Les tensions liées à l’arrivée d’une petite trentaine de migrants syriens, il y a quinze jours de cela à Cayenne, a mis en lumière une nouvelle route de l’immigration vers notre territoire. Aujourd’hui Mo News, grâce à plusieurs témoignages de migrants, de représentants d’associations, d’élus locaux, d’habitants d’Oiapoque et de divers recoupements, vous révèle la route amazonienne.
C’est une route régionale des migrations, qui passe par le sud de la Guyane… Un long trajet, de près de 3000 kilomètres, pour rallier le sud du Venezuela au centre-ville de Cayenne. Ce n’est bien évidemment pas le trajet le plus court pour arriver en Guyane mais c’est celui qui franchit le moins de pays et qui permet d’avoir les filières d’immigration les plus structurées et les plus compétitives. Car il n’en coûte que 3 000 euros pour 6 personnes, pour rallier Santa Elena, située à la frontière sud du Venezuela avec le Brésil jusqu’à l’entrée du fleuve Mahury après le pont de Roura. Les coûts flambent en revanche en Guyane où le trajet en taxi clandestin des berges du Mahury au centre-ville de Cayenne, revient à 50 euros par personne. Ce business de l’immigration illégale enrichit de nombreux passeurs intermédiaires qui assurent toute la logistique et déjouent frontières et forces de l’ordre.
Plus long mais moins risqué par le sud…
Et pourtant, la logique voudrait que les migrants, en provenance du Venezuela, suivent le littoral atlantique, le long des côtes du plateau des Guyanes ou bien les routes qui longent ce même littoral. Ils partiraient de Ciudad Guyana à Cayenne en passant par Georgetown, Paramaribo et Saint-Laurent du Maroni sauf que ces derniers temps, c’est une autre voie qui est privilégiée : celle de l’Amazonie.
Les migrants prennent la BR56 dans l’Etat du Romaina, passant par Boa Vista, ville connue grâce à son club de foot mythique pour rallier Manaus. Il s’agit de 976 kilomètres d’une route goudronnée qui reste dangereuse en raison de la présence de trafiques par les cartels de la drogue. A Manaus, les migrants quittent le bitume pour embarquer sur le plus grand fleuve du monde. Le trajet sur l’Amazone se poursuit jusqu’à Macapá. Ensuite, ils prennent la route classique que la quasi-totalité des Brésiliens de Guyane connait pour arriver jusqu’à Oiapoque. Là, ils quittent ce parcours pour embarquer sur des bateaux depuis le quartier des orpailleurs pour prendre la mer. Ce sont ces embarcations qui longent, souvent de nuit, la côte guyanaise passant par Ouanary, Régina pour atteindre Roura ou Matoury. Parfois, elles débarquent les clandestins sur l’Approuague, parfois elles peuvent aller plus loin et remonter jusqu’au fleuve Sinnamary mais bien souvent elles trouvent refuge sur l’une des nombreuses berges, à l’abri des regards, sur le Mahury. Après trois jours d’un trajet éreintant, les migrants n’ont plus qu’une petite trentaine de kilomètres à franchir avant d’être déposés dans le centre-ville de Cayenne. Ils le sont parfois directement devant la plateforme d’accueil des demandeurs d’asile située rue Madame Payé.
Une route plus longue mais moins chère
Il faut compter 3 jours de trajet pour parcourir les quelques 3 000 kilomètres nécessaires, sur terre ou sur mer et disposer de près de 500 euros par personne (3 000 euros pour 6 migrants). Si la route peut s’avérer dangereuse en raison des narcotrafiquants dans les États de Bolivar (Venezuela) et du Romaina (Brésil), elle reste bien moins surveillée et traverse moins de pays qu’en passant par le littoral du plateau des Guyanes. Les deux points de ralentissements potentiels sont la frontière entre le Venezuela et le Brésil car même si les deux pays adhèrent au Mercosur (traité de libre-échange sud-américain), la crise migratoire entraîne des contrôles de la part des brésiliens, exaspérés par les migrants vénézuéliens qui s’installent dans leur pays. Le second point de freinage est censé se situer sur l’Oyapock. En réalité, malgré les annonces répétées du gouvernement français, la frontière reste totalement perméable et la PAF (Police Aux Frontières) est impuissante à faire respecter l’interdiction de passage. Même si le trajet est plus long, les coûts sont moindres car les risques sont moindres pour les passeurs et le nombre de frontières à franchir est plus court.