Le procès aux assises (en appel) s’ouvre ce mercredi 17 avril à Cayenne. Dans la nuit du 20 au 21 décembre 2013, le cuisinier d’un snack de Kourou, Luc Quervel, est agressé et tué. Dans la foulée, deux personnes sont interpellées, puis jugées aux assises. Après de nombreuses péripéties, les accusés se retrouvent à nouveau devant la juridiction de Cayenne. Récit d’une épopée judiciaire compliquée.
Le rôle d’audience, affichait devant la salle de la cour d’assises de Cayenne, mentionne l’affaire « Quervel » comme un meurtre précédé d’une tentative de vol. Ce type d’affaire, on peut en voir souvent dans les tribunaux de France et de Navarre. Mais ce cas précis rend le dossier unique : jugé une première fois en 2017, l’avocate générale, à l’époque, a demandé l’acquittement des deux accusés.
Pour les néophytes des tribunaux, il est assez rare de voir une réquisition allait dans le sens de la défense.
Mais malgré ces réquisitions, la cour d’assises a condamné les deux suspects pour le meurtre de Luc Quervel.
Erreur judiciaire ou non ? C’est ce que nous allons tenter de comprendre cette semaine, puisque le dossier passe en appel à partir de mercredi.
Un corps retrouvé à Kourou
Le 21 décembre 2013, une personne est retrouvée sur la chaussée, inanimée, rue Justin Catayée. Malgré l’intervention des secours, la victime, Luc Quervel, décède. L’autopsie démontre qu’il a été victime de plusieurs coups, assénées par arme blanche.
Après une rapide enquête, l’individu est identifié comme un cuisinier dans un snack de la ville spatiale. Cette nuit du 21 décembre, il est allé en boîte de nuit. Son corps est retrouvé à plusieurs mètres près de l’établissement « Le Vieux Montmartre ». On sait qu’il a passé la soirée là-bas avec des collègues de travail.
Ce n’est que plusieurs mois plus tard que trois suspects sont interpellés par les gendarmes. L’un d’eux est innocenté, mais les deux autres, Carlos T. et Francisco MDS. sont soupçonnés d’être les auteurs. Les gendarmes évoquent la piste d’un vol à main armé qui a mal tourné.
Un témoignage qui ne tient pas la route ?
Le premier procès s’ouvre donc en janvier 2017.
On peut s’interroger sur les éléments présents dans le dossier. Pourquoi Carlos.T (l’un des deux accusés), a-t-il été condamné malgré l’absence d’éléments concrets ?
» Personne ne conteste le fait que ce crime soit grave. Ce qu’il faut savoir, c’est si, les deux accusés, sont vraiment coupables. Pour moi, c’est l’un des pires dossiers que j’ai à gérer. C’est la première fois qu’une avocate générale plaide l’acquittement… et qu’on ne l’obtient pas à cause d’un tour de passe-passe. Cela montre le caractère très particulier de ce dossier. Pour faire tenir l’accusation, et considérer qu’il y ait des preuves contre mon client (Carlos.T), on va inventer un témoignage. » Indique Maître Patrice Reviron, avocat de la défense.
Selon la robe noire, lors du premier procès, la justice aurait écouté le témoignage d’un homme affirmant avoir vu, le soir des faits, Carlos.T revenir près de la scène de crime avec un nouveau tee-shirt (sous-entendu pour se débarrasser de son ancien vêtement, hypothétiquement couvert de sang.)
Un témoignage étrange, selon Maître Patrice Reviron, qui argue : » On a une scène de crime potentiellement très sanglante. De venir dire que, dans cette nuit-là, on a vu Carlos.T avec un tee-shirt changé, cela signifie qu’il avait du sang sur lui et qu’il était obligé de changer de tee-shirt. Or, c’est faux. Le témoin en question a été entendu pendant l’audience, je l’ai même fait citer, il ne se rappelait rien. Dans les déclarations qui ont été lues, dans le dossier, il n’a jamais parlé de ça. Il a fallu inventer ce témoignage pour faire tenir cette condamnation « .
On l’a dit dans l’introduction de cette chronique, l’avocate générale va requérir l’acquittement pour les deux accusés. Mais le verdict va donner tort à la défense, et condamner Carlos T. et Francisco MDS. à 20 et 18 ans de réclusion criminelle.
La Cour de cassation « casse » le procès en appel
Suite à ce revirement, les avocats de la défense décident de faire appel. C’est en 2019 que le procès est organisé, mais un évènement va pousser la Cour de cassation à casser ce nouveau procès.
Pendant les débats, un témoin est cité par la défense. C’est un ami de Carlos T. qui est libre pour cette nouvelle audience. Maître Patrice Reviron lui demande à la barre :
« Pendant votre pause déjeuner, avez-vous parlé de ce dossier avec Carlos T ? »
À ce moment-là, la présidente de la Cour d’assises répond : « Il ne va pas vous dire oui. »
Pour Maître Patrice Reviron et Maître Emile Tshefu, il y a une manifestation de partialité. Malgré le refus de donner acte (graver des propos dans la procédure) suite aux propos de la présidente, la Cour de cassation, au vu des conclusions et de cet incident, va casser le procès en appel.
Un innocent condamné ?
Après ces nombreux rebondissements, le procès en appel va donc s’ouvrir du mercredi 17 avril jusqu’au vendredi 19 avril. À nouveau, Francisco MDS. et Carlos T vont être face à un jury d’assises.
Carlos T. n’a cessé de nier son implication dans ce meurtre. « On a des éléments. En réalité, dans cette procédure, on a beaucoup de pistes intensément plus importantes que celles contre mon client. Ces pistes n’ont même pas été exploitées. »
Des éléments qui seront présentés devant la Cour d’assises d’appel demain à Cayenne.
Nous avons tenté de joindre l’avocat de la partie civile dans ce dossier. Il n’a pas donné suite à nos sollicitations.
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