfizer contre le Covid19 en juillet. Mais ils sont tombés malades avant d’avoir atteint leur schéma vaccinal complet et d’avoir reçu la deuxième dose, synonyme de bien meilleure protection contre le virus.
Âgés de 55 et 61 ans
L’annonce faite samedi soir par la préfecture de Guyane de la mort le même jour de la cheffe du village Cécilia Rosita Sabayo, 55 ans et de son frère Antoine Théodore Yubitana, 61 ans, chef adjoint du village, tous deux « emportés par le Covid19 » a provoqué de très nombreuses réactions d’émotion et une pluie d’hommages. Rosita Sabayo était la cheffe du village depuis plus de 30 ans. C’était une femme appréciée et respectée de tous. Son grand-frère Antoine Théodore Yubitana avait en son temps également été chef du village avant de lui céder sa place. Il était père de 7 enfants.
Emportés avant d’avoir reçu la 2de dose
Mais en même temps que l’annonce des deux décès a été faite par la préfecture, et au delà des innombrables hommages rendus, quelques commentaires ont laissé entendre sur les réseaux sociaux que la cheffe du village et son frère avaient été vaccinés, certains affirmant « une fois », d’autres « qu’ils avaient le schéma vaccinal complet », d’autres encore que « seul le frère était vacciné » … Selon nos informations Mo News, Rosita Sabayo et son frère ont tous les deux reçus leur première dose de vaccin et étaient dans l’attente de leur seconde dose. Des proches et sources hospitalières nous ont confirmé ces éléments. Interrogé à ce sujet hier après-midi à l’issue de la réunion organisée à l’hôpital sur les admissions Covid aux urgences, la directrice générale de l’ARS (Agence régionale de la santé) Clara de Bort a affirmé « ne pas avoir ces informations » mettant en exergue « le secret médical ». Et la directrice de l’ARS de demander « d’arrêter de diffuser de fausses informations » s’étonnant que « des internautes aient eu accès à une information que moi-même je n’ai pas ».
La famille et les proches se sont pourtant exprimés sur le sujet à l’instar de l’élu de Matoury, Jean-Philippe Chambrier, cousin direct de Rosita Sabayo et de son frère Antoine auprès de Mo News « ils avaient tous les deux eu leur première dose ». Jean-Philippe Cambrier de préciser que « c’était une démarche personnelle favorable au vaccin qu’elle avait engagé mais que la cheffe avait laissé le libre-arbitre aux villageois ».
Présentant des « comorbidités »
Rosita Sabayo a été rapidement emportée par la maladie alors que son frère était hospitalisé en réanimation depuis plusieurs semaines. Rosita Sabayo est entrée directement en réanimation jeudi dernier avant de mourir deux jours plus tard. Triste hasard du calendrier, son petit frère Antoine Théodore Yubitana est mort le même jour, mais était lui hospitalisé en circuit conventionnel depuis le 26 juillet et en réanimation depuis le 3 août. Il cumulait par ailleurs des ennuis de santé depuis un moment maintenant. Rosita Sabayo pour sa part souffrait de surpoids. Des éléments qui faisaient qu’ils avaient ce que les autorités sanitaires appellent des « comorbidités ».
À la pointe lors du 1er cluster de Guyane
La cheffe du village arawak Cécilia avait été à la pointe de la lutte contre le Covid19. Rosita Sabayo avait milité pour un régime strict de confinement du village lorsque le 1er cluster de Guyane était apparu en mai 2020 au village. Le village Cécilia s’était retrouvé uniquement ravitaillé depuis l’extérieur, avec interdiction aux habitants de sortir du village.
Pour rappel, une seule dose de vaccin ne suffit pas pour assurer une protection optimale contre le Covid19. Les études publiées concernant le vaccin Pfyzer font état d’une protection d’environ évolutive, qui atteignait 95% sur la souche historique du Covid19, dépassait les 90% sur le variant gamma (ce qui expliquait que le vaccin Pfizer est le seul administré en Guyane) mais semble bien moins efficace sur le variant Delta, sur lequel les retours sont plus récents et sur lequel « les données ne sont pour l’heure pas officiellement reconnues par les collèges d’experts scientifiques » a mis en garde la directrice générale de l’ARS hier encore Clara de Bort, renouvelant son appel à « ne pas propager les fakes news ».
Pour rappel, l’article publié samedi soir sur www.monewsguyane.com :
La préfecture de Guyane annonce ce soir sur sa page Facebook le décès de la cheffe du village Cécilia à Matoury et de son frère. Rosita Sabayo et son frère Antoine ont été emportés aujourd’hui par la Covid19 écrit la préfecture, précisant qu »ils étaient impliqués dès la première heure dans la gestion de la crise. Dans le message partagé sur les réseaux, il est indiqué que « le préfet exprime ses sincères condoléances à la famille et aux proches de la cheffe du village Cécilia » et que « l’Etat, le Grand conseil coutumier et la commune de Matoury, est auprès du village et de ses habitants, pour les soutenir dans cette douloureuse épreuve ». Rosita Sabayo travaillait à la mairie de Matoury où elle était cadre administrative intermédiaire RH. Son frère Antoine, chef d’adjoint du village, était hospitalisé depuis plusieurs jours et travaillait lui aussi à la mairie de Matoury comme veilleur de nuit. Le nombre de cas augmente significativement. Plusieurs clusters ont été recensés notamment dans certains village amérindiens dont Kamuyeneh à Macouria et Cécilia au Larivot à Matoury.
Rosita Sabayo avait été particulièrement active dans la lutte contre le Covid19 dès la 1ere vague. Il y avait un cluster dans le village. Elle avait œuvré pour apporter l’aide et c’est de cette expérience qu’est née la réserve civique à Matoury.
La réaction du président de la CTG Gabriel Serville :
« C’est avec une profonde douleur que j’ai appris ce soir la disparition de Rosita Sabayo et de son frère Antoine. Gardienne de la tradition et de la culture, Rosita Sabayo était une femme guyanaise poto mitan et inspirante, de celles que l’on croise sur nos chemins et dont les actes vous imprègnent toute une vie. Nous avions travaillé ensemble à la mairie de Matoury et habitions la même commune. Je l’ai toujours connue investie, militante, attentive envers les autres en général et envers sa communauté en particulier. Rosita était une femme battante et courageuse, éprise de justice et de reconnaissance pour les savoirs et droits des populations amérindiennes du territoire.
Sa ténacité, son audace mais aussi sa sagesse, Rosita les tenait sans doute de sa grand-mère, Cécilia Sabayo, qui quelques décennies plus tôt était elle-même Cheffe Coutumière au sein du Village qui aujourd’hui porte son nom. Ce soir, l’ensemble des Élus de l’Assemblée de Guyane et moi-même adressons nos plus sincères condoléances à la famille et aux proches de Rosita et de son frère Antoine. »
L’ancien président de la CTG Rodolphe Alexandre écrit sur sa page Facebook :
« Rosita était l’une de ces personnes que l’on est fier de connaître et de côtoyer. Je garderai en mémoire son courage, sa volonté de défendre les valeurs portées par son village, et son énergie consacrée à perpétuer les traditions originelles et à les transmettre non seulement aux générations suivantes, mais aussi à toutes celles et ceux qui s’y intéressaient. Le tout toujours avec bienveillance et sincérité. Prenant part à leur douleur, j’adresse, en mon nom mais aussi au nom des mes collègues élus du groupe Unis et engagés pour notre territoire, nos condoléances les plus attristées à la famille et aux proches de Rosita et d’Antoine. »
Le communiqué du maire de Matoury Serge Smock :
« C’est avec une immense tristesse que Serge SMOCK, Maire de la ville de Matoury a appris le décès de Madame Rosita SABAYO, cheffe du village Cécilia et de son frère Antoine, chef adjoint. Rosita et son frère Antoine SABAYO exerçaient, tous deux, au sein de la Collectivité. Rosita était affectée en tant que cadre intermédiaire au service des ressources humaines voilà plus de 30 ans, tandis qu’Antoine s’assurait de la quiétude de l’hôtel de ville en tant que veilleur de nuit. De l’avis de tous, ces deux collègues ont accompli leur état de service avec une grande exemplarité. Le Maire se souvient encore de la mobilisation sans faille de la Cheffe du village, Madame SABAYO lorsqu’il a fallu faire face au premier cluster de Guyane durant la première vague de propagation du covid-19 en Guyane. Grâce à son précieux concours, la Municipalité a pu maîtriser avec efficacité la gestion de cette crise. Avec la disparition de Mme SABAYO, la ville de Matoury a perdu un solide monument et une femme d’une grande sincérité. Le Maire et son Conseil Municipal adressent leurs très sincères condoléances à la famille, aux proches ainsi qu’à l’ensemble des habitants du village Cécilia. »
Parmi les nombreuses réactions, celle de Mylène Mazia, qui fut sa collègue de travail :
« Triste nouvelle…Rosita fut ma collègue de travail à la mairie de Matoury et mes derniers contacts avec elle faisaient suite au confinement du village Cécilia l’an dernier et à l’intervention du personnel du CHC au sein du village pendant le confinement.
La communauté amérindienne perd une de ses cheffes coutumières, mais la commune de Matoury perd un pilier de la tradition, une femme potomitant.
Mes condoléances à la famille pour la perte de Rosita et de son frère.Vraiment Attristée. »