Dernière ligne droite avant le premier tour dimanche. Ce vendredi soir, Mo News, vous permet de redécouvrir, en version intégrale, les interviews des 4 têtes de liste pour la CTG, qui ont tous répondu aux questions de l’unique journal papier de Guyane.
Le président sortant Rodolphe Alexandre a officialisé sa candidature tardivement au mois de mai. Pour Mo News , il évoque son bilan, ses projets, la campagne, la pandémie… Rodolphe Alexandre évoque ces sujets, et reste offensif. Il veut construire et investir, mais a peur d’une « précarisation » et d’un « éclatement communautaire » de la Guyane dans les années à venir. Version intégrale de l’interview publiée le 17 juin 2021 dans Mo News .
Rodolphe Alexandre a multiplié les sorties médiatiques ces dix derniers jours dans la dernière ligne droite de la campagne (crédit photo : Rudy Cochet / Suprart)
Comment définiriez-vous le mandat à venir ?
C’est d’abord un mandat de l’acte 2 de la collectivité. L’acte 1 a consisté à créer une nouvelle collectivité où on a dépassé le concept d’une fusion entre un département et une région. On a créé une collectivité. Ensuite on a mis en place l’organigramme du personnel, mis en place tous les éléments qui sont conformes, le logiciel, la nomenclature, la comptabilité… On est passé ensuite sur les compétences affirmées des uns et des autres que ce soit le médico-social, le para-social, l’éducation, la formation d’un côté, et de l’autre côté, l’économique, etc… C’est tout ça qui a fait qu’on a assis une collectivité. On est parti de 90 millions de déficit et on a équilibré la collectivité. Elle a aujourd’hui un excédent et elle vient de lever un emprunt de 61 millions dont le premier tirage est de 16 millions. Là, nous passons à la phase 2. La phase 2, c’est de poursuivre tout ce qui touche en matière de structuration de la fiscalité avec l’octroi de mer, la taxe sur le carburant, les fiscalités additionnelles parce qu’aujourd’hui l’état s’apprête à faire un nouveau dispositif, qu’on appelle le potentiel fiscal où nous risquons de perdre énormément sur la fiscalité.
Le deuxième point c’est d’asseoir toutes nos compétences, de l’économique au social, au culturel, à la formation… En particulier tout ce qui touche au médico-social, à l’ASE, aux personnes âgées. Il y a des secteurs où on est encore en retard et sur lesquel on va créer des emplois. Par exemple, rien qu’au niveau des infirmières, sages-femmes et médecins, il en faut 59 pour redonner une dimension aux niveaux des services. Donc on va asseoir nos compétences.
Le 3e enjeu portera sur le débat de l’évolution statutaire. Il faut le poursuivre, il faut l’affiner, pour aller en consultation au niveau de la population. Le 4e ce sera le débat entre la transition écologique, l’écosystème, la biodiversité, le changement climatique avec les potentialités économiques, un peu plus poussées. Je pense quand même aux questions du pétrole, aux questions des mines, des choses sur lesquelles on ne peut pas aujourd’hui laisser le territoire être pollué, pillés par l’orpaillage illégal et ne pas avoir de petite industrie minière. Et ce qu’on dit pour les mines c’est pareil pour l’agriculture, pour le bois ou le tourisme.
Ensuite, il va y avoir un vrai débat sur le changement de la maquette des fonds européens. Nous avons été de bons élèves. Nous sommes passés de 400 a plus de 600 millions. Là on va opter certainement pour aller vers les 800 millions. Déjà la dernière fois on a eu 16% d’augmentation. Tous les rapports sont convergents. La CTG a été quand même un bon élève, malgré les lenteurs que l’on pourrait voir dans la ventilation des crédits mais qui sont liés à des contrôles et a pas mal de paramètres. Sur l’Europe, il y a des points qui sont fondamentaux et qui seront innovants. Nous avons réussi dans le cadre de l’acquisition du bac d’Albina à obtenir le croisement entre le FEDER et le FEDE c’était exceptionnel ! On est quasiment les premiers de l’outremer, et donc ces dispositifs notamment dans le cadre de la coopération qu’on devrait poursuivre avec nos voisins, nos amis du Suriname, du Guyana, et de l’Amapa.
Rodolphe Alexandre veut aller plus loin dans ce qu’il appelle « l’acte 2 » de la CTG (crédit photo : Rudy Cochet / Suprart)
Vous parlez d’acte 2, mais est-ce que ce n’est pas finalement l’acte 3 ? Ça fait le troisième mandat. En tous cas ça fait plus de 10 ans que vous êtes à la région ?
Mais ça n’a rien à voir ce n’est pas vrai ! Mon mandat était un mandat régional, là c’est un mandat CTG donc l’acte 3 si vous voulez mais ce sera l’acte 2 de la Collectivité. Ce sont encore de mauvaises rumeurs, des allégations. J’ai été élu à la Région Guyane et en quelques sortes c’est moi qui ai remis la clé de la Région Guyane pour passer maintenant à la CTG.
Sur ce bilan, justement de la CTG, que retenez-vous ?
Ce qui est fondamental c’est à la fois la résorption des déficits, qui étaient liés essentiellement au Conseil général. C’est indéniable. La deuxième c’est que, mars/avril 2017 nous a permis de consolider nos investissements, notamment sur les cinq lycées et les collèges. Mais le 3e point fondamental, c’est que nous avons obtenu la recentralisation du RSA. ça veut dire que nous avons remis une compétence à l’Etat qui nous coûtait quasiment 60 millions d’euros. On les a reversé pour les pompiers, pour le médico-social, pour l’enseignement. Si je peux noter un quatrième point, et dont les médias ont peu parlé, c’est que nous avons obtenu de la Cour des Comptes 80 millions à la fois pour 2021, 2022, 2023 avec lesquels nous voulons faire l’offre territoriale sur le territoire comme à l’époque de la Région où on avait mis 41 millions pour l’offre territoriale.
Vous avez évoqué les collèges et les lycées. Vous êtes très régulièrement attaqué sur ça. Vos opposants disent que pendant 10 ans il n’y a rien eu. Que répondez-vous ?
Est-ce qu’on construit un pont avant la rivière ou le contraire ? Nous on dit qu’on a augmenté le nombre de salles, le nombre de classes et surtout qu’on a travaillé avec le rectorat sur les filières, notamment les filières de l’eau, et celles de la technologie etc. Et donc en l’occurrence dans chaque bâtiment déjà établi, la première action que nous avons faite, a été de massifier. Alors, d’aucun vous dirons qu’on dépasse les 1000 élèves, mais ce n’est pas ça la question. La question c’est qu’un lycée est dans un bassin de vie. Aujourd’hui nous travaillons déjà pour construire un lycée à Sinnamary. Nous travaillons pour le lycée 5 de Saint-Laurent du Maroni et je ne désespère pas qu’un troisième lycée verra le jour à Matoury. Donc la question de dire qu’on construit un lycée pour un lycée est totalement fallacieuse.
Vous aviez évoqué justement l’aménagement du territoire avec les 80 millions d’euros (2021, 2022, 2023) quels sont les priorités d’aménagement du territoire. Ce sont les routes du fleuve et ou de Bélizon – Saül – Maripasoula ?
D’abord la priorité c’est l’inventaire que nous poursuivons sur les routes, anciennement appelées « les routes du Conseil général » pour pouvoir maintenant les réhabiliter, les restaurer ou en construire. Au moment où je vous parle, les travaux ont commencé pour la route d’Attila Cabassou et pour la Matourienne. Nous avons terminé la route de Javouhey qui était une compétence de l’ancien Conseil Général. Là aujourd’hui on a d’autres problématiques avec celle qui concerne Mana ou encore celle de Montsinery-Tonnegrande. Elles sont incontournables et mes services travaillent pour qu’on avance véritablement dessus. Au-delà nous poursuivons maintenant, la route Papaïchton-Maripasoula vers Apatou et donc nous attendons les arbitrages avec MEDETOM et d’autres ministères pour pouvoir avoir les fonds nécessaires. Là on parle d’un budget de pratiquement un milliard d’euros avec plus de 200 ouvrages d’arts etc. Mais nous irons jusqu’au bout. Nous parlons aussi maintenant d’un désenclavement Bélizon-Saül après avoir obtenu l’acquiescement de la population de Saül. Et enfin, il faut se pencher sur la route Régina-Ouanary sur à peu près 80km avec une vingtaine d’ouvrages d’arts.
Mais à défaut il est sûr que sur Ouanary la priorité sera l’endiguement de la commune qui est entrain de s’effilocher. Et surtout, peut être reprendre la piste d’atterrissage qui auparavant existait. Donc après avoir poursuivi un désenclavement sur Maripasoula-Papaïchton, après avoir réalisé le désenclavement aérien avec l’aérodrome de Camopi, celui de Maripasoula, qu’on oublie puisque maintenant on accueille l’ATR, nous proposons maintenant un autre désenclavement qui est celui du numérique parce que je rappelle que la Collectivité a signé le marché qui a été lancé avec Airbus pour qu’en 2023 il y ai une charge utile, qui décollera de Kourou et qui permettra d’avoir une couverture en internet de la Guyane.
Et cette couverture serait effective ?
Oui, en 2023. La fusée partira et lancera le satellite géostationnaire . Et vous aurez le temps de voir le déploiement qui va se produire.
Les opérateurs sont dans la boucle ?
Airbus a répondu à un cahier des charges que nous avions réalisé avec près de 27 000 pages, donc nous avons fait très fort. Et on sera certainement la seule Région de France, à avoir décidé et à avoir réalisé une couverture satellitaire à partir d’une charge utile de Kourou. C’est 150 millions d’euros. 100 millions ont déjà été actés, et donc mes services travaillent pour conclure le solde mais surtout finaliser l’appel d’offre. Parce que lorsqu’une fusée part ce n’est pas vous qui décidez à quel moment elle part, c’est l’opérateur qui décide du départ de la fusée, du montage de la fusée, et à l’appel d’offre, pour que tous ceux qui veulent y entrer par le portage géosatellitaire puissent répondre à cette demande. Et donc nous, c’est inscrit pour 2023. Le plan Macron participe à environ un tiers de cette commande publique.
On dit que l’élection va se jouera à l’Ouest. Vous êtes d’accord avec cette affirmation ?
Je n’en suis pas certain. Nous verrons bien.
Vous avez axé justement votre campagne avec les maires. Il y a 19 Maires sur 22 qui vous soutiennent. C’est ça l’avenir du territoire, une cogestion des municipalités avec la CTG ?
Alors s’il y a 19 maires sur 22 qui me soutiennent c’est parce que les maires m’ont rencontré régulièrement. Mes services ont aidé leurs services à monter des dossiers, à faire de l’ingéneering. C’est que ce n’est pas un regard de complaisance, ce n’est pas une relation dans un confort. C’est une relation honnête, de transparence et de travail. Parce que n’oubliez pas qu’à la Région, à l’époque on avait fait ce qu’on appelait l’offre territoriale. On a construit des pistes, on a construit des routes, on a mis en place des halls de sports, on a accompagné sur l’eau potable, sur l’assainissement, bref on a vu la synergie entre la CTG et les mairies. Aujourd’hui s’il y a des maires qui viennent sur ma liste, c’est parce que nous avons établi des contacts pour répondre à l’avenir, sur la question de l’évolution statutaire, mais aussi pour répondre à ceux qui était assez minorés, sur des conceptions de travail sur les fonds européens.
Je m’explique. C’est nous aujourd’hui qui travaillons pour un maquettage précis qui serait une forme d’aide d’offre territoriale mais où la Collectivité mettra une cellule d’appui qui va aider les maires à réaliser leurs équipements. Par exemple, Grand-Santi a déposé un dossier pour endiguer sa rive. Eh bien mes services travaillent avec les services du maire de Grand-Santi et la Commission des fonds européens a déjà été contacté. Et ce qui est fait à Grand-Santi est fait partout. Je prends le cas de Mana où là il va y avoir un troisième lotissement agricole (Sainte-Anne 3). Je peux aussi prendre le cas de Régina ou encore le cas de Saint-Georges où là le maire demande la route pour aller vers Maripa pour désenclaver justement Camopi. Ce sont autant d’éléments, et parmi ces éléments, il y a quand même deux nouvelles donnes qu’on va rajouter. On va rajouter un fond spécial pour les pistes forestières et on va rajouter également un fond pour les Maisons familiales et Rurales (MFR) pour pouvoir aider les jeunes qui sont en décrochage et ainsi leur permettre de pouvoir se destiner aux métiers de l’agriculture.
Vous avez connu pas mal de campagne par le passé, que ce soit en coulisses ou sur le devant de la scène. Est-ce que celle-ci est plus violente ou plus incertaine que celles que vous avez pu connaitre ?
Non la seule différence c’est la pandémie qui a permis en quelque sorte de décloisonner certaines parties de la campagne. Il y a moins de nuisance sonore le soir parce qu’à 19h on arrête donc la musique ou les discours. Il n’y a pas de meeting tractant des centaines, milliers de personnes mais par contre il y a des réunions chez l’habitant à 30 à 40 et lorsqu’on fait ces réunions, nous nous sommes arrangés pour donner des masques, donner du gel et rappeler l’information sur les gestes barrières. Il y a également la proximité sur les réseaux qui font émerger des talents aussi bien dans la plaidoirie, dans la défense que dans le réquisitoire… Et moi au contraire je trouve qu’aujourd’hui toutes les associations ou les grandes corporations, plutôt que de faire des réunions où on est assis autour d’une table au bout de 2-3 heures, on nous pose la question en fin de clip, on revoit le message et ça nous permet quelque part d’avoir une écoute, une lisibilité, un partage de l’information sur notre campagne.
Alors il y a un collectif qui déclare, qui demande que la CTG puisse déclarer l’état d’urgence climatique. Est-ce que vous y êtes favorable vous ? Il y a un état d’urgence climatique ?
Non je préfère laisser les spécialistes répondre. Pour l’instant ce n’est pas à l’ordre du jour. Nous avons notre appréhension de l’évolution climatique, mais pour l’instant ces questions-là ce n’est pas une personne qui décide c’est une assemblée autour d’experts, autour de rapports et ensuite on en débat.
Est-ce que vous avez des inquiétudes pour la Guyane dans les 10-20 ans à venir ?
La principale inquiétude que j’ai, c’est la précarité qui augmente et qui d’ailleurs réduit l’évolution du PIB et cette précarité, elle peut conduire, du fait des flux migratoires différents, elle peut conduire à une forme d’éclatement communautaire au niveau du territoire. La deuxième c’est que nous aurons des pays puissamment riches autour de nous. Je pense au Suriname et au Guyana avec les barils de pétrole et qu’en l’occurrence une loi perfide, celle de Monsieur Nicolas Hulot, a enrayé la dynamique économique de la Guyane. Parce que je pense que la Guyane a également sa vocation au niveau du pétrole.
Le contexte sanitaire peut-il avoir un impact sur le résultat. Est-ce que vous êtes favorisé, comme disent certains qui demandent le report des élections ?
Mais à quel titre je serais favorisé ? On est tous dans le même bateau. On habite le même pays, on rencontre les mêmes personnes. On pratique les mêmes routes, on fait pratiquement les mêmes réunions. Je ne vois pas à quel titre je serais plus favorisé qu’un autre.
La situation était un peu crispée avec le Préfet, il y a quelques semaines de cela. Il y a eu des courriers qui ont été échangés. Est-ce qu’il y a un problème sur le fonctionnement en Guyane de l’Etat globalement ou c’était juste l’épisode lié à la situation sanitaire et aux écoles ?
Non je répondrais différemment, je dirais chacun est dans son rôle, chacun dans son mode de gouvernance. Moi il m’appartient de protéger le personnel de la Collectivité, voire de la population indirectement c’est-à-dire les familles, les professeurs et parallèlement à cela je reconnais et je maintiens que nous sommes propriétaires de ces bâtiments. En l’occurrence la loi nous donne la facilité de fermer ou d’ouvrir. Ce que j’ai fait en mars 2020 je l’ai fait en juin 2021, avec courage, avec dignité et responsabilité, et sans aucune amertume, tout en respectant le plus haut fonctionnaire de l’Etat en Guyane. Ce que d’autres n’ont pas fait. Je n’ai pas vu la solidarité sur ce point-là. Moi je n’attends pas une faille pour faire de la politique. J’anticipe.
Vous misez tout sur le fait d’être élu au premier tour ? Est-ce que c’est la peur d’être battu au second tour en cas de fusion des listes d’opposition ?
Non pas du tout, pas du tout. Nous c’est un principe c’est un slogan qu’on a adopté depuis les premières élections à la mairie de Cayenne : « Un jour un tour ». Et donc les militants sont attachés à ce slogan. Et nous le répétons comme une donnée véhiculaire de motivation. Mais que ce soit un tour ou deux tours, nous nous voyons gagnants.
Rodolphe Alexandre mise tout sur le 1er tour avec le slogan « 1 tour 1 élection » (Crédit photo : Rudy Cochet Suprart)