Aurore Sagne est candidate aux élections législatives dans la 1ère circonscription, sans étiquette politique. Sa suppléante est Ketsia Claude. Son interview dans Paroles de candidats.
Quelles sont les raisons qui vous poussent à être candidate ?
Après avoir atteint le cap des 30 ans, je peux maintenant dire que j’ai passé la moitié de ma vie à m’engager puisque j’ai créé ma première association à l’âge de 15 ans. À l’époque déjà, de nombreuses personnes saluaient mon dynamisme et ma pugnacité. J’ai notamment été soutenue et poussée toujours plus loin par ma défunte tante, Line Kong, qui s’émerveillait à chaque fois que des jeunes s’activaient. Je lui dois une grande partie de mon capital confiance. Elle m’a toujours dit que je ferais de la politique.
Sauf qu’en grandissant, je n’ai pas vécu de superbes expériences dans ce domaine. En commençant par la grève à l’Université des Antilles et de la Guyane : pour avoir dénoncé les méthodes (et rien que les méthodes !) très peu démocratiques de certains grévistes, je me suis fait insulter, y compris par une figure de parti. J’étais à l’époque vice-présidente étudiante du pôle Guyane. Par la suite, je me suis installée dans le monde du travail, d’abord aux côtés de ma tante, puis en créant ma propre entreprise, en 2015.
J’ai été rattrapée par la politique fin 2019. Exaspérée par le silence et l’inaction politique face à l’immigration illégale, je poussai un coup de gueule sous forme de zapping vidéo (qui m’avait tout de même demandé 2 jours entiers de visionnages et un jour de montage). Dans la foulée, il était prévu que j’entame une grève de la faim pour réclamer un Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile, mais ma mère a réussi à m’en dissuader. Suite à cela, j’ai été invitée dans une émission débat – plutôt agitée – où j’ai pu développer mon point de vue. Les élections municipales approchant, j’ai été sollicitée pour intégrer des listes. Mon choix s’est arrêté sur la candidature portée par Magali Robo et Mikaël Mancé, à qui j’ai apporté mes compétences en communication…et quelques dizaines de milliers de vues sur les réseaux sociaux. À deux semaines du scrutin, et ce malgré une décision prise collégialement, la tête de liste a changé, et j’ai quitté précipitamment ce groupe avec la ferme résolution de ne plus jamais œuvrer au service d’égos politiques. La même année, en plein confinement, j’ai entendu parler de l’affaire Karina. Mon activité de location saisonnière étant au point mort, j’ai décidé d’apporter mon aide à la famille de la victime. J’ai ainsi mis la main sur une énorme injustice, tue par les médias : celle de l’affaire Camilla, ou « comment les puissants exercent leur justice en toute impunité ». Grâce au concours et au courage de Maître Leblanc, j’ai pu dénoncer beaucoup de faits inconnus du public.
Dès lors, je me suis persuadée que je devrais monter un média pour mettre en lumière les initiatives positives, mais aussi les injustices. Malheureusement, la totalité de mon matériel photo m’a été dérobée en juillet 2020, disques durs compris. Adieu la centaine d’heures de travail enregistrée ! Malgré tout, je suis restée active sur les réseaux sociaux et j’ai lancé, en novembre 2020, un boycott du restaurant des parents du meurtrier, qui s’étaient illicitement impliqués dans la première affaire (ce n’est pas moi qui le dis, mais une juge d’instruction).
Au sortir de la campagne des Territoriales, que j’avais contribué à animer sur les réseaux, j’ai créé une cagnotte en ligne afin de me rééquiper en matériel audio et photo. Seules deux personnes y ont contribué, malgré un fort engouement manifesté, en apparence, pour mon projet et mes différents contenus conçus bénévolement. Déçue, j’ai investi dans quelques babioles d’influenceurs et j’ai remboursé mon duo de donateurs. Le projet de média a été reporté, mais ce n’était pas plus mal, me dis-je, avec ma conciergerie qui se développait à vue d’œil.
En parallèle, je me suis engagé contre les violences sexuelles, en témoignant publiquement d’un viol que j’avais subi 3 ans plus tôt. Entre ce jour et le dépôt de plainte qui s’ensuivit, j’ai reçu une cinquantaine de messages relatant des faits similaires, vécus par d’autres. De quoi me conforter dans cette lutte sujette à l’invisibilisation sociétale, politique et médiatique. C’est dans cette optique que j’ai créé un magazine aussi innovant que déstabilisant, sur les violences faites aux femmes : Encore.
Avec plus de 8000 abonnés sur Facebook et Instagram, je ne pourrai jouer la fausse modeste : je jouis d’une certaine influence, d’une certaine écoute, que j’ai l’honneur de mettre au service de valeurs qui me semblent vitales. Contrairement à l’étiquette d’« influenceuse » que l’on souhaite m’accoler, je ne promeus pas le capitalisme, mais le goût du travail, le bon sens et la justice. Tout cela avec sincérité et originalité. J’ai rarement le temps de participer à des manifestations, mais je me définis comme une militante, à part entière et je défie quiconque de m’expliquer le contraire. Aujourd’hui, on me parle d’autonomie ; une consultation populaire est même prévue par les Accords de Guyane, mais tout comme en 2010, on ne se donne pas les moyens de poser les bases. J’ai écouté tous les candidats et aucun d’entre eux n’a évoqué la base : la population. Toutes leurs stratégies sont tournées vers l’Etat, comme si c’était lui qui allait porter ce pays. L’autonomie est avant tout un état d’esprit, qui est loin de régner à tous les étages de notre société. Et c’est précisément ce manque de clairvoyance et de courage non électoraliste que je reproche à tous ces candidats comme à l’ensemble des élus qui se sont succédés sans bilan satisfaisant. Certains diront que je suis populiste. Je pense être réaliste. Il n’y a qu’à regarder l’état de la Guyane.
Je refuse de passer encore 5, 10 ou 20 ans à déplorer les mêmes problèmes. De toutes les façons, je serai partie bien avant ! C’est une chose de vouloir se battre pour son pays. C’en est une autre d’avoir l’impression de se battre contre des citoyens qui semblent se complaire dans ce déclin interminable. Je crois profondément que c’est à la jeunesse de trouver d’autres voies, de tracer d’autres lignes. Mais c’est vrai que dans les faits, ce n’est pas évident quand on a son propre avenir personnel et professionnel à construire. Si j’avais des enfants (en bas âge, forcément), je n’aurais pas pu me présenter. Dans 5 ans, ces conditions ne seront peut-être plus réunies. Pour l’heure, mon parcours prouve ma détermination. C’est tout ce que j’ai fait, tout ce que j’ai vécu et tout ce que je suis, qui me poussent à être candidate aux élections législatives de 2022. Je veux également remercier mon incroyable remplaçante, Ketsia Claude, qui a accepté de me suivre dans cette aventure. Elle et moi, nous ne formons pas un duo de circonstance, mais de battantes ! Nous partageons les mêmes convictions et la même envie d’agir pour le bien commun. Et si j’ai choisi de mettre l’accent sur notre personnalité, c’est parce que je considère que l’électeur doit avant tout se reconnaître dans un profil engagé, plutôt que dans un programme.
2) Où siègerez-vous à l’Assemblée nationale si vous êtes élue ?
Pour faire court, je siègerai dans un groupe de gauche qui acceptera mes prises de position sur l’immigration illégale.
3) Quelle sera votre première action en cas d’élection ?
Si l’issue de cette élection m’est favorable, le premier point de mon projet que je mettrai en œuvre sera de contrer l’attractivité opportuniste du territoire, en commençant par nous aligner sur Mayotte, concernant la limitation du droit du sol. Par la suite, je poursuivrai avec des mesures fortes visant à encourager la responsabilisation de chacun.
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