DANS NOTRE HEBDO’ – Reportage en immersion avec les gendarmes de Saint-Laurent du Maroni au cours d’une opération anti-délinquance.
Sous le carbet de la caserne de gendarmerie de Saint-Laurent du Maroni, le ton de la capitaine Stockdale est grave, mais posé. Ce samedi 10 septembre, elle donne les consignes à suivre au cours d’une opération anti-délinquance d’ampleur dans la capitale de l’Ouest. La compagnie de gendarmerie de Saint-Laurent du Maroni vient de récupérer une quinzaine de gendarmes, après l’arrivée d’un escadron de 72 militaires en provenance de l’hexagone. « Pour nous, c’est une bouffée d’oxygène » reconnaît-elle.
Un appel d’air, qui va permettre à la gendarmerie d’assurer la présence de 26 gendarmes dans Saint-Laurent du Maroni ce soir-là. Au pas de course, une fois les directives reçues, les militaires rentrent dans les véhicules de la brigade. Un début d’opération presque routinier, qui prend pour cadre un contexte dans lequel la population a besoin d’être rassurée. La veille, sur la piste Vampires, les occupants d’un véhicule ont été braqués au fusil à pompe par une dizaine d’hommes. Les malfaiteurs sont repartis avec la voiture, retrouvée le lendemain et restituée à son propriétaire.
Un vol à main armée par jour
« C’est malheureusement une mauvaise habitude à Saint-Laurent, au retour des grandes vacances, les vols à main armée se font plus fréquents. On en est à un vol à main armée par jour depuis le début du mois de septembre. » Après un mois d’août assez calme au cours duquel une partie de la population s’en est allée séjourner au Suriname, la fréquence des faits ne surprend pas, mais pousse la brigade locale dans ses retranchements. « On est quand même très proactifs, malgré tout. » explique la capitaine, côté passager dans la voiture banalisée. Au cours de l’opération du jour, les effectifs seront concentrés sur les zones du Lac Bleu, de la Charbonnière et du centre-ville. Des quartiers dans lesquels les gendarmes ne resteront pas plus de 45 minutes par souci d’efficacité.
Sur l’avenue Paul Castaing, le convoi, éparse, ouvert par les gendarmes « passe-partout » de la BMO (brigade motorisée), se positionne. Dizaines de mètres par dizaines de mètres, sur un périmètre large, les militaires du Peloton de surveillance et d’intervention (PSIG), de la Brigade territoriale autonome (BTA) ou encore des gendarmes mobiles s’installent pour créer une « nasse ». Entendons ici un périmètre dans lequel les automobilistes signalés ne pourront pas échapper aux contrôles routiers lorsqu’ils sont signalés (voir photo du Stick ci-contre). Il est 20 h 10, les gendarmes sont aux aguets.
Les phénomènes de regroupement des jeunes par bandes se multiplient dans la ville. Dans le secteur du village chinois, trois personnes ont été interpellées le jour-même puis placées en garde à vue pour un vol à l’arrachée. L’auteur d’une tentative de vol à main armée a pareillement été arrêté. De part et d’autre, des jeunes, capuchés, scrutent les véhicules gendarmerie avec attention. Nous sommes à quelques pas de la piste Vampires, scène d’un énième vol à main armée la nuit passée. Pour cause, les gilets pare-balles et polos bleu ciel ne passent pas inaperçus, même de nuit.
La présence des gendarmes dans les trois zones précitées est pourtant primordiale, réclamée par la clameur populaire. Principalement pour dissuader les malfaiteurs de passer à l’acte. Malheureusement, au cours de leurs patrouilles, les militaires sont souvent la cible de caillassages. À la fin du mois d’août, c’est une équipe de pompiers qui était visée par un groupe de jeunes, pour la plupart mineurs. En intervention sur un feu de détritus, une adjudante a été atteinte au dos puis hospitalisée… Pour les gendarmes, cela est quasiment quotidien.
Un danger de tous les instants, à prendre en compte pour ceux qui sillonnent la nuit dans des conditions ainsi rendues difficiles. C’est donc fenêtres baissées que le convoi avance ce samedi soir. Un paradoxe, que souligne un gendarme : « les gens sont en demande d’intervention, pour autant, dès qu’on intervient, ils peuvent se liguer contre nous pour faire signe du rejet de l’action. » De plus, les jets de pierres « fixent » les gendarmes sur place, les empêchant de se déployer ailleurs.
Mission : porter un coup d’arrêt à la progression de la délinquance
Depuis le début du mois d’août, les gendarmes ont compté « seulement » deux tirs réels par arme à feu. Pendant les braquages à main armée, le moyen, l’arme, étant surtout utilisé pour soustraire à la victime son bien matériel (argent, clés de voiture…).
Enrayer la circulation des armes est donc, logiquement, un des enjeux des opérations anti-délinquance renforcées depuis bientôt un mois. Après une trentaine de minutes passées à sillonner le quartier du Lac Bleu, les gendarmes prennent position sur le boulevard du Maroni, dans le quartier populaire de la Charbonnière. Surprise, pour un samedi soir, l’ambiance est presque anormalement calme. En file, les voitures de patrouilles se garent les unes derrière les autres. Juste en face, des marchands populaires, le fleuve Maroni, puis Albina. « C’est aussi une des problématiques, souligne un miliaire. Le fleuve est une échappatoire facile pour les personnes qui commettent des délits, crimes… Ils n’ont qu’à traverser… »
Dans la soirée, 2 individus qui faisaient l’objet de fiches de recherches ont été interpellés rue Edgard Milien. Un homme, détenteur de plusieurs couteaux, a pareillement été arrêté puis conduits à la brigade de gendarmerie. Reconduites presque tous les soirs, ces opérations visent à porter un coup d’arrêt à la délinquance, rappelle la capitaine Stockdale. Ce qui n’est pas une mince affaire. Au cours du mois de septembre, plusieurs commerces Saint-Laurentais, dont la pharmacie de l’Hôpital, ont été braqués au moyen d’armes à feu.
« Compte tenu de l’explosion démographique à Saint-Laurent et du fait que plus de 50 % de la population a moins de 18 ans, c’est la jeunesse et l’éducation qui fera basculer Saint-Laurent d’un côté ou de l’autre », conclut la capitaine.